Le président de la minière New Millenium raconte comment il a découvert le gisement de 5,6 milliards de tonnes de fer magnétique près de Schefferville - qu'il exploitera avec l'indienne Tata Steel.
"Je me rappelle quand j'ai mis les pieds à Shefferville pour la première fois, en 1960, j'avais 21 ans. Pour un stage d'été, la compagnie Labrador Iron Mines m'y avait envoyé comme chef d'expédition (party chief). À cette époque, on partait pour une semaine. En équipe de deux, avec trois tentes, des cartes pauvrement documentées, sans radio ni téléphone.
J'étais à l'extrémité ouest de la fosse du Labrador lorsqu'un jour, durant ma pause de midi, un aimant est tombé de ma poche de pantalon. À ma grande surprise, l'aimant s'est collé contre une roche. Il y a donc du fer magnétique ici ! me suis-je dit. Mais à cette époque, ce n'était pas ce que nous cherchions. Nous voulions du fer à enfournement direct (DSO), plus en surface. Le fer magnétique ne valait rien : les réserves de fer en surface étaient abondantes et la technologie n'existait pas pour traiter le fer magnétique.
Une vingtaine d'années plus tard, le fer magnétique est devenu un élément convoité. Alors à l'emploi d'Iron Ore of Canada (IOC), j'ai signalé ma découverte de 1960 et on est retourné sur l'emplacement pour évaluer les réserves du gisement : 2 milliards de tonnes. Un beau retour des choses !
La crise économique a toutefois forcé IOC à cesser ses activités. J'étais le grand patron canadien à cette époque, à la suite de Brian Mulroney. C'est avec tristesse que je me promenais dans les rues désertes de Schefferville, si vibrante autrefois et où j'avais forgé mes plus solides amitiés.
J'ai alors travaillé quelques années comme consultant. Il m'arrivait souvent de rêver que je retournais à Schefferville et que la ville était en plein boum. Un rêve étrange. Je n'avais pas oublié ce gisement.
Au début des années 2000, dans le cadre d'un projet minier en Afrique, j'ai étudié l'option d'un pipeline pour transporter le fer magnétique jusqu'au port. C'est alors que j'ai eu l'idée du projet de Taconite, au Québec. En 2002, les revendications d'IOC sur le gisement arrivaient à expiration - je le savais ! - et je les ai acquises.
Je me suis trouvé cinq partenaires, dont un représentant de la communauté Naskapie, et on a lancé le projet, en quête d'une alliance stratégique.
Un premier tour de pourparlers avec Tata Steel a échoué : ses dirigeants trouvaient que j'en demandais trop et on était dans un marché d'acheteur. Lors d'un deuxième tour, un an plus tard, alors qu'on entrait dans un marché de vendeurs, Tata Steel est revenue à la table. Nous avions trois partenaires sur notre courte liste : un Chinois, un Russe et Tata. Nous avons proposé à Tata de démarrer notre alliance avec un plus petit projet de mine de fer à enfournement direct. Elle a accepté. Tata Steel remplissait nos critères : une entreprise aux reins solides, dotée d'une expertise de plus de 100 ans dans le fer. De plus, elle entretient de bonnes relations avec ses employés et les autochtones où elle est active; et du côté culturel et linguistique, la collaboration est harmonieuse. Un des vice-présidents de New Millenium et notre géologue en chef sont d'origine indienne.
Nous voilà donc aujourd'hui avec un projet de 5,6 milliards de tonnes de réserves. À 72 ans, j'entrevois le regain de Schefferville. Comme dans mes rêves. Et en faisant un clin d'oeil au jeune homme de 21 ans que j'étais. "