La province posséderait assez de réserves de gaz naturel pour combler ses besoins en gaz pendant 100 ans, selon l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ). Du gaz de schiste dans le Bas-Saint-Laurent, du pétrole à Anticosti et à Gaspé, sûrement du pétrole et du gaz à Old Harry, du gaz près de Rimouski... Même si certains observateurs jugent que ces ressources sont surestimées, l'industrie d'exploration et d'exploitation des ressources naturelles sait qu'il y a une activité économique lucrative possible au Québec grâce à la richesse de son sous-sol, que ce soit en pétrole ou en gaz, conventionnels ou non.
«Même avec des mesures de protection de l'environnement qui ajouteraient des contraintes supplémentaires, on sait que l'exploitation du gaz de schiste serait rentable», affirme Mario Lévesque, président de l'Association québécoise des fournisseurs de services pétroliers et gaziers (AFSPG). L'enjeu est de taille : actuellement, plus de la moitié de l'énergie du Québec est assurée par les hydrocarbures, selon le ministère des Ressources naturelles, ce qui coûte 14 milliards de dollars par an en importation de pétrole brut au Québec.
Aujourd'hui, certains projets, comme l'exploration du gaz de schiste des basses terres, sont arrêtés. D'autres progressent lentement, comme le projet Haldimand d'exploration de pétrole à Gaspé, suspendu à cause d'un différend porté devant le tribunal entre la Ville de Gaspé et Pétrolia (voir la carte). Parfois, ils sont lancés avec tambour et trompette, mais l'incertitude continue de planer sur leur réalisation. C'est le cas du projet d'Anticosti qui devait démarrer en partie cet été, mais que le gouvernement libéral remet en cause.
Une partie de la population et les environnementalistes implorent la prudence dans le développement, voire sont totalement opposés à toute exploration et exploitation qu'ils jugent dévastatrices pour l'environnement et parfois dangereuses pour les populations. «Les lieux où se trouve le gaz de schiste au Québec sont peuplés», rappelle Bertrand Schepper, chercheur à l'Institut de recherche et d'informations socio-économiques (IRIS).
Projets sur la glace
Les acteurs du développement de ces ressources - Questerre, Junex, Pétrolia, etc. -, quant à eux, bondiront dès que les conditions seront réunies. «Attention, met en garde Mario Lévesque. L'argent est mobile dans notre secteur : si les projets ne sont pas faisables ici, les entreprises vont investir ailleurs et, pendant ce temps, on perdra notre expertise au Québec.»
Le maître mot des entreprises qui animent le secteur au Québec, c'est «s'il n'y a pas d'acceptabilité sociale, on n'ira pas de l'avant». C'est ce qu'affirme Questerre par la voix de Marie-Chantal Domingue, directrice des communications pour le Québec, pour l'exploitation du gaz de schiste des basses terres du Saint-Laurent.
Les tests menés par la firme en 2008 ont été arrêtés depuis la mise en place du moratoire sur la fracturation hydraulique, dans l'attente des conclusions du Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE). L'organisme a rendu un rapport environnemental et tiendra la deuxième partie des séances publiques à partir du 2 juin. Talisman, partenaire dans le projet, a jeté l'éponge l'année dernière et annoncé qu'elle stoppait ses investissements.
«Il ne faut pas seulement une volonté politique. S'il y a une forte contestation de la population, ce n'est pas possible d'aller de l'avant», déclare Mario Lévesque. Il regrette les tergiversations qui font fuir, selon lui, les investisseurs. «Le Québec est considéré comme un lieu à risque pour l'investissement dans les ressources naturelles. Quand on sera prêts, il faudra regagner la confiance des investisseurs», déplore-t-il.
Germain Belzile, maître d'enseignement au département d'économie appliqué de HEC Montréal, en veut pour preuve les résultats du sondage annuel de l'Institut Fraser auprès de sociétés d'exploration et d'exploitation minières. Le Québec, qui occupait la première place du classement des territoires miniers les plus attrayants du monde pour ce qui est de l'investissement, de 2007 à 2009, est passé au 12e en 2012 puis... au 21e rang en 2013. «Alors qu'on devrait avoir les grands joueurs internationaux comme Shell ou Exxon, ce sont des compagnies mineures québécoises [NDLR : comme Pétrolia ou Junex] qui sont sur les projets comme celui d'Anticosti. Il y a trop d'incertitude pour les gros ici», regrette Germain Belzile.
Principalement des juniors
Pour renverser la tendance, l'industrie pétrolière et gazière du Québec demande... plus de réglementation. «On voudrait un cadre réglementaire comme celui de la Colombie-Britannique ou d'autres provinces. Cela rassurerait les investisseurs qui sauraient s'ils peuvent aller de l'avant», affirme Mario Lévesque.
Une industrie qui demande plus de réglementation, cela peut paraître paradoxal. «Les grandes entreprises ne viennent pas au Québec à cause du contexte politique, affirme Germain Belzile. Les règles sont trop changeantes. Le gouvernement vous dit quels permis il faut obtenir mais peut imposer un moratoire, comme celui sur l'uranium, de façon inopinée.»
L'urgence dans l'industrie, selon Mario Lévesque, c'est donc que «la loi sur les hydrocarbures et celle sur l'eau soient finalisées et adoptées». Des signes qui pourraient également contribuer à convaincre la population du cadre sécuritaire de ces explorations, espère l'industrie.
En attendant, le transport des hydrocarbures reste un enjeu fondamental, selon Germain Belzile. Et sur ce plan, l'autorisation de l'Office national de l'énergie (ONÉ) d'inverser le flux du pipeline 9B d'Enbridge a été une bonne nouvelle pour le milieu des affaires. «Le baril qu'on importe principalement d'Afrique et du Moyen-Orient nous coûte aujourd'hui de 20 $ à 35 $ de plus que celui qui proviendrait de l'Alberta», constate Germain Belzile. Dans ce contexte, «le problème de compétitivité des raffineries du Québec est réel. Si le pipeline s'arrête au Québec, l'inversion dans le pipeline 9B est une bonne nouvelle», selon Bertrand Schepper, qui met tout de même en garde contre les risques environnementaux que pose l'utilisation, en flux inversé, d'un pipeline vieux de 38 ans.
Les deux raffineries du Québec devront modifier leurs infrastructures afin de pouvoir être approvisionnées par le pipeline. Celle de Lévis va investir 200 millions de dollars pour adapter ses installations à Montréal afin d'acheminer le pétrole du terminal du pipeline 9B de Montréal jusqu'à Lévis.
***44 % - L'essence demeure le principal produit de raffinage du pétrole brut au Québec. Elle représente 44,2 % de la production totale de produits pétroliers énergétiques.
Source : Ministère des Ressources naturelles
***19 % - Part du Québec dans la capacité de raffinage du Canada.
Source : Ministère des Ressources naturelles