Le grand groupe pétrolier chinois CNOOC réussira-t-il là où BHP Billiton a échoué, en réalisant l'acquisition d'un important producteur de matières premières canadien? Le gouvernement Harper subira-t-il la pression du gouvernement américain pour bloquer la transaction?
Voilà des questions qui retiennent l'attention des observateurs après que l'entreprise d'État chinoise a annoncé lundi un accord avec Nexen prévoyant l'acquisition de ce dernier pour 15,1 milliards de dollars américains, potentiellement le plus important investissement chinois jamais effectué au Canada.
Le communiqué présente la transaction comme quasiment acquise, mais celle-ci doit être encore approuvée par le gouvernement fédéral d'Ottawa, qui décidera si elle apporte un «bénéfice net» à l'économie canadienne.
Les refus en la matière sont rares de la part du gouvernement conservateur canadien, mais comme il s'agit d'une importante société énergétique - la 12e du pays - devant passer aux mains d'une entreprise d'État chinoise, les analystes ont immédiatement rappelé le précédent du rejet de l'offre d'achat hostile, en novembre 2010, de l'anglo-australien BHP Billiton sur le numéro un mondial des engrais Potash Corp.
En même temps, ils supposent que le géant chinois a dû chercher des assurances officieuses auprès d'Ottawa avant de se lancer dans l'opération.
CNOOC a bien préparé le terrain, en page 2
Le groupe chinois a pris soin de bien préparer le terrain. Il a investi depuis 2005 quelque 2,8 milliards de dollars au Canada, et notamment dans une société partenaire de Nexen dans les sables bitumineux, MEG Energy.
Lundi, il a souligné son intention de garder les dirigeants canadiens de Nexen, d'établir son siège pour l'Amérique du Nord et l'Amérique centrale à Calgary, en Alberta, dans l'ouest du Canada, et d'inscrire son titre à la Bourse de Toronto.
Le patron intérimaire de Nexen, Kevin Reinhart, a laissé entendre lors d'une conférence de presse téléphonique, que des contacts avaient été pris avec le gouvernement au sujet de la transaction à venir, mais a souligné qu'il était trop tôt pour prédire la position d'Ottawa.
Cette acquisition «renforce les positions de CNOOC au Canada, au Nigeria et dans le Golfe du Mexique, lui donnera une présence significative dans la mer du Nord britannique et diversifie sa base de croissance», a estimé le groupe chinois, qui financera l'opération au comptant à la fois par sa trésorerie et par endettement externe.
Le conseil d'administration de Nexen s'est prononcé en faveur de l'opération, et recommande à ses actionnaires d'en faire de même.
Les deux sociétés comptent finaliser la transaction au cours du quatrième trimestre 2012.
La production de Nexen s'établissait en moyenne à 207000 barils équivalent pétrole par jour (après royalties) au deuxième trimestre 2012. A la fin 2011, ses réserves prouvées atteignaient 900 millions de barils équivalent pétrole et ses réserves probables, 1,12 milliards. S'y ajoutent des réserves estimées de 5,6 milliards de barils, surtout dans les sables bitumineux au Canada.
Réactions des Américains
L'éventuelle acquisition de Nexen par une société chinoise risque de susciter des réactions politiques aux Etats-Unis, où les républicains reprochent au président Barack Obama de pousser le Canada dans les bras de Pékin en refusant d'approuver le tracé de l'oléoduc Keystone XL, ce qui a conduit Ottawa à favoriser les exportations de son pétrole vers la Chine.
Ainsi, Washington pourrait être conduit à suggérer à Ottawa de ne pas autoriser la transaction, estime ainsi le quotidien de référence The Globe and Mail, tout en restant sceptique sur l'impact d'une telle démarche.
Avec l'AFP