Les restrictions de la Chine sur ses exportations de terres rares, des minerais indispensables à l'industrie, sont de nouveau au coeur d'un conflit devant l'Organisation mondiale du commerce avec une plainte mardi des États-Unis, de l'Union européenne et du Japon.
Washington, Bruxelles et Tokyo ont demandé des "consultations" sur le sujet, le préalable à un jugement de l'organisation genevoise.
Le conflit porte sur 17 métaux appelés "terres rares" car ils sont difficiles à repérer et extraire, et sur deux autres métaux, le tungstène et le molybdène.
"La Chine impose des quotas d'exportation à l'origine de distorsions" et "d'autres restrictions à l'exportation par le biais de ses procédures et règlements", ont indiqué les services du représentant américain au Commerce extérieur, Ron Kirk, dans un communiqué.
"Les restrictions imposées par la Chine sur les terres rares et d'autres produits violent les règles du commerce international et doivent être supprimées. Ces mesures affectent nos producteurs et consommateurs au sein de l'Union européenne et dans le monde", a estimé le commissaire européen au Commerce, Karel De Gucht, dans un communiqué séparé.
Pékin a considéré la plainte comme infondée. Les quotas d'exportation sont "conformes aux règles de l'OMC" car ils visent à "protéger l'environnement et permettre un développement durable", a assuré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Liu Weimin.
La Chine est aujourd'hui en situation de quasi-monopole avec plus d'un tiers (35%) des réserves accessibles et 97% du marché des terres rares, comme le cérium ou le lithium. Les propriétés chimiques et électromagnétiques de ces éléments sont mises à profit pour fabriquer éoliennes ou téléphones portables.
Cette affaire illustre les frictions entre Pékin, qui espère faire de ces ressources stratégiques un atout pour son développement, et les vieilles puissances industrielles qui comptent sur ces minerais extraits à bas prix en Chine pour nourrir leurs technologies de pointe (électronique, production d'énergie, motorisations hybrides, etc.).
La Chine a fixé des quotas d'exportation de 30 000 tonnes pour 2012, autant qu'en 2011. Mais en 2011, ses exportations de terres rares ont à peine atteint la moitié des quotas.
Le conflit pose aussi des questions environnementales. Les conditions d'extraction de certains de ces minerais sont régulièrement dénoncées par des organisations écologistes comme catastrophiques, entre rejets de déchets toxiques, pollution des nappes phréatiques, gâchis de terres arables et manque de protection pour les ouvriers.
Ailleurs qu'en Chine, l'industrie minière est à la traîne. L'Amérique du Nord, notamment le Canada, est considérée comme un gisement d'avenir, mais le secteur des terres rares y reste très peu développé face aux besoins.
Dans une première affaire, l'OMC a fait pencher la balance en faveur des importateurs. La Chine a été condamnée à l'issue d'une procédure lancée en 2009 par les États-Unis, l'Union européenne et le Mexique. Le jugement en appel date du 30 janvier.
Ce dossier concernait la bauxite, le charbon à coke, la fluorite, le magnésium, le manganèse, le silicium métallurgique, le carbure de silicium, le phosphore jaune et le zinc, autant de minerais où la Chine est en position dominante.
Mais "la Chine n'a fait aucun effort pour lever ses autres restrictions à l'export. Cela ne nous laisse pas le choix", a expliqué le commissaire européen.