Le Fonds de solidarité FTQ et Investissement Québec continuent d'appuyer Mercer International, de Vancouver, dans son offre d'achat sur le producteur de pâte à papier Fibrek pour 1,30 $ l'action.
Les deux institutions québécoises prennent ainsi position dans la lutte de Fibrek et Mercer contre l'offre d'achat hostile de Produits forestiers Résolu. L'ancienne Abitibi Bowater a renouvelé jusqu'au 29 mars son offre d'acquisition pour l'entreprise, qui exploite une usine de pâte à papier à Saint-Félicien, au Lac-Saint-Jean. Elle offre 23 % de moins, soit 1 $ l'action.
Pour financer la portion liquide de son offre sur Fibrek, Mercer bénéficie d'un prêt de 70 millions de dollars. Contrairement à l'information véhiculée jusqu'à maintenant, seulement 30 millions de cette somme proviendraient d'Investissement Québec. Le reste, soit 40 millions, serait fourni par le Fonds FTQ (25 millions) et d'«une société de placement privée» du Fonds FTQ, mentionne l'offre de Mercer, publiée le 29 février.
Le porte-parole du Fonds, Patrick McQuilken a refusé d'identifier cette entreprise. Il se contente de dire que l'institution financière en est «partenaire», par le biais d'une participation au capital-actions ou d'une «débenture», c'est-à-dire un prêt.
Le Fonds n'a pas voulu dire précisément pourquoi il appuyait Mercer dans sa bataille pour le contrôle de Fibrek contre la montréalaise Résolu. «D'après l'analyse du dossier, nous croyons que l'offre de Mercer représente les meilleures chances de préserver les emplois dans la région», dit Patrick McQuilken, sans préciser davantage.
Investissement Québec se fait tout aussi laconique. «Pour l'instant, nous sommes toujours en discussions avec Mercer, dit Chantal Corbeil, porte-parole de la société d'État. C'est Fibrek qui nous a fait la demande de financement, de concert avec Mercer.»
Contexte résolument tendu
Si les institutions financière impliquées dans le prêt à Mercer se font discrètes, les derniers événements démontrent que d'importantes tensions existent entre Résolu, d'une part, et Québec et les associations de travailleurs du papier, d'autre part.
À Saint-Félicien, le syndicat des travailleurs de l'usine Fibrek s'est déjà prononcé contre le rachat de l'entreprise par Résolu. L'installation a déjà appartenu à son ancêtre, Abitibi-Consolidated, de 2000 à 2002. «Ça n'a pas été les années les plus glorieuses de l'usine», dit le président du syndicat, Mario Bernier. Selon lui, l'entreprise a sous-investi dans ses équipements, jusqu'à ce qu'elle les vende en 2002 à SFK Pâte, devenue Fibrek.
Résolu a multiplié les mises à pied au Québec, pendant qu'elle annonçait d'importants investissements dans ses usines ontariennes. En décembre, l'entreprise a fermé sa machine à papier numéro 6 de l'usine de Kénogami, au Saguenay, entraînant 150 licenciements.
Le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Clément Gignac, avait pourtant déclaré qu'il ne renouvellerait pas les droits hydrauliques de Résolu sur la rivière Shipshaw si elle fermait cette partie de l'usine ou si elle ne réinvestissait pas dans certaines installations. L'entreprise exploite sa plus grande centrale hydroélectrique sur le cours d'eau.
Attachée de presse du ministre Gignac, Jolyanne Pronovost confirme que le bail hydraulique de l'entreprise ne sera pas renouvelé sur la rivière. «Il faut voir techniquement comment ça va se faire», dit-elle.
Bref, l'ensemble des agissements de Résolu ces derniers mois n'a rien fait pour plaire ni au gouvernement — qui contrôle Investissement Québec — ni aux syndicats et au Fonds FTQ. «Le nom de Richard Garneau n'est vraiment pas bienvenu à Québec ces temps-ci», commente un analyste qui préfère garder l'anonymat.
Au siège social de Résolu, le porte-parole Pierre Choquette souligne que l'acquisition de Fibrek permettrait de diversifier les activités de l'entreprise, qui n'est pas présente dans la production de pâte à papier Kraft. «L'usine représente une occasion de renforcer notre rentabilité au Québec», dit-il. Rentabilité qui serait fort utile pour renflouer le déficit actuariel du régime de retraite de l'entreprise, qui s'élève à 1,3 milliard de dollars.