La Presse prédit que la plupart des lecteurs de son édition papier adopteront à moyen terme le nouveau produit lancé ce jeudi: La Presse+, la version iPad du quotidien, qu'on présente comme unique au monde.
Le président et éditeur de La Presse, Guy Crevier, ne se risque toutefois pas à avancer la date à laquelle le papier disparaîtra pour de bon.
«On va voir si la migration est massive ou non, a-t-il déclaré en entrevue à La Presse Canadienne. Je pense que la migration va être massive, pas seulement de lecteurs de La Presse, mais aussi d'autres consommateurs. Maintenant, combien va-t-il nous rester de lecteurs (de l'édition papier) à la fin de l'année, à la fin de l'année prochaine et dans trois ans? Ce sont les consommateurs qui vont décider.»
Selon lui, les amants du papier seront placés devant un «choix douloureux»: le prix d'un abonnement annuel à La Presse est d'environ 220 $ tandis que le moins cher des iPad mini coûte moins de 330 $. «Un abonné de La Presse peut facilement arrêter son abonnement et financer sa tablette à moyen terme», a-t-il noté.
Gratuite, la version iPad de La Presse présente de façon intégrée et adaptée à l'appareil articles, photos et vidéos ainsi que du contenu exclusif.
L'aspect le plus nouveau, peut-être, ce sont les publicités interactives, qui permettent par exemple aux lecteurs de faire démarrer à leur guise une animation, d'écouter un extrait sonore ou de changer les couleurs d'une photo.
La Presse mise sur ces fonctionnalités offertes aux annonceurs pour accroître ses recettes publicitaires et ainsi compenser la perte des revenus d'abonnement.
«L'application iPad est beaucoup plus riche que La Presse papier en termes de contenu, d'efficacité, de profondeur, de graphisme et de présentation», a énuméré M. Crevier.
Réussir là où les géants américains ont échoué
La Presse dit avoir bon espoir de réussir là où le géant américain News Corporation a échoué avec The Daily, la première application d'information conçue spécialement pour l'iPad. Il faut dire que le téléchargement du Daily coûtait 99 cents US par semaine alors que celui de La Presse+ est gratuit.
Les autres grands médias du monde, que ce soit le New York Times, la BBC ou CNN, proposent tous des applications iPad, mais celles-ci ne poussent pas aussi loin l'interactivité que La Presse+.
Investissement majeur
Gesca, la filiale de Power Corporation (TSX:POW) qui publie La Presse, a injecté 40 millions $ dans le projet. Mais si elle parvient à convaincre la majorité des lecteurs de son édition papier de passer aux tablettes électroniques et à ses sites Web, l'entreprise épargnera les quelque 90 millions $ que lui coûte chaque année l'impression et la distribution du journal.
D'ici la fin de l'année, Gesca se fixe comme objectif d'attirer 400 000 usagers uniques par semaine avec La Presse+.
À l'heure actuelle, 1,7 million de personnes consultent les différentes plateformes de l'entreprise, qu'il s'agisse de LaPresse.ca, des applications mobiles ou de l'édition papier. De ce nombre, 600 000 posséderaient déjà un iPad. Et de ceux qui n'en ont pas, 43 pour cent aimeraient s'en procurer un au cours des 12 prochains mois.
Encore expérimental
Guy Crevier soutient que les annonceurs qui ont vu La Presse+ se sont montrés impressionnés. Une trentaine d'agences de publicité sont actuellement en mesure de produire du contenu spécifiquement pour le produit.
La Presse espère créer une version pour les tablettes Android d'ici la fin de l'année, mais ne s'engage pas fermement compte tenu du fait qu'aucune d'entre elles ne se démarque du lot pour l'instant. L'iPad demeure de loin la tablette la plus populaire.
«On va attendre encore quelques mois, a indiqué M. Crevier. On va regarder laquelle des tablettes Android est vraiment en train de prendre du marché au Québec.»
Le contenu des quotidiens régionaux du groupe Gesca (Le Soleil, Le Droit, La Tribune, Le Nouvelliste, Le Quotidien, La Voix de l'Est) ne sera pas intégré à La Presse+ pour l'avenir prévisible. «On va commencer par faire un succès de La Presse», a affirmé Guy Crevier.
Par ailleurs, aucune version pour téléphones intelligents n'est prévue. L'entreprise estime que les écrans de ces appareils sont trop petits pour permettre d'exploiter pleinement les possibilités de La Presse+.
Comme il n'existe actuellement aucun outil pour mesurer l'audience de La Presse+, Gesca promet d'en développer un en partenariat avec les annonceurs. Quand ce sera fait, les tarifs publicitaires évolueront avec le nombre de personnes qui téléchargeront la version iPad chaque semaine.
Drew McReynolds, analyste du secteur des médias chez RBC Marchés des capitaux, qui n'avait pas vu La Presse+ mercredi, s'est montré mi-figue, mi-raisin à son sujet.
"Le concept me paraît intéressant, mais il reste expérimental pour l'instant, a-t-il dit au cours d'un entretien téléphonique. Il reste à voir jusqu'à quel point ce contenu pourra générer de nouveaux revenus."
Le groupe Gesca est une filiale de Power Corp. qui est l'un des propriétaires de La Presse Canadienne.