La saga se poursuit dans le dossier de la mine uranifère Matoush. Alors que Québec a exigé un BAPE générique sur l’uranium et que la communauté crie s’oppose à son exploitation, la minière québécoise garde espoir dans le projet. Du moins, c’est ce qu’elle a réitéré lors de l’assemblée générale et extraordinaire 2013.
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Mais le projet achoppe du côté du gouvernement québécois. Le ministre du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des Parcs, Yves-François Blanchet, a demandé un BAPE générique (Bureau d’audience publique sur l’environnement) sur les risques que présente l’exploitation d’uranium dans la province. Cette demande a eu pour effet de mettre toute velléité d’exploitation sur la glace. Pourtant, souligne Guy Hébert, président de la minière de Boucherville, « Mme Marois a vanté notre projet aux Européens et aux Américains. "Quebec is open to business", qu’elle leur a dit ! »
Quant à la communauté crie, elle n’a pas le dernier mot, selon Strateco. Le BAPE non plus. C’est que le territoire où est situé le gisement se trouve dans une zone régie par la Convention de la Baie-James et du Nord québécois. C’est le COMEX (Comité d’examen), un alliage entre la communauté crie et Québec, qui doit émettre des recommandations. Or, le COMEX est d’accord pour aller de l’avant avec Matoush, à condition d’obtenir un accord signé par les Cris.
Une condition que conteste Strateco. «Ce n’est pas nécessaire, affirme M. Hébert. Les Cris ont vendu leurs droits sur l’exploitation des ressources sur leur territoire.»
Une affirmation contre laquelle le porte-parole de la Coalition pour que le Québec ait meilleure mine s’élève. « C’est boiteux juridiquement parlant. Je ferais attention si j’étais lui [M. Guy Hébert], il n’est ni avocat, ni juriste à ce que je sache», soutient Ugo Lapointe.
Une mine d’or
Une mine d’or
En assemblée, le président de la minière québécoise a rappelé que le potentiel de rentabilité de la mine Matoush est très important. Il s’agit de l’un des gisements les plus riches du monde: 60 millions de livres d’uranium, estime la minière. Strateco croit pouvoir extraire environ deux millions de livres par année. En comparaison, les États-Unis en produisent – au total – environ trois millions de livres par an. Concrètement, et si le projet va de l’avant, Québec obtiendrait 800 M$ en retombées économiques directes et indirectes (incluant les redevances minières), sur une période de 10 ans.
Ambiance radioactive
Les actionnaires de Strateco ont serré les rangs lors de l’assemblée. La réélection des membres du CA s’est déroulée sans aucune contestation, à des taux qui rendraient jalouse n’importe quelle société, frisant les 100% d’appuis. Toutefois, une frustration généralisée était palpable dans la petite salle du Reine Élizabeth où a eu lieu la réunion. Après tout, la guerre semble bel et bien déclarée entre Strateco et Québec.
Les actionnaires sont furieux. La chute spectaculaire de la valeur de l’action a passablement échauffé les esprits (l’action se négocie ce moment à 0,07$ alors qu’elle a atteint un sommet de 3,78$ en avril 2007).
Les commentaires fusaient de toutes parts et dans certains cas, frôlaient le racisme à l’encontre des autochtones. « Qu’on passe la boule dans les tentes pis que ça finisse là, s’est écrié l’un d’eux. De toute façon, c’est tu des Québécois ça les Cris? Au Québec, on a deux classes de citoyens ! » Un autre parlait « d’injustice et de l’attitude antidémocratique du Parti québécois ». Plus posé, un des administrateurs de la société s’est dit surpris de l’attitude de ce gouvernement. « Le cafouillage a débuté avec les libéraux, mais on dirait que le PQ a abdiqué de sa souveraineté», a-t-il relevé avec une pointe d’ironie.
M. Hébert, président de Strateco, a ramené l’audience à l’ordre, rappelant que bien des Cris étaient en faveur du projet, mais que le blocage actuel est l’œuvre « de quelques activistes ». « Ils ont fait le party à Sept-Îles [référence aux manifestions qui s’y sont déroulées] et ont fait peur aux jeunes en leur montrant des photos d’enfants difformes à cause d’accidents nucléaires.»
La saga se poursuit
La saga se poursuit
Québec et Strateco doivent s’affronter en cour les 13 et 14 juin prochains. La demanderesse exige une compensation immédiate de 16 M$. De plus, l’entreprise demande à Québec une somme mensuelle pour maintenir l’entreprise sur le respirateur artificiel, et ce, tant que le gouvernement provincial n’aura pas rendu sa décision. « Il ne fait aucun doute dans mon esprit que Québec essaie de nous tuer en faisant traîner les choses, mais c’est pas vrai que je vais terminer ma carrière avec un échec ! » martèle Guy Hébert. Il ajoute que dans l’éventualité où son entreprise devrait se retirer à cause d’un moratoire permanent, il intentera des procédures judiciaires pour obtenir des dédommagements.
«J’ai confiance, la lumière est au bout du tunnel, affirme Guy Hébert. Depuis janvier, notre attention est concentrée sur les aspects légaux, mais ça va peut-être s’avérer aussi payant que de faire de l’exploitation.»
La compagnie a déjà investi près de 123 M$ dans Matoush. En parallèle, certains actionnaires ont évoqués la possibilité d’intenter un recours collectif contre Québec.