Le ministre du Développement économique, Clément Gignac, espère avoir un avis favorable d'élus de la région de l'Estrie concernant la relance d'une mine d'amiante qui nécessite un important soutien financier du gouvernement.
Prenant soin de préciser que l'opinion de la Conférence régionale des élus (CRÉ) de l'Estrie n'est pas conditionnelle à l'obtention d'une garantie de prêt, M. Gignac a cependant donné une indication claire, mardi, de l'importance qu'il accordera à sa recommandation.
"Ce serait souhaitable d'avoir un avis favorable, évidemment d'avoir une recommandation positive, mais je n'en fais pas une condition, a-t-il dit. Ce serait souhaitable, mais il est certain que s'ils deviennent défavorables au projet, je vais me poser des questions moi-même."
La semaine dernière, le ministère du Développement économique a ajouté une nouvelle exigence dans le processus qui doit lui permettre de décider si une garantie de prêt de 58 millions $ peut être accordée à Mine Jeffrey, située à environ 50 km au nord de Sherbrooke.
Québec veut maintenant obtenir l'avis de la CRÉ de l'Estrie à propos du maintien de l'industrie de l'amiante chrysotile.
La mine Jeffrey est située à Asbestos, dans le circonscription de Richmond, représentée par le président de l'Assemblée nationale et député libéral Yvon Vallières.
Au cours des derniers mois, le gouvernement a été la cible de critiques sévères concernant les dangers des exportations d'amiante dans les pays en développement.
Le Parti québécois a estimé mardi que le gouvernement a refilé une "patate chaude" aux élus de l'Estrie dans l'espoir de créer de nouveaux délais qui feront échouer la relance.
Le porte-parole péquiste du dossier des mines, Scott McKay, a affirmé que le gouvernement manque de courage politique et qu'il a choisi de "sous-traiter" ce dossier épineux aux autorités régionales.
"On semble jouer au fou, a dit le député lors d'une entrevue téléphonique. Le gouvernement n'est pas capable de prendre une décision et semble essayer par tous les moyens de retarder le projet pour le faire échouer sans avoir à assumer la responsabilité."
M. McKay croit que M. Gignac utilise la CRÉ de façon inacceptable en lui déléguant sa responsabilité politique.
"On constate qu'il est incapable de décider par lui-même, a-t-il dit. (...) Il essaie de passer la patate chaude."
Lors d'un point de presse à l'Assemblée nationale, mardi, M. Gignac s'est défendu en affirmant qu'il est normal que les gens de la région puissent donner leur avis.
Selon M. Gignac, les élus régionaux devront notamment évaluer si les exploitants de la mine Jeffrey ont mis de l'avant des moyens suffisants pour garantir l'utilisation sécuritaire de l'amiante à l'étranger, une des conditions mises de l'avant par Québec pour obtenir la garantie de prêt.
"Je veux que les élus locaux nous fassent une recommandation en ayant accès à toutes les informations, que ce soit au niveau environnemental, sécurité, mais aussi au niveau de la santé publique, a-t-il dit. Et aussi de s'assurer que ceux qui vont utiliser le chrysotile respectent les normes qu'on a au niveau du Québec."
Le président et directeur général de Mine Jeffrey, Bernard Coulombe, a affirmé qu'il s'agissait d'un "nouveau coup" et il a exprimé le souhait "qu'il n'y aura pas d'autres conditions" par la suite.
Lundi, l'entreprise a annoncé que tous ses actionnaires, y compris la coopérative de ses travailleurs, ont accepté une offre d'achat de 100 pour cent des actions de la part d'un consortium d'investisseurs internationaux qui financera des travaux nécessaires à la reprise de l'exploitation.
La relance de la mine, dont la production est actuellement stoppée, devrait permettre de préserver 500 emplois au Québec pour les 25 prochaines années, estime Mine Jeffrey.
Avant de décider si une garantie de prêt peut être accordée, Québec a exigé la ratification d'une nouvelle convention collective, un engagement concernant le respect des normes d'utilisation de l'amiante à l'étranger, et une participation privée de 15 millions $ supplémentaires pour compléter les besoins de financement de l'entreprise.
Ces conditions semblent en voie d'être satisfaites mais la semaine dernière, la sous-ministre du ministère du Développement économique, de l'Innovation et de l'Exportation (MDEIE), Christyne Tremblay, a écrit à la CRÉ pour obtenir son avis sur le maintien de l'industrie de l'amiante chrysotile, "compte tenu de l'importance des enjeux socio-économiques" qui lui sont reliés.
"Cette position sera utile à l'effet de conseiller le ministre dans la poursuite de l'analyse du dossier", a-t-elle écrit, en demandant à la CRÉ de formuler son avis d'ici au 20 décembre.