Le gaz de schiste a fait couler énormément d'encre au cours des dernières semaines. Sa prospection et son exploitation pourraient également faire couler beaucoup d'eau dans les années à venir. Plusieurs s'en inquiètent et déplorent les nombreux impacts possibles de ces activités sur les nappes d'eau.
L'exploration et l'exploitation du gaz de schiste vont à l'encontre de la politique et de la loi sur l'eau adoptées par le gouvernement du Québec, croient ces observateurs.
" À quoi sert la loi si elle ne s'applique pas dans le cas de l'exploration et de l'exploitation du gaz de schiste ", s'interroge Martine Chatelain, présidente de la Coalition québécoise pour une gestion responsable de l'eau - Eau Secours!
" Les activités liées au gaz de schiste contournent l'esprit de la politique et de la loi sur l'eau ", renchérit Frédéric Lasserre, directeur de l'Observatoire de recherches internationales sur l'eau et professeur de géographie à l'Université Laval.
En juin 2009, le gouvernement du Québec adoptait la loi sur l'eau qui visait à assurer sa préservation et sa protection. En confirmant ainsi le statut juridique de l'eau comme partie intégrante du patrimoine et de la collectivité, la Loi précisait aussi les responsabilités de l'État comme gardien de cette ressource au nom des citoyens.
Or, " les citoyens et les élus municipaux ne peuvent même pas s'opposer aux entreprises qui sont libres de puiser l'eau où et quand elles le veulent ", dit Mme Chatelain.
Sans consultation
Les projets de gaz de schiste sont aussi réalisés sans avoir fait l'objet d'une consultation préalable auprès du Regroupement des organisations de bassins versants du Québec (ROBVQ), mis en place par le gouvernement du Québec pour assurer une gestion intégrée de l'eau au Québec.
" Il y aurait dû avoir des consultations pour mieux encadrer les pratiques et éviter certains dérapages ", dit Jean-Paul Raîche, premier vice-président de ce regroupement qui représente 40 organismes de bassin versant du Québec.
La gestion intégrée de l'eau par bassin versant est un axe majeur de la Politique nationale de l'eau adoptée par le gouvernement du Québec en 2002. Cette approche vise la concertation de l'ensemble des acteurs pour mieux concilier les différents usages de cette ressource. Et ce, dans une perspective de développement durable.
" C'est un mode de gestion qui permet d'avoir une vision globale et de connaître les effets cumulatifs des activités sur l'eau et ses multiples usages. Il est donc essentiel que tous les usagers et les différents acteurs s'y engagent ", explique M. Raîche qui préside le Conseil de gouvernance de l'eau des bassins versants de la rivière Saint-François (COGESAF), dans les Cantons-de-l'Est.
Le ROBVQ estime qu'on devrait acquérir davantage de connaissances au sujet des eaux souterraines avant d'entamer l'exploitation du gaz de schiste. Même son de cloche de la part de la coalition Eau Secours! par la voix de Martine Chatelain : " Au Québec, nous ne connaissons pas encore nos nappes souterraines, et nous laisserions les industries percer le sol sans études prouvant que ces forages sont sans danger. "