La fermeture de la mine Québec Lithium en Abitibi jette une ombre sur le développement de la filière du lithium au Québec. Toutefois, on aurait tort de croire pour autant que le marché pour ce métal rare et stratégique est baissier ou que les autres projets québécois de lithium sont en difficulté. C'est le contraire.
Le marché mondial du lithium continue de croître et les prix sont stables, voire en légère hausse. En outre, sur les cinq plus grands projets dans le monde, deux sont au Québec, en territoire cri, et suivent leurs cours. Le test ultime réside toutefois dans la capacité de réaliser une deuxième transformation à l'échelle commerciale.
«La fermeture de Québec Lithium est une bonne chose pour nous, dans la mesure où cela diminue la concurrence de 20 000 tonnes, affirme Guy Bourassa, pdg de la minière Nemaska Lithium qui développe le projet Whabouchi à Nemaska, à 250 kilomètres de Chibougamau. Mais en même temps, cela a un impact négatif à court terme, car cela génère une perception négative de la filière.» D'autant plus que l'échec de Québec Lithium porte à deux le nombre d'échecs sur un total de cinq projets en développement à l'heure actuelle.
Chez Éléments Critiques, la minière qui détient le projet Rose, à 35 km de Nemaska, le pdg Jean-Sébastien Lavallée renchérit : «Le marché est là et il y a de la place pour tous les projets présentement développés dans le monde», ajoute-t-il.
Il se produit annuellement 200 000 tonnes de lithium dans un marché qui devrait atteindre 300 000 tonnes en 2020 et 380 000 en 2025, s'il faut en croire une étude du Roskill Consulting Group. L'annonce récente du constructeur automobile Tesla de la construction d'une usine de batteries au lithium aux États-Unis ajoute de l'eau au moulin.Les ratés de Québec Lithium
Le 8 octobre dernier, Québec Lithium a cessé ses activités, faute de fonds. La direction de RB Energy assure que c'est temporaire et qu'elle poursuivra sa quête de financement.
Mais ce qu'il faut savoir, c'est que la mine a déjà reçu plus de 320 millions de dollars de financement depuis le début - pour un projet qu'elle évaluait à 200 M$ - et qu'elle a fait quatre levées de fonds en un an. En dépit de cela, elle n'a pas réussi à produire du carbonate de lithium à l'échelle commerciale. C'est à peine si elle a pu livrer une cargaison de 55 tonnes à son client chinois Tewoo, qui l'avait payée d'avance pour des livraisons hebdomadaires devant démarrer en juin.
Le projet a connu plusieurs ratés. D'abord, on a sous-estimé les dépenses en capital. Ensuite, on a voulu rogner sur les dépenses. Cela s'est traduit par des retards dans l'achat d'équipements et le choix de solutions moins performantes. Enfin, on a voulu aller très vite. Résultat : on a eu du mal à transformer le minerai de façon adéquate. Les retards ont augmenté les coûts, le produit final n'était pas là et, lors de la dernière ronde, les financiers n'y croyaient plus.
Selon M. Bourassa, la basse teneur du minerai était un grave handicap (0,94 % par tonne pour Québec Lithium, comparativement à 1,53 % pour le projet Whabouchi).
M. Bourassa observe qu'il s'est passé à peu près la même chose avec le projet Galaxy, en Australie, qui devait produire 17 000 tonnes par année. Malgré une douzaine d'ententes avec des acheteurs, le projet est mort l'an dernier faute d'avoir pu atteindre ce jalon.
Bref, il appert que Québec Lithium a connu des problèmes de qualité et de capacité, et conséquemment de financement.Bonnes nouvelles
Chez Nemaska Lithium, on s'apprête à annoncer de bonnes nouvelles au cours des prochains jours : la conclusion d'une entente sur les répercussions et les avantages (ERA) avec la nation crie. Cette entente accorde au projet une grande acceptabilité sociale qui maximise ses chances d'obtenir sa certification d'autorisation environnementale, à la suite des audiences du Comité d'examen (COMEX) qui devraient se tenir cet hiver.
La minière a publié en juin une étude de faisabilité qui confirme la viabilité économique du projet et sa faisabilité technique. L'avantage de ce projet est qu'on a trouvé une façon de produire de l'hydroxyde de lithium pour deux fois moins cher. Le procédé est en instance de brevet dans 48 pays. On s'achemine donc vers le démarrage d'une mine en 2017.
Selon Guy Bourassa, ce qui rend difficile le financement et pénalise le prix de l'action, ce sont les délais d'obtention des permis nécessaires et l'incertitude qui a régné au Québec au cours des deux dernières années, à la suite de l'élection du Parti québécois et de la fin du projet d'uranium de Strateco. «Les investisseurs nous disent maintenant : revenez nous voir quand vous aurez vos permis.»
Nemaska est en pourparlers avec plusieurs utilisateurs. «Ce ne sont pas les utilisateurs qui manquent, et on parle à des gens aux États-Unis, au Japon, en Corée, partout sauf en Chine», précise M. Bourassa. La Chine s'approvisionne en Australie.
Chez Éléments Critiques, le projet est moins avancé. À la suite d'une étude économique préliminaire, on est passé directement à l'étude de faisabilité que l'on prévoit terminer à l'été 2015. Il reste aussi les études environnementales, un volet délicat compte tenu des impacts sur des lacs et rivières.
Le projet Rose ne contient pas seulement du lithium, mais aussi du tantale, ce qui lui apporte une source de revenus avant même de produire du carbonate de lithium.> Projet Québec Lithium
Entreprise : RB Energy
Production : + de 55 millions de tonnes (objectif : 20 000 t par année)
Coût en immobilisation : + de 324 M$ (correspond ici au montant investi ; la prévision initiale était de 204 M$)
Coût de production : 2 600 $ US/t
Scénario de base du prix : 6 000 $ US/t (carbonate de lithium)
Prix de l'action (TSX, RBI) : 4 cents
Sommet depuis un an : 1,18 $
> Projet Rose
Entreprise : Éléments Critiques
Production : 26 000 t/a de carbonate de lithium et 206 000 lb/a de tantale
Coût en immobilisation : 268 M$
Coût de production : 2 900 $/t (carbonate de lithium et tantale)
Scénario de base : 5 000 $ US/t (carbonate de lithium) 118 $ US/lb (tantale)
Montant investi : 6,5 M$
Prix de l'action (TSX, CRE) : 27 cents
Sommet depuis un an : 40 cents
> Projet Whabouchi
Entreprise : Nemaska Lithium
Production : 28 000 t/a d'hydroxyde de lithium 3 250 (t/a) de carbonate de lithium
Coût en immobilisation : 520 M$
Coût de production : 3 450 $/t (hydroxyde) ; 4 150 $/t ( carbonate de lithium)
Scénario de base du prix : 5 000 $ US/t (carbonate de lithium) et 8 000 $ US/t (hydroxyde de lithium)
Montant investi : 35 M$
Prix de l'action (TSX, NMX) : 18 cents
Sommet depuis un an : 25 cents