Le bois dans la construction non résidentielle doit reprendre sa place au Québec. D’autant que les ressources forestières de la province sont abondantes et renouvelables, affirment deux réputés experts français.
« Vu d’Europe, le Québec est assis sur une mine d’or qu’il n’exploite pas suffisamment », constate Dominique Calvi, un ingénieur-conseil en structures de bois, rencontré lors de son passage à Montréal en mai dernier. (Il était venu participer à une activité de formation sur le bois organisé par l’Université du Québec à Chicoutimi.)
« On a oublié que le bois est le matériau sur lequel s’est construit le Québec », ajoute Pascal Triboulot, autre ingénieur français spécialisé dans la construction des bâtiments en bois.
L’Europe, précise ce professeur-chercheur invité à l’Université du Québec à Chicoutimi, est passée par le même stade. « On ne voyait que le caractère vieillot du bois, mais il est aujourd’hui considéré comme un matériau moderne, en raison notamment de ses propriétés environnementales. »
Selon eux, la solution passe par une plus grande sensibilisation auprès des architectes et des firmes de génie. « Le Québec compte des firmes d’ingénierie parmi les plus importantes du monde, mais elles n’ont pas de connaissance dans le domaine du bois », dit M. Triboulot.
Le hic ? La formation sur l’utilisation du bois dans les départements universitaires québécois de génie civil est pratiquement inexistante, sinon optionnelle.
De plus, « les possibilités qu’offre ce matériau demeurent trop souvent sous-estimées, et au moment des appels d’offres, le bois n’est pas toujours considéré équitablement », concluait le Groupe de travail visant à favoriser une utilisation accrue du bois dans la construction, qui rendait public son rapport en mars dernier.
Un complément plutôt qu’un concurrent
Le gouvernement du Québec, dans son dernier budget, a annoncé son intention d’augmenter de 20 à 30 % la proportion de bâtiments non résidentiels, privés et gouvernementaux, construits en bois d’ici cinq ans.
Un discours qui ne plaît évidemment pas au Groupe Canam, fabricant de poutrelles d’acier, dont le président Marc Dutil a dénoncé les initiatives gouvernementales, lors d’une récente conférence réunissant des analystes financiers. « Les ingénieurs et les architectes sont bien mieux placés pour déterminer comment dépenser l’argent des contribuables que des gens qui se présentent à des élections aux quatre ans », estime l’entrepreneur.
« Le bois ne se pose pas comme concurrent, mais comme complément. Il y a une mixité possible entre l’acier et le bois dans la construction », affirme en contrepartie l’ingénieur-conseil Dominique Calvi.
Son bureau d’étude, situé en Provence, participe à la construction d’un des stades hôtes de l’Euro 2016, le Nice Stadium, qui comptera quelque 35 000 sièges et doit être complété en 2013. Le nouveau stade aura une structure en béton classique pour les gradins. Mais elle sera complétée par une structure tridimensionnelle en bois, la plus grande du monde pour une enceinte de ce type, qui supportera une membrane transparente couvrant l’ensemble des tribunes.
En Europe, le bois a connu une croissance de 30 % dans la construction ces dernières années, souligne-t-il.
Autre signe des temps : l’an dernier, l’entreprise Eiffel, reconnue pour la construction de la célèbre tour et qui s’est spécialisée dans les ouvrages de constructions métalliques en acier tout le long de son histoire, avait invité Dominique Calvi à faire une conférence sur le bois lors de son colloque annuel.
Redonner au bois ses lettres de noblesse
Dominique Calvi et Pascal Triboulot travaillent depuis plus de 25 ans à redonner au bois ses lettres de noblesse. Dominique Calvi est notamment président fondateur de l’Association Ingénierie Bois Construction et professeur associé à l’École Nationale Supérieure des Techniques et Industries du Bois (ENSTIB), une composante de l’Université Henri-Poincaré de Nancy.
Directeur de l’ENSTIB de 2000 à 2010, après avoir participé à sa création en 1985, Pascal Triboulot a été artisan du développement et de la mise en oeuvre de nouveaux programmes de formation de deuxième cycle de cette école d’Épinal qui a formé des milliers d’ingénieurs en mettant en valeur le matériau bois dans la construction commerciale et industrielle.
« Au départ, il n’y avait qu’une poignée d’étudiants. Aujourd’hui, l’École forme près de 400 étudiants et doit en refuser des centaines », dit M. Triboulot, détenteur d’un doctorat en sciences des matériaux. Depuis 2005, le nombre annuel de candidats à l’entrée à la formation d’ingénieurs est passé de 1000 à 2500 !
Résultats : en Europe, le bois a connu une croissance de 30 % dans la construction ces dernières années, soulignent ces ardents défenseurs de l’utilisation du bois dans la construction non résidentielle.
Pour le dossier complet sur l'industrie du bois, consultez le journal Les Affaires du 16 juin 2012.