L'industrie éolienne juge inquiétant le temps que prend Québec pour adopter le décret permettant d'encadrer le prochain appel d'offres d'énergie éolienne d'Hydro-Québec. Un délai qui pourrait même entraîner des mises à pied, selon des sources de l'industrie.
Le 10 mai, le gouvernement Marois a annoncé un nouveau bloc de 800 mégawatts d'énergie éolienne, dont 450 MW doivent être assujettis à des appels d'offres lancés par Hydro-Québec. Or, trois mois plus tard, Québec n'a toujours pas adopté ce décret, déplorent les entreprises que nous avons contactées.
«Ce délai est trop long», laisse tomber Patricia Lemaire, directrice des affaires publiques chez le producteur d'énergie renouvelable Boralex. Cette entreprise développe un projet éolien avec Gaz Métro dans la Seigneurie de Beaupré, près de Québec.
Mardi, lors d'une rencontre avec les quatre manufacturiers éoliens basés en Gaspésie (Enercon Canada, Marmen, LM Wind Power, Fabrication Delta), un représentant du ministère des Ressources naturelles les aurait avisés que les appels d'offres seraient lancés d'ici Noël.
Joint par Les Affaires, le cabinet de la ministre Martine Ouellet a indiqué que Québec «est à jour» en ce qui a trait à l'échéancier. «Les partenaires ont été consultés. Le gouvernement complète les dernières étapes», écrit dans un courriel le porte-parole Nicolas Bégin.
Une opinion sur l'échéancier qui n'est toutefois pas partagée par l'industrie. «La rencontre de mardi a été positive, mais nous sommes malheureusement encore à l'étape des discussions!», déplore Marc-Antoine Renaud, chargé d'affaires et du développement chez Enercon Canada, qui exploite une usine de tours et des convertisseurs d'énergie à Matane.
Carnets en décembre 2015
Selon lui, les risques sont de plus en plus grands que les délais pour adopter le décret - et lancer par la suite les appels d'offres - entraînent des arrêts de production dans les usines des quatre manufacturiers en Gaspésie au début de 2016.
Actuellement, les carnets de commandes des usines sont garnis jusqu'à l'automne 2015: les derniers projets éoliens découlant des appels d'offres précédents seront mis en service en décembre 2015.
La crainte de l'industrie, c'est que le délai dans l'adoption du décret ne fasse en sorte que les ouvriers des usines se retrouvent sans travail durant quelques semaines, voire quelques mois en 2016.
Au Québec, il faut compter environ 36 mois entre l'adoption d'un décret et la mise en service d'un projet éolien, disent les acteurs l'industrie. Si Québec tarde encore à adopter le décret, les carnets de commandes pourraient être vides au début de 2016.
«Au moment où l'on se parle il me semble inévitable qu'il y ait des mises à pied dans les usines de la Gaspésie», confie Luc Leblanc, directeur des affaires publiques chez Cartier énergie éolienne. Ce consortium formé de TransCanada et d'Innergex énergie renouvelable possède des parcs éoliens en Gaspésie.
«Ça pourrait effectivement entraîner des mises à pied», dit pour sa part Vincent Trudel, vice-président exploitation chez Marmen de Trois-Rivières, une entreprise spécialisée dans l'usinage de précision, qui a une usine à Matane fabriquant des tours d'éoliennes.
La prochaine stratégie énergétique du Québec misera sur la production d'énergies renouvelables, dont l'éolien, peut-on lire noir sur blanc dans le document de consultation en prévision de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec.
Il est donc possible que le gouvernement du Québec adopte d'autres décrets pour encadrer de futurs appels d'offres. Des appels d'offres qui ne seraient toutefois lancés qu'à moyen et à long terme.