Partout dans le monde, de plus en plus, lorsque les mines sont situées dans des zones reculées, les sociétés minières transportent leurs employés vers leur milieu de travail à l'aide d'avions nolisés, et les logent dans des camps plutôt que de bâtir des villes. Les employés travaillent habituellement deux ou trois semaines d'affilée, puis ont le même nombre de jours de congé.
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Au Québec, Mine Raglan, dans le Nunavik, fonctionne selon le mode fly-in fly-out (FIFO). Mais le FIFO est aussi employé dans les mines situées tout près des villes minières. À la mine du Mont-Wright, d'ArcelorMittal Mines Canada (AMMC), près de Fermont, et à la mine du Lac Bloom, de Cliffs Natural Resources, près de Labrador City. Au grand dam des administrations concernées qui craignent pour leur survie.
Les minières disent qu'elles n'ont pas eu le choix. «Il fallait élargir notre bassin de compétences et attirer de la main-d'oeuvre qualifiée», explique Éric Normand, directeur des ressources humaines chez AMMC. Mais quels sont les avantages et les inconvénients de ce système pour les mineurs ?
Marié et père de trois enfants, André Maltais, 41 ans, est entré à l'emploi de la mine du Mont-Wright d'ArcelorMittal comme résident de Fermont, avec sa famille. Mais deux ans plus tard, ce contremaître est retourné s'installer à Sacré-Coeur, au Saguenay, lorsque sa conjointe, qui avait pris un congé sans solde de son travail pour l'accompagner à Fermont, a préféré rentrer pour reprendre son ancien poste. «Elle s'était trouvé un emploi à Fermont, mais elle s'ennuyait de ses parents, relate M. Maltais. De mon côté, ma mère avançait en âge. Elle a 81 ans. Maintenant, les grands-parents voient plus souvent leurs petits-enfants.» C'est ainsi que M. Maltais est passé du statut de «permanent résident» à «permanent non-résident», le nom que l'on donne aux employés qui font du fly-in fly-out.
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André Maltais compose bien avec la distance : c'est un ancien travailleur forestier. «Ma conjointe et moi, on a toujours vécu comme cela.» Il apprécie le fait de pouvoir être en congé 36 jours d'affilée, en prenant juste 12 jours de vacances. «Je n'ai jamais si peu travaillé dans une année !» dit-il, en précisant qu'il travaille... la moitié de l'année. C'est vrai qu'ArcelorMittal Mines Canada a réduit les quarts de travail de 14 à 12 jours. M. Maltais est content aussi du salaire - qui n'est pas plus élevé que s'il était résident - mais qui lui apparaît avantageux dans la mesure où, une fois au travail, il est logé et nourri par la minière. «Je n'ai pas de ménage à faire ni de repas à préparer.»
«C'est sûr que je m'ennuie de mes enfants, poursuit-il, mais quand je suis au travail, je me conditionne à le faire, en sachant qu'au retour à la maison, j'aurai plus de temps de qualité avec ma famille.» Et, pour communiquer, il y a Skype et FaceTime, ajoute-t-il.
Une attitude «positive»
Établi à Saint-Félicien, Daniel Lavoie, 50 ans, a eu sa propre PME de distribution, avant de se mettre à la recherche d'un nouveau défi. C'est sa conjointe qui a vu passer une offre d'emploi en FIFO à la mine de fer du Mont-Wright. «J'étais habitué de voyager», explique-t-il. Le FIFO, c'était un must pour lui, sinon, il n'aurait pas postulé. «Je ne voulais pas déraciner ma famille.» Trois enfants - 13, 9 et 6 ans - et sa conjointe qui vient de décrocher un poste important en démarrage d'entreprise. «Déménager à Fermont aurait été un trop gros sacrifice à lui demander», croit ce chef des préposés au concentrateur.
«On s'est dit : on l'essaie un an. Et ça va bien. Mes deux enfants plus vieux sont très autonomes. Le plus jeune commence à s'ennuyer après 9 ou 10 jours, mais quand j'arrive, c'est la fête ! Ma blonde est très indépendante, poursuit-il, et nous avons de bons voisins, alors cela me rassure.»
Daniel Lavoie «adore» son travail. «Je suis un gars avec une attitude positive», ajoute-t-il. Mais il avoue qu'un quart de travail de trois semaines d'affilée «serait trop long». M. Lavoie mentionne également l'expérience d'un ex-confrère de travail, lui aussi aussi en mode fly-in fly-out, qui a dû quitter «parce que ses enfants pleuraient tous les jours». La direction des ressources humaines d'AMMC n'a pu confirmer cette information, et malgré nos tentatives, l'ex-employé n'a pu être joint.
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Aimer le plein air
Rémi Côté-Marquis est l'un des préposés sous la supervision de Daniel Lavoie. Âgé de 27 ans, ce natif de la Gaspésie l'avoue d'entrée de jeu : «Le FIFO, ce n'est pas pour moi. Je veux être avec ma conjointe et ma fille tous les soirs, je ne pourrais pas passer 12 jours sans les voir !»
Sa fille âgée de trois ans et demi souffre d'une maladie dégénérative et demande des soins constants. «En plus, j'adore la vie ici ! Je joue au hockey à l'aréna ; et comme j'habite "dans le mur", je n'ai même pas besoin de m'habiller pour m'y rendre !» Le mur est un vaste immeuble faisant près d'un kilomètre qui héberge des logements, des commerces, des services et lieux de loisir à Fermont. M. Marquis est également un grand amateur de chasse et de pêche. «Fermont est un magnifique endroit pour élever une jeune famille. Je veux prendre ma retraite ici !» s'exclame-t-il.
Rémi Côté-Marquis conçoit aisément que Fermont puisse ne pas plaire à un citadin, mais à l'instar de plusieurs résidents, il craint que le FIFO ne finisse par «tuer la ville».
Une petite crainte
Embauché chez AMMC également à titre de résident de Fermont, un technicien que nous appellerons Stéphane Tremblay (il n'a pas voulu donner son nom), âgé de 32 ans, en apprécie aussi les atouts. «Nos amis sont ici et nous y venons en vacances, dit-il. Mais ma conjointe n'a pu y trouver de travail dans son domaine et je suis récemment passé en FIFO.» Le couple habite maintenant aux Escoumins, à moins d'une heure de route de Forestville, où sont établis les beaux-parents. Le couple attend son premier enfant. «Je prendrai au moins cinq semaines de congé de paternité, raconte-t-il. Si nous voyons que le FIFO ne nous convient plus, nous aviserons. Nous avons une petite crainte. Mais on me dit que j'aurai plus de temps de qualité avec mon enfant.»
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