Même si les groupes écologistes se réjouissaient, mardi, de la décision du gouvernement Charest de donner suite aux recommandations du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) sur les gaz de shale, le monde québécois des affaires, de son côté, se disait déçu.
En annonçant mardi qu'il procéderait à une évaluation environnementale stratégique de cette industrie gazière, le ministre de l'Environnement, Pierre Arcand, a réussi un tour de force en ralliant notamment l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), Équiterre et le Mouvement d'appui au gaz de shale.
Ce dernier parlait, mardi, de deux excellentes nouvelles. Selon le coordonnateur du mouvement, Sébastien Turgeon, l'industrie sera développée de manière responsable, ce qui représente une première raison de se réjouir. Et la deuxième, selon lui, est que le gouvernement n'a pas cédé aux groupes de pression en décrétant un moratoire.
"On accueille le rapport et les propositions du ministre de façon relativement positive. (...) C'est un pas dans la bonne direction", a quant à lui affirmé le président l'AQLPA, André Belisle, qui apportait néanmoins quelques bémols.
Il se dit notamment déçu que l'évaluation environnementale ne se soit pas concrétisée sous la forme d'un moratoire, tel que le réclame son regroupement depuis le début. Et il estime que la mise sur pied d'un comité de concertation sur les activités de l'industrie devrait aussi inclure des membres de groupes écologistes, ce qui ne semble pas être le cas pour l'instant.
Le cofondateur d'Équiterre, Steven Guilbeault, croit que la suggestion du BAPE telle qu'avalisée par Québec correspond à ce que souhaitaient les écologistes. "C'est un moratoire sans parler d'un moratoire", a-t-il soutenu.
Il estime qu'une évaluation stratégique, d'une durée approximative d'une à deux années, permettra de comprendre les tenants et les aboutissants de l'industrie controversée d'un point de vue social, économique et environnemental. C'est d'ailleurs, selon M. Guilbeaut, ce que tout le monde réclamait depuis le début.
Du côté des écologistes, Greenpeace Québec faisait cavalier seul, mardi. La responsable de la campagne Climat-Énergie, Virginie Lambert Ferry, a soutenu dans un communiqué de presse que le ministre Arcand a voulu gagner du temps et qu'il ne répond pas à la question à savoir si le Québec a besoin de gaz de shale ou non.
Une prise de position partagée par le réalisateur Dominique Champagne. "J'ai un sentiment qu'on est encore en train de gagner du temps pour favoriser une industrie dont on ne sait pas si on a besoin", s'est-t-il indigné en entrevue, précisant néanmoins qu'il ne demandait pas mieux que d'être convaincu de l'inverse.
Le monde des affaires déçu
La Fédération des chambres du commerce du Québec disait ne pas comprendre l'annonce de mardi. "L'industrie et la fédération cherchaient un encadrement pour le développement des gaz de shale, pas un quasi-moratoire", a réagi le vice-président aux affaires publiques, Denis Hamel.
Il ne voit d'ailleurs pas comment l'industrie peut se développer alors qu'une étude environnementale est en cours.
"Si les entreprises d'ici ou d'ailleurs ne se sentent pas désirées ou acceptées, elles ne se feront pas prier pour aller ailleurs et c'est ce qu'on craint", a poursuivi M. Hamel.
Même s'il est d'accord avec la décision de ne pas décréter de moratoire, le président du Conseil du patronat lance quant à lui un avertissement au gouvernement. Yves-Thomas Dorval rappelle que la prévisibilité est quelque chose d'important pour les investissements et que par conséquent, Québec devra développer et annoncer le plus rapidement possible le cadre réglementaire.
L'association pétrolière et gazière du Québec n'a pas voulu commenter mardi, affirmant qu'elle procéderait d'abord à une analyse complète du document.
Réaction politique
Le BAPE vient de dire au gouvernement Charest de refaire ses devoirs dans le dossier des gaz de shale, selon la porte-parole de Québec solidaire, Françoise David.
"Le gouvernement n'a aucune raison d'être fier de tout ce qu'il a fait dans ce dossier. Le BAPE vient de lui dire: vous avez très mal travaillé, il faut recommencer", a indiqué Mme David lors d'un entretien téléphonique.
Elle estime que le contenu du rapport et le recul du gouvernement constituent certainement une "victoire citoyenne", en ce sens que le BAPE a reconnu les inquiétudes manifestées par la population.
De plus, Mme David se dit rassurée par le fait que le BAPE recommande que le ministère de l'Environnement devienne le maître d'oeuvre du dossier et de tout éventuel développement de la filière, mais elle souhaite toujours que Québec décrète un "véritable" moratoire sur l'exploration et l'exploitation de ces gaz.
Le Parti québécois et l'Action démocratique du Québec ont préféré attendre à mercredi pour réagir, afin de prendre le temps d'analyser le rapport plus en profondeur.
L'Union des municipalités du Québec (UMQ) et la Fédération québécoise des municipalités (FQM) ont toutes deux réagi favorablement au rapport du BAPE. Dans un communiqué, elles affirment que le rapport répond à nombre de leurs préoccupations dans ce dossier.