La Chine, sa mutation, nos entreprises- Série 4/5: Deuxième partenaire commercial du Québec, en voie de devenir la première économie mondiale, la Chine poursuit sa grande mutation. De retour d’un voyage de deux semaines dans trois villes stratégiques de l’empire du Milieu : Hong Kong, Shanghai et Beijing, notre journaliste raconte comment des PME québécoises ont profité des nouvelles occasions d’affaires qu’offre cette quête de modernité.
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Stéphane Boivin a pris sa décision. Au premier trimestre de 2015, il installera son entreprise, Pivot88, dans l'incubateur du Cyberport, le centre d'innovation en technologies de l'information de Hong Kong.
Pour la somme de 1 000 $ de Hong Kong ($ HK) par mois (148 $ CA), il y louera un bureau qui lui donnera accès à des infrastructures ultra-modernes ainsi qu'à des occasions de réseautage extraordinaires, compte tenu du fait que plusieurs multinationales y logent aussi.
Pivot 88 fabrique des logiciels de contrôle de la qualité. L'entreprise de Laval a déjà conclu des contrats avec plusieurs fabricants canadiens qui sous-traitent en Chine. Mais il veut maintenant traiter directement avec les usines chinoises. «Hong Kong est le meilleur endroit pour installer mon premier bureau en Chine, dit-il à Les Affaires. J'ai déjà deux clients potentiels dont le bureau commercial est à Hong Kong. C'est beaucoup plus simple de s'établir à Hong Kong que d'essayer d'obtenir le statut de WOFE (Whole-Owned Foreign Entreprise) dans une ville de la Chine continentale.»
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Hong Kong commence à faire sa marque comme capitale mondiale des start-ups. Voilà à peine cinq ans, cette région administrative spéciale de la Chine ne comptait que trois incubateurs. Aujourd'hui, on y en dénombre plus d'une trentaine. En 2013, Forbes l'a classée numéro un parmi les quatre pépinières de start-ups en émergence dans le monde.
«Grâce à sa communauté d'entrepreneurs ambitieux d'un côté, et à une population cosmopolite et de riches magnats de l'autre, Hong Kong a un fort potentiel qui n'a pas encore été réalisé, écrivait la revue. On est peut-être assis sur un baril de poudre qui ne demande qu'à exploser.»
Le Cyberport, où logera Pivot 88 et que Les Affaires a visité, est un complexe immobilier de 23,5 hectares composé de quatre immeubles (170 bureaux), un hôtel, un centre de divertissement et un stationnement de 800 places. À Hong Kong, tant d'espace est rare et coûte très cher. Le terrain a été cédé par le gouvernement dans le but de stimuler l'innovation en TI. La moitié du terrain a été utilisée pour bâtir des immeubles résidentiels, dont la vente a généré 5 G$ HK. Sur ce montant, 2 G$ HK ont servi à la construction du Cyberport, et le reste des profits sert à une foule de programmes.
Son pdg Mark Clift parle d'une réussite, en raison d'un taux d'occupation de 97 %. Près de 40 % des locataires viennent de l'étranger ; 60 % sont des entreprises de moins de 10 employés.
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De Toronto au Science Park
«Si la Chine est votre marché et que vous voulez fabriquer votre produit là-bas, c'est à Hong Kong que vous devez vous établir, sinon vous risquez de vous faire avoir, comme start-up, si vous allez directement sur le continent», lance de son côté Jeff Lin, un Torontois qui a installé sa PME, Valta, dans le Science Park.
Le Science Park est un autre grand complexe d'innovation et de technologie de 22 hectares, qui abrite 26 immeubles et 330 000 m2 de bureaux et laboratoires de R-D, situés en bord de mer dans les nouveaux territoires de Hong Kong. Le Science Park, qui héberge 400 entreprises, amorce la construction de sa phase 3, qui portera à 14 000 le nombre de ses employés. Des géants comme Boeing et Pfizer, ainsi que des grandes universités mondiales y ont des échanges ou des locaux. Le Science Park gère cinq grands centres de recherche : pièces automobiles, TI, logistique, nanotechnologies et textiles.
Valta fait partie des incubés d'Incutech, un programme de trois ans qui lui donne accès non seulement à de la R-D et à un loyer abordables, mais aussi aux foires commerciales auxquelles participent le Science Park et à la puissance de marketing de ce dernier. L'entreprise fabrique et commercialise des plateformes de gestion d'énergie dans le nuage. Un des autres avantages pour Valta, c'est qu'elle a pu trouver à proximité le matériel informatique nécessaire aux composantes de sa technologie, relate M. Lin.
Hong Kong compte aussi une multitude de nouveaux incubateurs privés de plus petite taille. Chez Paperclip, le fondateur Deepak Madnani est un entrepreneur en série qui a lancé son incubateur de 465 m2 voilà à peine un an. De ses 37 entreprises clientes, 30 % viennent d'Europe.
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En plus des espaces collaboratifs, Paperclip propose une «académie» de start-ups où l'on invite des conférenciers, tient des ateliers et offre du mentorat, le tout pour 2 000 $ HK par mois.
«Ouvrir un bureau à Hong Kong prend moins d'une journée. On y respecte les contrats et la propriété intellectuelle. L'impôt y est bas [16,5 % aux entreprises et 15 % aux particuliers]» fait valoir de son côté, Charles Ng, directeur d'InvestHK. Son organisme a lancé en 2013 le concours Startmeup HK à titre de projet pilote. La première édition mondiale, tenue en novembre, a accueilli 550 candidats de 47 pays.
«Ce sont l'innovation et la technologie qui vont donner un élan à notre croissance économique» dit Johann Wong, commissaire adjoint de la Commission sur l'innovation et la technologie de la région administrative de Hong Kong.
À ce jour, la région a investi plus de 8 G$ HK dans son Fonds d'innovation et de technologie (ITF). «On n'est pas là où on voudrait être sur le plan des ressources humaines», dit M. Wong. C'est pourquoi on cherche l'apport de l'étranger.
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De grandes entreprises ont répondu à l'appel, entre autres Accenture, qui vient de lancer un concours de technologies financières, et KPMG, qui a créé un programme d'analyses des données. Il manque aussi un autre maillon important dans la chaîne de l'innovation : le capital de risque.
Au cours des dernières années, les investissements réalisés à Hong Kong ont été concentrés dans l'immobilier. Mais cela change, croit Deepak Madnani. Et c'est pourquoi, comme l'écrivait la revue Forbes, la scène des technos à Hong Kong pourrait bien un jour exploser.
Les frais de voyage de ce reportage ont été payés par le Hong Kong Economic and Trade Office (HKETO)
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