La Chine, sa mutation, nos entreprises- Série 1/5: Deuxième partenaire commercial du Québec, en voie de devenir la première économie mondiale, la Chine poursuit sa grande mutation. De retour d’un voyage de deux semaines dans trois villes stratégiques de l’empire du Milieu : Hong Kong, Shanghai et Beijing, notre journaliste raconte comment des PME québécoises ont profité des nouvelles occasions d’affaires qu’offre cette quête de modernité.
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Le soir du 25 octobre, le smog à Beijing était tellement épais qu'un avion russe a dû survoler l'aéroport pendant une heure et demie avant que la visibilité soit suffisante pour atterrir. Quelques jours plus tôt, une photo du marathon de Beijing avait fait le tour du monde : des coureurs s'étaient munis de masques à oxygène et plusieurs avaient abandonné la course.
Pas besoin de séjourner longtemps à Beijing pour voir à quel point la pollution est un fléau. D'ailleurs, pour ménager ses invités au Sommet de l'Organisation économique Asie-Pacifique (Asia-Pacific Economic Cooperation, APEC), le gouvernement chinois a ordonné aux usines d'acier de réduire leur production.
Voilà qui n'aide pas l'exportation du fer québécois ! Mais s'il ne fallait retenir qu'une chose des récentes missions commerciales entreprises par les premiers ministres du Québec, de l'Ontario et du Canada accompagnés de gens d'affaires, c'est qu'il n'y a pas que nos ressources naturelles qui intéressent le pays.
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En fait, les entreprises canadiennes qui ont eu du succès lors de cette mission - en annonçant des partenariats, des ventes ou des investissements - oeuvrent dans des domaines tout autres. En technologies vertes, par exemple : un bon moyen de s'attaquer au smog.
Ainsi, le fabricant de systèmes de motorisation électrique TM4, une filiale d'Hydro-Québec, vient d'inaugurer une usine près de Beijing avec le partenaire chinois PEBS. Les deux sociétés travaillent ensemble depuis 2011, et elles ont obtenu une commande de 350 autobus qui desserviront notamment Beijing. De son côté, Enerkem, une société montréalaise spécialisée dans la transformation de déchets en biocarburants, a signé une entente de principe pour ouvrir non pas une, mais deux usines chinoises. D'autre part, Candu, filiale de SNC-Lavalin, vient de créer une coentreprise avec China National Nuclear Corporation pour construire des réacteurs avec sa technologie avancée.
Innovations et expertises
La Chine franchit une autre étape de son développement et de son ouverture sur le monde. Alors qu'elle a été, au cours des dernières décennies, l'usine de la planète, elle grimpe dans la chaîne de valeur et cherche à régler des défis d'ordre domestique. Qui plus est, elle a les moyens et la volonté de faire les rattrapages ou les innovations nécessaires.
C'est pourquoi elle est l'affût de technologies et d'expertises pointues. Elle ne les cherche pas seulement auprès des grandes multinationales occidentales comme Microsoft ou General Electric, mais aussi auprès des PME et des start-ups technologiques.
Le secteur des technologies médicales est un exemple de cet intérêt pour nos PME innovantes. Un grand groupe chinois, Hisense, dont la capitalisation boursière est de 1,8 milliard de dollars, vient d'ouvrir sa propre division médicale. Le groupe vise un marché de 2 000 hôpitaux, à la recherche des meilleurs équipements.
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La nouvelle division de Hisense vendra notamment des tomodensitomètres (CT scanner) aux hôpitaux chinois. Et c'est le logiciel d'imagerie visuelle 3D d'une start-up de Granby, Cadens, que Hisense a choisi d'intégrer à son équipement. «Notre logiciel permet une lecture plus simple, plus précise et plus rapide des images», plaide le pdg de Cadens, Jean-Pierre Robert, rencontré à Shanghai. L'entente de licence offre un potentiel de 10 millions de dollars de revenus sur cinq ans pour cette entreprise en démarrage.
