Les membres de l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) ont bon espoir que les vives protestations des derniers mois ne les empêcheront pas de se lancer sans trop de délais dans l'exploitation du gaz de schiste.
Au premier jour de la deuxième conférence annuelle de l'association, entièrement consacrée à ce dossier chaud, l'allocution de l'ancien ministre libéral Raymond Savoie, aujourd'hui président de la firme Gastem (TSXV:GMR), a retenu l'attention.
Le dirigeant a reconnu que l'industrie gazière québécoise devait s'attendre à vivre un "hiver du mécontentement", reprenant le nom donné aux intenses troubles sociaux qui ont perturbé le Royaume-Uni à la fin des années 1970.
Il s'est indigné contre le documentaire américain "Gasland", qui critique avec virulence l'exploitation du gaz de schiste. Selon lui, le film est rempli de "demi-vérités".
Malgré tout, M. Savoie s'est dit confiant que le rapport du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) à propos du gaz de schiste, attendu l'hiver prochain, serait "très favorable" à l'industrie.
Certes, a-t-il convenu, Québec resserrera l'encadrement réglementaire. "Mais ce qui est bien avec le gouvernement du Québec, c'est que lorsqu'il vous oblige à faire quelque chose, il vous donne toujours des mesures incitatives en retour, a déclaré le président de Gastem. C'est donnant-donnant, alors tout cela devrait se conclure plutôt bien pour nous."
À ses yeux, le principal défi que doit relever l'industrie gazière est de rallier l'opinion publique _ et plus particulièrement les environnementalistes.
"Nous devons mettre sur pied ces groupes de travail conjoints, nous asseoir et parler à ces gens (les écologistes) afin de clarifier certaines questions, a-t-il lancé. Si nous ne le faisons pas, les choses ne feront qu'empirer. La meilleure façon que cela arrive, c'est de ne pas créer ces groupes de travail. Ils sont pénibles, ils nécessitent beaucoup de temps et d'efforts, mais sans eux, la situation ne s'améliorera pas."
M. Savoie a pressé les autorités et l'industrie d'agir vite. Sinon, a-t-il prévenu, les projets de gaz de schiste situés ailleurs en Amérique du Nord prendront le dessus sur ceux du Québec.
Mises en garde
Or, André Boisclair, ancien ministre de l'Environnement et chef péquiste, a soutenu lundi qu'il n'y avait pas lieu d'appuyer sur l'accélérateur.
"Le débat sur le gaz de schiste s'en va nulle part et vous ne faites pas face qu'à une poignée d'irréductibles", a-t-il dit aux participants, tout en précisant qu'il souhaitait le développement de l'industrie au Québec.
M. Boisclair a proposé que l'APGQ se dote d'un comité composé de personnalités respectées et indépendantes de l'industrie pour répondre aux préoccupations des Québécois.
Les entreprises gazières disposent encore de suffisamment de temps pour "reprendre le débat et le transformer en discussion civilisée", a-t-il estimé.
L'ex-politicien a par ailleurs souhaité que l'exploitation du gaz de schiste se traduise par la naissance d'entreprises et d'un savoir-faire québécois.
Il ne pourrait pas en être autrement, a insisté le président et chef de la direction de Questerre (TSX:QEC), Michael Binnion. Pour lui, la seule façon d'abaisser le coût des forages, c'est que le Québec se dote d'une industrie de services dans le secteur du gaz.
"Il sera impossible de faire passer les coûts de 10 à 15 millions $ par puits, comme c'est le cas actuellement, au montant que nous visons, soit 4 ou 5 millions $ par puits, sans des économies d'échelle et l'existence d'une industrie locale de services. Nous ne pouvons pas continuer à faire venir des gens et de l'équipement de l'Alberta."
Dans son discours d'ouverture, le président de l'APGQ, André Caillé, a soutenu que l'acceptabilité sociale du gaz de schiste passerait par la protection de l'environnement et les retombées économiques.
"On veut être les meilleurs au monde", a-t-il assuré.
Mais de toute façon, a avancé M. Binnion, de Questerre, aucune entreprise ne procédera à un investissement d'envergure dans le domaine du gaz de schiste sans le consentement de la population.
Pour montrer son ouverture, l'APGQ a invité le militant écologiste Steven Guilbault, d'Équiterre, et un représentant de Bâtirente, le système de retraite des membres de la CSN, à participer à sa conférence.
De son côté, le fonctionnaire qui pilote le dossier du gaz de schiste au ministère québécois des Ressources naturelles, Jean-Yves Laliberté, en a surpris plus d'un en affirmant qu'il se sentait "en famille" parmi les représentants de l'industrie gazière.
Québec a récemment investi quatre millions $ pour recueillir des données géoscientifiques qui faciliteront la tâche des entreprises effectuant de l'exploration gazière.
Un sondage Senergis publié vendredi dernier révélait que de plus en plus de Québécois avaient une opinion négative de l'industrie du gaz de schiste. Quelque 50 cent des répondants avaient une opinion défavorable comparativement à 35 pour cent en septembre.
L'enquête réalisée entre les 9 et 16 octobre révélait aussi qu'il y avait un certain durcissement des positions, le segment des "très défavorables" étant passé de 20 pour cent au mois de septembre à 29 pour cent.
La conférence de l'APGQ se poursuit mardi à Montréal.