Le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement recommande la tenue d'une « évaluation environnementale stratégique » sur le gaz de shale au Québec avant d'aller plus avant, une recommandation que le ministre de l'Environnement Pierre Arcand accepte d'emblée.
Le BAPE estime qu'une telle évaluation environnementale est un « passage obligé » pour s'assurer de l'acceptabilité sociale de l'exploitation éventuelle du gaz de shale au Québec.
« Le manque de connaissances requiert de la part du gouvernement un encadrement serré et une très grande prudence », a lancé le ministre Arcand, mardi en conférence de presse, reprenant ainsi une formulation du rapport du BAPE.
Une telle étude environnementale stratégique dure habituellement un an ou deux, selon les fonctionnaires.
Elle viserait à acquérir davantage de connaissances scientifiques sur le gaz de shale et à définir les balises encadrant son exploration et son exploitation avant d'aller plus loin.
Le BAPE précise que cette évaluation doit permettre une « évaluation économique établissant la pertinence socioéconomique de l'exploitation de la ressource gazière ».
L'évaluation environnementale doit aussi permettre une « évaluation des impacts et risques environnementaux », ainsi que « la définition des seuils d'acceptabilité et des méthodes de mitigation appropriées » précise le BAPE.
Pendant la durée de cette évaluation environnementale, les travaux d'exploration pourraient continuer, mais sans fracturation hydraulique. Toutefois, la fracturation hydraulique pourrait être autorisée exceptionnellement pendant la durée de l'évaluation environnementale, mais uniquement pour les travaux requis par l'évaluation environnementale, par exemple pour des fins d'acquisition de connaissances scientifiques, c'est-à-dire dans un environnement contrôlé et supervisé.
Il ne s'agit toutefois pas d'un moratoire, puisque l'activité des puits qui ont déjà été forés et fracturés pourra continuer, a précisé le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, au cours d'une conférence de presse qui a suivi la présentation du rapport de 323 pages.
À l'heure actuelle au Québec, il y a 31 puits et 18 ont déjà été fracturés, a précisé le ministre Arcand.
Le BAPE suggère aussi la mise sur pied d'un comité de concertation sur les activités de l'industrie. Celui-ci serait formé d'experts scientifiques provenant des milieux gouvernementaux, municipaux, privés et universitaires.
Le ministre Arcand a accepté d'emblée les recommandations du rapport, tant l'évaluation environnementale stratégique que le comité formé d'experts. « Nous ne ferons pas de compromis sur la santé, la sécurité, ainsi que le respect de l'environnement », a-t-il assuré.
« Le gouvernement n'autorisera pas de nouveau forage sans la mise en place de consultations publiques », a ajouté le ministre. Et après une telle consultation publique, il sera décidé au cas par cas d'aller ou non de l'avant avec un projet, a-t-il précisé, se refusant à quantifier le degré d'acceptation sociale nécessaire pour autoriser un projet.
Il a aussi indiqué que les entreprises devront fournir une liste des produits chimiques dont elles se servent dans leurs procédés.
De plus, le ministre de l'Environnement s'assurera qu'il y ait une inspection systématique des eaux souterraines.
Il s'est également engagé à ce que le cadre réglementaire entourant l'industrie soit bonifié.
Il a aussi jugé « très utile » l'idée du BAPE d'adopter un « bail type » pour orienter les négociations entre les citoyens et les entreprises.
Étonnamment, le ministre Arcand a soutenu que contrairement à ce qui a été dit par les groupes écologistes et bien d'autres observateurs, le BAPE aurait pu lui recommander un moratoire sur le développement des gaz de shale, ce qu'il n'a pas fait.
« Est-ce que le BAPE avait le mandat d'exiger un moratoire et de me demander de faire un moratoire? La réponse, c'est oui. À l'intérieur du mandat, ils pouvaient très bien, le BAPE est une entité indépendante, les commissaires ont un code d'éthique, ils auraient bien pu me dire 'ça prend un moratoire dans un premier temps »', a assuré le ministre.
À ce jour, l'industrie du gaz de shale a dépensé 200 millions $ au Québec pour divers travaux. L'industrie envisage 150 à 600 puits par année à compter de 2015.