Hydro-Québec s'aligne officiellement sur la position du gouvernement Marois: la centrale nucléaire de Gentilly II, à Bécancour, cessera définitivement ses activités à la fin de cette année.
Il en coûtera 1,8 milliard $ pour la déclasser sur une période de 50 ans, plutôt que 4,3 milliards $ pour la rénover.
L'annonce est opportune, une fois la campagne électorale terminée, même si la société d'État disposait de données dès la fin du printemps pour appuyer cette conclusion, mais il semble que le précédent gouvernement libéral, qui avait plutôt un préjugé favorable à la réfection de la centrale, n'ait pas cherché à en faire état.
La hausse des coûts de réfection et la baisse du prix de l'électricité sur le marché amènent Hydro-Québec à renoncer à son projet de rénover la centrale, en vertu du rapport rendu public mercredi.
Incidemment, cela correspond au voeu de la première ministre Pauline Marois, qui, au terme de la première réunion de son cabinet, à la mi-septembre, avait annoncé la fermeture de la centrale, provoquant ainsi un tollé dans la région de la Mauricie-Centre-du-Québec.
"Le projet n'est plus justifié sur le plan financier", a déclaré le pdg d'Hydro, Thierry Vandal, en conférence de presse mercredi après-midi, avec la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet.
La décision conforte le PQ, qui exigeait la fermeture de la centrale depuis 2009, même sans avoir en main toutes les données d'Hydro. Mme Ouellet soutient que cette position avait été adoptée en fonction de certains indicateurs, problèmes de réfection dans d'autres centrales, vente d'Énergie atomique du Canada et catastrophe de Fukushima au Japon.
"Les conclusions du rapport (d'Hydro), c'est un peu ce qu'on pressentait", a-t-elle dit durant la conférence de presse.
La société d'État se défend pour sa part d'avoir caché le rapport pendant la campagne électorale. Thierry Vandal affirme que les données les plus récentes ont été colligées pendant les dernières semaines. Toutefois il était de notoriété publique déjà depuis plusieurs mois que la réfection coûterait bien au-delà de 3 milliards $, a-t-il ajouté.
"Hydro-Québec ne fait pas de politique", a pourtant dit M. Vandal en conférence de presse, prenant ses distances du gouvernement pour affirmer que le scénario de la fermeture circulait chez Hydro depuis mars 2011.
Donc, au terme de son permis d'exploitation auprès de la Commission canadienne de sûreté nucléaire, Gentilly II, après 30 ans d'activité, ne produira plus d'électricité, à compter du 28 décembre 2012.
"Aucun prolongement n'est possible sans réfection majeure de la centrale", a justifié M. Vandal.
Il en coûterait 4,3 milliards $ pour rénover la centrale, selon les estimations rendues possibles par les réfections similaires effectuées à Pointe Lepreau, au Nouveau-Brunswick, et en Corée du Sud. Si on ajoute les coûts de fermeture au terme de la vie utile, qui doivent être tenus en compte, la facture monte à 6,3 milliards $.
La centrale produirait de l'électricité au coût de 12,3 cents le kilowattheure, soit beaucoup plus cher que le prix sur le marché. C'est donc "nettement plus avantageux" pour Hydro-Québec de renoncer à la rénover, a déclaré M. Vandal.
Il a expliqué pourquoi l'estimation de réfection est passée de 1,9 milliard $ en 2008 à 4,3 milliards $ en 2012. Le projet de Pointe Lepreau a permis de réaliser qu'il faut beaucoup plus d'effectifs pour réaliser le projet. Pour Gentilly, il aurait fallu 1400 travailleurs de plus que les 736 employés de la centrale. La période des travaux a aussi été prolongée. Enfin, les coûts des infrastructures temporaires ont augmenté.
En revanche, le déclassement coûtera 1,8 milliard $ et s'échelonnera sur une cinquantaine d'années. Le démantèlement final se fera à compter de 2055. Au total, cinq étapes sont prévues.
"C'est la meilleure solution économique", a plaidé Mme Ouellet, en ajoutant que c'est une décision "dictée par la sagesse".
Néanmoins, Hydro devra radier dans ses états financiers de 2012 des actifs de 1,7 milliard $, dont les trois quarts vont se répercuter, selon la règle, sur le dividende versé au gouvernement, soit 1,2 milliard $.
Grâce à la fermeture, toutefois, le bénéfice annuel d'Hydro-Québec pourra croître de 215 millions $ à compter de 2017, a calculé la société d'État.
La fermeture n'aura aucun effet sur les tarifs d'électricité, a assuré le pdg d'Hydro, cherchant visiblement à multiplier les arguments en faveur de la position adoptée.
La centrale compte 736 travailleurs permanents et M. Vandal a voulu se montrer rassurant, pour dire qu'ils seraient relocalisés et tous traités correctement, dans le respect des contrats et conventions collectives.
Mme Ouellet a aussi rappelé de son côté que la région de Bécancour et de la Mauricie pourrait disposer d'un fonds de diversification économique de l'ordre de 200 millions $.