«Alors qu'en Occident on ne fait que du remplacement, en Chine, le marché est loin d'être mature», explique M. Robert. Mais encore a-t-il fallu que Cadens s'expose à l'exportation.
M. Robert raconte qu'un premier contact avec un des scientifiques de Hisense a eu lieu lors d'un congrès à Chicago, en novembre 2013. Puis pendant un an, M. Robert a visité le pdg de Hisense Medical presque tous les mois. À partir d'avril, c'est avec son vice-président de R-D qu'il se déplaçait en Chine pour rencontrer l'équipe de Hisense. En outre, ils ont organisé de fréquentes vidéoconférences entre les équipes du Québec et de la Chine. La conclusion du contrat s'est fait après cette prenante démarche. «S'assurer qu'on comprend bien ce que chacun attend de l'autre et que le courant passe, c'est la clé», croit Jean-Pierre Robert.
Les technologies de l'information sont un autre secteur porteur pour le Québec, comme en témoigne le contrat de licence que la PME montréalaise Azzimov a signé, lors de la mission commerciale, avec une filiale de China Telecom. Le moteur de recherche pour magasinage d'Azzimov est le plus sophistiqué qu'a trouvé Jiangsu Telecom pour desservir ses 250 millions d'abonnés en téléphonie mobile.
C'est toutefois en Ontario que la plus importante création d'emplois aura lieu grâce à l'industrie chinoise des TIC. En effet, lors de la mission commerciale de cette province, le fournisseur de technologies sans fil Huawei a annoncé un nouvel investissement de 200 M$ dans son centre de recherche à Markham et son siège social canadien à Ottawa.
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Culture et santé
Ce n'est pas pour rien que le premier ministre Couillard a choisi de démarrer sa mission commerciale, le 26 octobre, par une activité culturelle à Shanghai. Le message était clair : la culture québécoise est plus qu'une carte de visite dans l'empire du Milieu. Non seulement les Chinois s'ouvrent à la culture occidentale - comme en témoigne le nouveau contrat de Cavalia à Hong Kong l'an prochain -, mais ils cherchent des expertises pointues en construction, en aménagement et en gestion pour les nouvelles infrastructures culturelles qu'ils bâtiront. «Il y a un appétit féroce de culture dans ce pays», observe Pierre Fortin, directeur général du Partenariat du Quartier des spectacles (PQS) de Montréal, qui a également participé à la mission. À Hong Kong, on érige un immense quartier culturel - le West Kowloon Cultural District - qui couvrira 48 hectares en bordure de mer, tandis qu'à Shanghai, on planche sur un parc d'attractions Disney. L'entreprise lavalloise Show Canada tirera profit de cet essor. Ce concepteur scénique, qui observait le marché depuis 2006, vient d'ouvrir une immense usine à Beijing pour fabriquer ses scènes. Quant au PQS, il n'a rien signé, mais son expertise en gestion et aménagement est très sollicitée.
La recherche universitaire québécoise n'était pas en reste lors de la mission : pour le Québec, une quinzaine d'ententes ont été signées. Selon le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, ces ententes témoignent d'un intérêt croissant pour les façons occidentales de s'attaquer à des maladies qui progressent en Chine, comme le cancer et les maladies cardiovasculaires.
Non, il n'y pas que nos ressources naturelles qui intéressent les Chinois.
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À lire sur le Web
Tout au long de son voyage de deux semaines en Chine, notre journaliste a publié plusieurs reportages. À lire sur lesaffaires.com/publication/les-affaires :
> «Comment une PME montréalaise a conquis 250 millions de Chinois»
> «Enerkem, les dessous d'une percée en Chine»
> «Casavant : installer un orgue en Chine, pas une sinécure»
> «Un groupe chinois investit 25 M$ dans l'immobilier résidentiel à Montréal»
> «Le cabinet d'avocats Borden Ladner Gervais ouvre un bureau en Chine»