Il y a peu de journalistes d'expérience à Montréal qui n'ont jamais reçu un appel de Roch Landriault. À 72 ans, l'icône des relations publiques, vice-président du Cabinet de relations publiques National, cessera définitivement ses relations avec les médias à la fin de l'année.
«L'an prochain, pendant un an, je ferai du mentorat auprès des jeunes de National et je m'occuperai de quelques dossiers spéciaux», précise-t-il. Comme mentor, il entend bien transmettre à la nouvelle génération les valeurs qui sont celles de National et qu'il a toujours mises en application, à savoir la qualité, l'innovation, l'engagement des employés, le respect, la collaboration, l'esprit d'équipe, l'intégrité et la responsabilité. Après, il continuera de faire du tennis trois fois par semaine, jouera davantage au golf et, peut-être, se remettra à la photo.
On ne peut faire un bilan de la carrière d'un pro des relations publiques sans lui demander ce qui l'a le plus marqué. Sa réponse ne surprendra aucun journaliste : les médias sociaux.
«Quand je suis arrivé chez National, en 1987, nous étions une quarantaine au bureau de Montréal. Les semaines où nous organisions une conférence de presse par jour n'étaient pas rares. Aujourd'hui, nous sommes 80, et il peut s'écouler deux à trois mois avant que nous en organisions une», raconte M. Landriault.
Et pourquoi ce changement radical ? «Il n'y a plus de journalistes pour couvrir les conférences de presse. Il n'y a pas plus de journalistes aujourd'hui qu'en 1987 et leur charge de travail a beaucoup augmenté. Prenons l'exemple de La Presse : à l'époque, elle publiait un journal papier du lundi au dimanche. Aujourd'hui, elle publie toujours ce journal papier du lundi au samedi, mais publie en plus La Presse + [iPad] du lundi au dimanche et un site Web. Il y a peut-être plus de journalistes à La Presse aujourd'hui, mais jamais en rapport avec l'augmentation de la charge de travail.»
Et pour expliquer à quel point le travail des «PR», comme les appellent les journalistes, a changé, il ajoute : «Quand on fait une conférence de presse, avant que le deuxième conférencier n'ait commencé à parler, le compte rendu du premier est déjà sur les médias sociaux. Il faut alors apporter des correctifs avant même la période de questions. Ça roule beaucoup trop vite ! Les relationnistes doivent faire une surveillance de tous les instants des médias sociaux.»
Le débat sur la création d'un ordre professionnel dans le milieu journalistique a cours depuis le déluge. M. Landriault a son idée là-dessus : «Les journalistes ne devraient pas hésiter à créer leur ordre ; ça leur permettrait de se différencier des blogueurs de tout acabit qui écrivent n'importe quoi. C'est rendu que l'important dans le milieu de l'information, c'est d'avoir plus "d'amis" que les autres. Il y a urgence pour les journalistes, et pour les relationnistes aussi, de séparer le bon grain de l'ivraie.»
Contact compliqué
Une dernière question : les relations entre les journalistes et les PR ont-elles évolué ? «Avant, on apprenait à se connaître. Depuis la commission Charbonneau, oubliez ça, inviter un journaliste à luncher !» explique le responsable des relations médias, qui sera remplacé par Émilie Dutil-Bruneau, conseillère principale, jusqu'en juin 2015, puis par Isabelle Fontaine, directrice, stratégies médias, après son congé de maternité.
Roch Landriault a grandi à L'Orignal, en Ontario. Arrivé au Québec dans les années 1960, il travaille pour l'Office de catéchèse du Québec et Novaris, qui publie le Prions en Église, puis crée la firme de communications Novik avec 12 anciens collègues du Prions en Église. M. Landriault déménage ensuite à Salaberry-de-Valleyfield pour s'occuper des communications d'un centre d'accueil pour mésadaptés sociaux affectifs, puis de l'hôpital de l'endroit. Pendant ce temps, il poursuit des études de soir à HEC Montréal, où l'un de ses professeurs est Daniel Lamarre, alors dauphin de Luc Beauregard, fondateur et grand patron de National (M. Lamarre est aujourd'hui président et chef de la direction du Cirque du Soleil). M. Lamarre met MM. Beauregard et Landriault en contact ; par la suite, ce dernier deviendra consultant pour National, en 1987.