PRIMEUR. Rien ne va plus pour le projet Nunavik Nickel de Canadian Royalties, dans le Grand Nord québécois. La China Development Bank, qui finançait le projet, ne paye plus. Les entrepreneurs en construction se sont retirés du chantier. La banque d’affaires torontoise Forbes & Manhattan a pris le contrôle du projet et nommé un nouveau pdg, a appris LesAffaires.com.
Le 20 juillet, le président et chef de l’exploitation John Caldbick a remis sa démission, «pour des raisons personnelles», assure-t-il. La veille, il avait appris en même temps que les autres employés l’arrivée comme pdg d’un employé de Forbes & Manhattan, spécialisée dans la restructuration de minières en difficultés.
Le nouveau patron, Parviz Farsangi, est à Montréal pour discuter de l’avenir de Canadian Royalties. L’ingénieur minier se fait cependant avare de détails. «Nous tentons de mettre sur pied un plan pour exploiter l’entreprise de façon fiable et rentable, dit le vétéran de Vale et Falconbidge. Je ne partagerai aucune information d’ici là.» Il pense pouvoir en dire plus «d’ici deux semaines». Impossible de connaître les arrangements financiers pris entre Forbes & Manhattan et Canadian Royalties pour l’instant.
Le producteur de nickel achève la construction d’une mine d’une capacité de 160 000 tonnes de concentré et emploie 400 personnes. Les installations produisent déjà du minerai.
Canadian Royalties appartient à la Société minière Jien Canada ltée, une filiale de Jilin Jien Nickel Industry Co. Aujourd'hui, la multinationale chinoise a du mal à faire sortir ses fonds de l’Empire du Milieu, assure une source bien au fait du dossier, qui n’a pas l’autorisation de parler. Le prêteur de l’entreprise, la China Development Bank Corporation, restreint désormais les transferts d’argent à l’étranger, selon nos informations.
Sous le contrôle direct du Conseil d’État chinois, l’institution financière détient une hypothèque universelle de 700 M$ sur les actifs de Canadian Royalties. C’est la China Development Bank qui tenait les cordons de la bourse de Jien Canada ltée, jusqu’à ce que Forbes & Manhattan prenne le contrôle de l’entreprise.
Canadian Royalties fait les frais de décisions de Pékin, assure notre source. «C’est un problème monétaire dont la source est en Chine, selon elle. Le gouvernement considère que trop d’argent est sorti du pays, sans contrôles suffisants.»
Des recours pour 54 M$
Des recours pour 54 M$
Résultat: huit compagnies ont enregistré des garanties hypothécaires sur les actifs de Canadian Royalties, pour un montant total de 53,6 M$. Elles ont réalisé des travaux sur l’usine Nunavik Nickel et le port d’expédition de Baie-Déception, dans l’extrême Nord du Québec.
«Nous autres, on avait comme contrat la construction du quai», dit Pascal Nadeau, directeur de la construction pour Laval Fortin Adams. L’entreprise a pris la plus importante hypothèque légale, au montant de 14,2 M$. Elle s’est retirée du chantier quand Canadian Royalties a décidé d'interrompre les travaux. Laval Fortin Adams a enregistré son recours sur l’usine Nunavik Nickel le 19 juillet, le jour même où la direction de la minière annonçait l’arrivée du nouveau pdg, nommé par Forbes & Manhattan.
Iglu Construction s’est elle aussi retirée du chantier. «Nous on a exécuté des travaux pour Canadian Royalties. Notre contrat initial était la construction du quai et l’entrepôt de stockage, pour entreposer le minerai… On a travaillé sur le barrage de la prise d’eau… On n’a pas été payés et on a mandaté nos avocats pour récupérer notre argent. Notre mandat n’est pas terminé, mais on n’est plus là», dit Simon Goulet, gérant de projet pour l’entreprise. Le montant visé par son préavis de vente sous contrôle de la justice s’élève à 7 M$.
Même situation chez Liberty Mines
Jien Canada a également fait appel à Forbes & Manhattan pour son autre entreprise canadienne, Liberty Mines, en Ontario. En juin, la société publique a expliqué qu’elle contractait un prêt relais auprès de Forbes & Manhattan. Du même coup, la banque d’affaires plaçait ses hommes à la tête de l’entreprise. Son employé Pat Gleeson devenait alors pdg de l’entreprise et Parviz Farsangi accédait au conseil d’administration.