La baisse du prix du pétrole et du huard déstabilisent le Canada, ses gouvernements, son système boursier, ses entreprises. Au Québec et en Ontario, on espère qu'une reprise du secteur manufacturier compensera les effets négatifs. Mais encore faut-il que les fabricants soient prêts à relever le défi.
À lire aussi:
Deux exemples de ce que font nos champions
Le secteur manufacturier ne compte plus que pour 14 % du PIB de la province, alors qu'il pesait pour 23 % en 2001. De plus, sa productivité reste inférieure à celle du secteur manufacturier américain : une heure travaillée au Québec produit 45 $ d'extrants, par rapport à 60 $ aux États-Unis.
En outre, la volonté d'investir dans de l'équipement semble s'amenuiser : après avoir crû de plus de 60 % entre 2009 et 2012, les investissements dans la fabrication font du surplace depuis, déplore Louis Duhamel, consultant stratégique chez Deloitte et expert du secteur manufacturier.
«Il ne faudrait pas que cette baisse du dollar canadien se transforme en baiser de la mort. Les manufacturiers québécois doivent investir davantage dans l'innovation et la productivité.»
À lire aussi:
Deux exemples de ce que font nos champions
L'association des Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ) évalue que la baisse du prix de l'essence et du dollar canadien devrait se traduire par une hausse de revenus de 15 % pour le secteur en 2015.
On pourrait applaudir à cette hausse, si on ne poussait pas plus loin le calcul. Mais un gain de seulement 15 % voudra dire que les manufacturiers n'auront pas augmenté leurs exportations, car ce gain sera uniquement attribuable à la baisse du dollar et à celle du coût de l'essence, et non à une hausse des volumes.
Tout comme M. Duhamel, le président des MEQ, Éric Tétrault, invite ses membres à prendre ces nouveaux revenus et à les réinvestir.
Mais au lieu de cela, il règne pour l'instant un certain attentisme au sein de la communauté. «L'incertitude - où s'en vont le dollar et le pétrole ? et les marchés d'exportation ? - rend les manufacturiers hésitants», observe M. Tétrault.
À lire aussi:
Deux exemples de ce que font nos champions
Et ce ne sont pas les dernières statistiques sur la consommation aux États-Unis qui les rassureront : les ventes au détail ont reculé de 0,9 % en décembre par rapport au mois précédent. Il semble pour l'instant que les ménages américains, au lieu de dépenser leurs économies faites à la pompe, les aient engrangées.
Reste à voir si ce phénomène durera. Dans le secteur automobile, toutefois, la consommation reprend.
Le défi de la main-d'oeuvre
Selon M. Tétrault, un des facteurs restreignant l'essor manufacturier au Québec est le manque de main-d'oeuvre spécialisée. Durant une tournée de familiarisation auprès de ses membres, réalisée l'automne dernier, le nouveau président des MEQ dit avoir entendu de nombreux témoignages d'entreprises en région qui éprouvent des difficultés à recruter de bons candidats. Par conséquent, ils ne sont pas prêts à augmenter leur capacité de production au Québec.
«Il faut revoir l'arrimage entre les besoins des manufacturiers et l'offre de formation» dit-il, ajoutant que ce sera sa priorité en 2015.
À lire aussi:
Deux exemples de ce que font nos champions
Tant les MEQ que Deloitte croient que l'État québécois pourrait aussi mieux soutenir le secteur manufacturier, qu'on a dévalorisé par rapport à l'économie du savoir au cours des dernières décennies. En décembre, chez notre voisin ontarien, le gouvernement a annoncé qu'il subventionnerait à hauteur de 35 % les dépenses réalisées pour l'acquisition de technologies avancées de fabrication, jusqu'à concurrence de 100 000 $ par entreprise.
Au Québec, en juin 2014, le gouvernement Couillard a annoncé des prêts et des garanties de prêts pour soutenir l'innovation, de même qu'une baisse d'impôt pour les PME.
Mais M. Duhamel pense que Québec pourrait être plus agressif. «Toutes les grandes nations manufacturières - comme les États-Unis ou l'Allemagne, un modèle - le font, souligne-t-il. Il faut un plan de match manufacturier, à défaut d'une politique industrielle. Le gouvernement aura besoin du secteur manufacturier, qui produit de bons payeurs de taxes et des exportations, pour remplir ses coffres.»
Le secteur manufacturier, ce sont...
90 % des exportations québécoises
795 000 emplois directs et indirects au Québec (1,8 million au Canada)
67 G$ en retombées directes et indirectes
21 % des salaires 21 % plus élevés que le salaire moyen
Source : Deloitte (2014)
À lire aussi:
Deux exemples de ce que font nos champions