Faire plus et mieux chez nous, au Québec, dans le hockey comme dans les spectacles. C'est la motivation quotidienne de Geoff Molson, le grand capitaine des arts et des sports à Montréal. Celui qui préside le Groupe CH, propriétaire du Centre Bell, du Canadien de Montréal, d'Evenko et du Groupe Spectra, et qui est aussi actionnaire et administrateur de Molson Coors veut donner du plaisir pour faire rouler l'économie.
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Il y a des géants qui font trembler les arbres et leur portent ombrage en avançant dans la forêt. Geoff Molson, le président de l'immense Groupe CH, qui regroupe le Centre Bell, le Canadien de Montréal, Evenko et le Groupe Spectra, souhaite plutôt se servir de sa force d'attraction et de promotion pour faire grandir le reste de la forêt.
«Plus j'en amène pour les Montréalais et les Québécois, en spectacles et en événements, mieux c'est pour l'économie d'ici et pour les gens, dit-il en soulignant à quel point son désir de nourrir l'économie est sincère. Les gens vont venir à Montréal, y dépenser de l'argent dans les restaurants et les hôtels, et ils vont jouer un rôle important dans l'économie. On veut toujours faire mieux et plus chez nous. On veut amener les meilleurs artistes, les artistes émergents, les artistes québécois francophones : un peu de tout. Pour offrir une diversité de choix.»
Evenko, la division spectacles du Groupe CH, dont la famille Molson est actionnaire majoritaire, est le plus grand producteur du pays. Il s'affiche même dans le top 10 en Amérique du Nord, selon le magazine américain Pollstar. Plus de 1 000 événements organisés en 2013 ont généré la vente de 1,7 million de billets, essentiellement au Québec et un peu dans les Maritimes et en Ontario. Parmi ces événements, un festival phare, Osheaga, crée des retombées importantes, puisque 67 % des 130 000 festivaliers qui y participent viennent de l'extérieur du Québec.
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Cette performance faisait déjà du Groupe CH un acteur dominant du spectacle au Québec et en particulier à Montréal, d'autant plus qu'il possède aussi le Centre Bell. L'achat de Groupe Spectra en décembre 2013 gonfle encore la puissance du géant. Désormais, Groupe CH possède les salles Métropolis et Astral, en plus de chapeauter la majorité des festivals d'envergure : jazz, Francofolies et Montréal en lumière, en plus d'Osheaga et Heavy Montréal. La gestion de l'amphithéâtre de Laval, qui ouvrira ses portes en 2017, reviendra aussi à Evenko.
Pour le moment, personne ne perçoit de bouleversements dans l'industrie. Geoff Molson dit que la dernière année a simplement permis d'apprendre à mieux connaître Spectra, dont l'équipe de direction s'est engagée à rester en place pour plusieurs années. De toute façon, il ne souhaite aucunement provoquer de grands changements.
«L'intention est de garder les entités séparées, car elles ont leur propre culture et leur raison d'être. Mais on peut partager nos idées pour bonifier les festivals et améliorer l'efficacité des opérations», précise-t-il.
La concentration de la propriété suscite toujours des craintes dans le milieu où elle se produit. Mais cette fois-ci, plusieurs y trouvent des aspects positifs.
«Une grande famille montréalaise prend le relais de ce qu'Alain Simard et André Ménard [deux des trois cofondateurs de Spectra] ont bâti depuis des décennies. Ça vaut mieux que de voir tout ça passer aux mains d'un grand groupe américain», remarque Claude Larivée, président de La Compagnie Larivée Cabot Champagne, à la fois producteur de spectacles et propriétaire et gestionnaire de salles (La Tulipe, Le National, L'Étoile Banque Nationale du Dix30 et bientôt une salle de 700 places à Saint-Eustache).
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«Ils ont une force de frappe dans la promotion, ils sont très proactifs, constate Nicolas Lemieux, président de Sphère Musique et GSI Musique. Leur synergie dans la promotion peut aider au développement de la production et de la diffusion de spectacles.»
«Le marché du spectacle est de plus en plus international, et pour pouvoir attirer des spectacles de niveau international, ça prend des joueurs de cette taille», ajoute pour sa part Jacques Nantel, professeur au Département de marketing de HEC et v.-p. exécutif, stratégie consommateurs, chez Léger.
Geoff Molson, 44 ans, concède être davantage un amateur de hockey qu'un amoureux de la scène. Il a néanmoins des visées de croissance et des rêves internationaux avec les divisions spectacles de l'entreprise. Il n'envisage toutefois pas de concurrencer l'américaine Live Nation (présente dans 28 pays), considéré comme un partenaire. Le Québec est le marché cible et, même si la fréquentation des spectacles n'y est pas en croissance, il reste des possibilités de grandir. Evenko commence à gérer des carrières d'artistes (Philippe Bond et d'autres de la relève) et agit comme agent ou producteur de spectacles dans les cas de François Morency et de Sugar Sammy, par exemple.
