Une dizaine d'années aura suffi à l'industrie pharmaceutique pour changer de façon durable la production de médicaments grâce à la chimie verte.
Cette approche permet d'économiser des matières premières, explique Jean Lessard, chercheur à l'Université de Sherbrooke. Il y a 10 ans, par exemple, on pouvait consommer 1 000 unités de réactif dans un procédé de synthèse qui n'en nécessitait que 100.
Aujourd'hui, le gaspillage est presque nul entre le début et la fin du processus. La chimie verte est économe en atomes. L'exemple du Viagra, de Pfizer, est éloquent. En 1990, la production d'une livre de petites pilules bleues générait près de 750 fois son poids en déchets. Aujourd'hui, produire la même quantité n'occasionne plus que trois livres de rebuts.
Par rapport à la chimie classique, l'approche a vraiment changé, fait remarquer le chercheur. Moins de pertes, de solvants et de récupération. L'intérêt des sociétés pharmaceutiques pour la chimie verte crée un effet d'entraînement, amenant les gouvernements à s'en préoccuper, ajoute M. Lessard.
La réduction des matières premières va de pair avec celle des déchets, à l'échelle du laboratoire comme à celle de l'usine. Chez Pfizer, à Saint-Laurent, l'amélioration des procédés s'est traduite par une réduction de la consommation d'eau potable de 45 % entre 1991 et 2009, tandis que le volume de production doublait.
Durant les quatre dernières années, les laboratoires ont également diminué l'utilisation de solvants de 15 %. Moins de solvants signifie aussi moins de risques pour les travailleurs.
Bientôt, la chimie verte pourrait faire appel à l'électronique. Pour le moment, le contrôle-qualité de certains médicaments nécessite de les dissoudre. En collaboration avec l'Université de Sherbrooke, Pfizer travaille à la mise au point de lecteurs infrarouges pour l'analyse de ces médicaments qui sont installés à fin de la chaîne de production. Cette technique permettrait d'éviter toutes les étapes faisant appel à de la " chimie mouillée " et éliminerait peut-être le besoin de laboratoires.
Annie Sébastien, vice-présidente de l'exploitation chez Pfizer, rappelle qu'il faut faire les choses correctement. " Il y a des solutions très bonnes pour l'environnement ", dit-elle, mais si on veut que ce soit durable, il faut qu'elles le soient aussi pour les affaires. " C'est gagnant-gagnant quand cela vise à réduire les coûts. "