Ancien ministre de l’Environnement du Québec, André Boisclair travaille aujourd’hui comme consultant pour un groupe de pression luttant pour réhabiliter les sables bitumineux. Issu de la campagne politique d’un fervent opposant aux règlements fédéraux sur les gaz à effet de serre, l’Alberta Enterprise Group entamera bientôt une tournée du Québec avec l’ex-chef du Parti québécois.
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«Je sais que mon apparition aux côtés de ces entrepreneurs albertains peut faire en sorte que certains vont froncer les sourcils, concède-t-il. J’aime être vu là où je ne suis pas attendu. Je suis un libre penseur.»
Un libre penseur devenu «consultant en énergie et durabilité», dont «la majorité» des clients sont en Alberta, dit-il lors d’une rencontre en compagnie de ses invités d’Edmonton, jeudi.
Depuis septembre, André Boisclair est aussi consultant chez Questerre, l’une des deux entreprises de Calgary qui comptent le plus de puits de gaz de schiste au Québec.
L’ancien ministre aide ces jours-ci l’Alberta Enterprise Group (AEG) à préparer sa visite imminente à Montréal et Québec, pour tisser des liens entre industriels albertains et québécois, les 15 et 16 mai.
Le groupe de pression, qui se dit «non idéologique», est né de la campagne de Mark Norris pour prendre la tête du Parti progressiste-conservateur albertain.
En rencontre avec le Calgary Sun, en 2006, cet ancien ministre du Développement économique de Ralph Klein proposait de séparer la province du Canada si Ottawa lui imposait une taxe sur le carbone.
Dans le cas où le fédéral s’avisait de passer à l’action, «vous vous tenez au sommet de la plus haute montagne et vous dites “Non, nous allons combattre ceci, et si ce n’est pas annulé, nous allons prendre des mesures pour nous séparer”», lançait-il dans un élan de lyrisme.
Cette année-là, Mark Norris a dû concéder la victoire à Ed Stelmach, qui a pris les rênes du Parti, et de l’Alberta. Mais ses anciens partisans ont décidé de transformer l’équipe en groupe de pression, baptisé «Alberta Enterprise Group». Le président actuel, Tim Shipton, est l’ancien chef de campagne de Mark Norris.
Le nouveau client d’André Boisclair a beaucoup fait parler de lui ces derniers temps. Le groupe de pression s’est allié au commentateur conservateur Ezra Levant, de Sun News, pour faire la guerre aux entreprises voulant cesser d’acheter des carburants issus des sables bitumineux.
En menaçant de «boycotter les boycotteurs», l’AEG, qui regroupe surtout de grands producteurs pétroliers et gaziers, a réussi à faire reculer des multinationales comme Chiquita, Avon et Gap. Ces entreprises sont toutes revenues sur leur décision annoncée d’éviter les dérivés des sables bitumineux.
Réhabiliter le pétrole albertain
«Aujourd’hui loin de la rhétorique politique, j’essaie de travailler dans la vérité, insiste André Boisclair. Quoi qu’on dise, la Caisse de dépôt et placement du Québec détient 15 % de son portefeuille d’actions dans le pétrole et le gaz.»
Il ajoute l’un des arguments les plus souvent servis par Ottawa et les pétrolières. «Quand on regarde les émissions liées aux hydrocarbures, 80 % vient de la combustion : c’est vous, c’est nous qui conduisons, les sociétés de transport, les industriels qui utilisent du mazout…»
André Boisclair précise qu’il est «favorable à ce qu’on mette un prix sur le carbone». L’AEG, de son côté, semble marcher sur des œufs à ce sujet au Québec.
«Nous ne venons pas pour dire aux gens quoi penser, dit Tim Shipton, président. Nous ne voulons pas être un obstacle au dialogue canadien sur cette question.» Il ajoute que l’Alberta a été «la première province» à passer à l’action en taxant les émissions industrielles.
Transferts de capitaux, de technologie
André Boislcair souligne que le Québec reçoit d’importants transferts de péréquation de l’Alberta. «Je fais partie de ceux qui ne sont pas fiers de cette situation, dit-il. Je préfèrerais des transferts de technologies ou de capitaux.»
Il s’affiche donc en «ardent supporter» d’«une entente de coopération économique, environnementale et culturelle» avec l’Alberta. Pour lui, il est primordial que cette province aide les entreprises actives dans le gaz de schiste québécois à développer sa propre industrie des services d’exploration et d’exploitation des hydrocarbures.
«Forer un puits au Québec, ça coûte 15 millions de dollars, alors que c’est seulement 4 millions en Alberta», dit-il.
Il conclut en disant qu’il a «trop des cinq doigts» de sa main pour compter le nombre de personnes à Québec qui s’y connaissent en pétrole et gaz.