«Ce n'est qu'un début pour nous, et Spectra gère aussi des artistes. Qu'est-ce que ce sera dans cinq ans ? Il faut toujours espérer qu'il y en aient un qui devienne le prochain Céline Dion, U2 ou Madonna, mais ce n'est pas facile d'y arriver ! Il y a de jeunes artistes d'ici. On leur donne la possibilité de développer leur carrière et on espère connaître avec eux autant de succès que possible», raconte M. Molson.
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Le Groupe CH est devenu une entreprise de divertissement complètement intégrée : gérance d'artistes, propriété de salles, production et diffusion de spectacles et d'événements.
«C'est une stratégie très saine. En ce moment, là où il y a le plus de potentiel, c'est dans les contenus. Alors, plus vous contrôlez l'événement à sa source, plus vous pouvez le déployer efficacement. Comme Québecor le fait», dit M. Nantel, de HEC.
L'ouverture l'an prochain de l'amphithéâtre de Québec, géré par Québecor, créera deux grands pôles de production événementielle. Va-t-on voir la rivalité Québec-Montréal, longtemps nourrie par le hockey, renaître dans l'industrie du spectacle ? L'avenir nous le dira, mais pour le moment, Geoff Molson se présente davantage comme un joueur d'équipe qu'un rival.
«Je ne sais pas si nous serons clients de l'amphithéâtre de Québec, mais c'est possible. Québecor a son propre Evenko [division Groupe Sports et divertissement] et j'imagine qu'ils ont l'intention de faire ce que nous faisons. Il y aura peut-être alors des opportunités de travailler ensemble, et nous sommes toujours ouverts à ça.»
Cette ouverture d'esprit est caractéristique du milieu culturel québécois, considère Claude Larivée, qui est aussi président de l'ADISQ.
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«Dans certains marchés, comme celui de New York, il y a eu une compétition sauvage. Ici, c'est un petit marché, tout le monde connaît tout le monde et tout le monde a besoin de tout le monde. Il y a une saine compétition, mais aussi une collaboration entre les joueurs de l'industrie», note-t-il, précisant qu'il achète certains spectacles d'Evenko pour remplir ses salles, mais que, comme producteur, il doit aussi veiller à bâtir une offre différente du géant s'il veut survivre à ses côtés.
Il est possible que cela devienne plus difficile avec le temps, car la division Evenko n'aura plus autant de Rihanna et de Lady Gaga à offrir. Il y a de moins en moins de tournées internationales capables de remplir le Centre Bell. Il faut donc investir de plus en plus dans des spectacles conçus pour des salles de taille moyenne.
«Ce qui est en croissance maintenant, ce sont les spectacles pour 2 000 à 3 000 personnes. On présente de plus en plus de spectacles au Métropolis (2 300 places) ou même au Corona. Et c'est moins rare de tirer les rideaux pour un concert en formule théâtre au Centre Bell. La dynamique change. Les grands concerts sont moins nombreux, mais il y a plus de concerts. Tout gérer ça dans une économie en faible croissance représente un défi», reconnaît le grand patron du Groupe CH.
Pour lui, toutefois, l'horizon du divertissement ne se limite pas aux concerts de musique ni aux spectacles d'humour. À Laval, Geoff Molson souhaite accueillir une équipe de la ligue américaine de hockey, club-école de la LNH. Et il voit des occasions d'attirer les gens avec des combats de boxe, du cirque, du basketball, même des conférences. Après tout, Evenko a déjà connu le succès en programmant Oprah Winfrey au Centre Bell.
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Le «rêve réaliste» de Geoff Molson, c'est de bonifier les événements présentés à l'extérieur du Centre Bell, ainsi que les festivals, pour donner encore plus de rayonnement à Montréal.
«Peut-être qu'on ajoutera des festivals, lance-t-il. Les Montréalais les adorent. Le Festival international de jazz de Montréal est le plus grand du monde, mais c'est un rêve d'améliorer encore sa performance.»
Son rêve un peu plus fou, bien qu'atteignable selon lui, est de participer à l'exportation de la créativité québécoise.
«Ce serait l'fun si, un jour, Paris nous demandait de développer le Festival de jazz de Paris ou si Tokyo nous demandait de faire Osheaga. Je n'ai pas encore de demande, mais pourquoi ne pas rêver un peu ?» ose Geoff Molson.
Il espère que les relations tissées à l'international avec la filiale X3 de Spectra, consacrée aux expositions modernes d'envergure (Indiana Jones, Star Wars, en prolongation à Paris), puissent un jour aboutir à de plus grandes collaborations à l'étranger.
Divisions
Canadien de Montréal
Evenko
Centre Bell
Groupe Spectra
Groupe CH
Consortium formé en 2009 quand la famille Molson, actionnaire majoritaire, a acheté le Canadien de Montréal pour 575 millions de dollars avec d'autres actionnaires, dont BCE et le Fonds de solidarité FTQ.
Evenko
1 049 événements en 2013, soit 131 à l'extérieur du Québec, 309 dans les régions du Québec, 69 à Québec, 107 au Centre Bell et 433 dans d'autres salles à Montréal.
La moitié était des spectacles d'humoristes ou de musiciens québécois.
Centre Bell
L'amphithéâtre le plus performant en Amérique du Nord et le cinquième du monde, selon Pollstar (2013). L'équipe y a joué 46 matchs en 2013.
Source : Evenko
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