Trois fois ces dernières années la minière Osisko a dit non à une offre d’achat de Goldcorp. Cette dernière a profité d’un quatrième rapprochement pour violer une entente de confidentialité et s’adresser directement aux actionnaires afin de prendre de vitesse d’autres concurrentes potentiellement intéressées.
C’est ce qu’allègue l’injonction déposée par Osisko et présentée ce matin devant la Cour supérieure du Québec. Les procureurs de la société, Stikeman Elliott, demandent au tribunal d’émettre une injonction pour annuler l’offre publique d’achat de Goldcorp sur Osisko.
Osisko allègue que les dirigeants de Goldcorp ont abusé d’un processus d’échange d’informations confidentielles pour préparer une offre hostile. « Goldcorp voulait faire son offre rapidement, alors qu’elle était en situation d’avantage au niveau informationnel par rapport aux actionnaires d’Osisko et à ses compétiteurs », indique la déclaration.
Au nombre des informations confidentielles alléguées, se trouvent, des tableaux détaillant les ressources de la mine Malartic, des rapports opérationnels, des rapports financiers et, surtout, son modèle géologique et les projets d’expansion de la mine.
Les procureurs d’Osisko estiment que Goldcorp a transmis ces informations à plusieurs parties alors qu’elle n’y était pas autorisée. Elle les aurait notamment transmis à la Banque de Nouvelle-Écosse afin d’obtenir le financement bancaire de 1,25 G$ qui lui permet de lancer son offre à 5,95$ par action d'Osisko (en partie en actions de Goldcorp et en argent). Sans ces informations, le financement, disent-ils, n’aurait vraisemblablement pas été obtenu.
Trois fois Osisko a dit non
Ce n’est pas d’hier qu’Osisko et Goldcorp se fréquentent, peut-on apprendre des documents judiciaires.
En 2008, alors qu’Osisko cherchait de l’argent pour lancer son projet Malartic, la crise financière a soudainement rendu le financement beaucoup plus difficile à obtenir et celle-ci a finalement conclu qu’il pourrait être à l’avantage des actionnaires de passer sous le giron de Goldcorp.
Une entente de confidentialité a été signée pour la transmission d’informations confidentielles. Le 27 novembre 2008, Goldcorp a fait une proposition comportant une prime de 25%. La direction d’Osisko a conclu qu’elle était insuffisante. La société québécoise précise aujourd’hui qu’à la suite de la chute des actions de Goldcorp, cette offre ne vaudrait plus que 1,78$. Et ce, alors que le titre de Osisko se négocie à 6,47$.
Une deuxième offre est survenue en avril 2009, proposant de nouveau une prime de 25%. Elle a encore une fois été rejetée. Osisko précise qu’aujourd’hui, cette offre ne vaudrait plus que 4,85$ par action.
Le 9 septembre 2009, une troisième offre est enfin arrivée, mais a de nouveau été rejetée par le conseil d’administration. Cette offre vaudrait aujourd’hui 5,89$.
Devant ces refus persistants, Goldcorp semble s’être résignée et a vendu la totalité de la participation qu’elle avait acquise dans Osisko (environ 10%).
Le nœud de l'affaire
Le nœud de l'affaire
Goldcorp est cependant revenue à la charge à l’été 2012.
C’est ici que les choses se compliquent. Une entente de confidentialité a été signée, mais a expiré le 16 octobre 2013.
Le 21 octobre les directions des deux sociétés se sont rencontrées à Calgary et auraient convenu verbalement que l’entente était prolongée dans sa portée initiale, qui prévoyait notamment que Goldcorp ne pourrait utiliser les informations fournies pour une offre hostile avant le 30 juin 2014.
La procédure allègue que, deux jours plus tard, Goldcorp a tenté de raccourcir ce délai de deux mois et demi en soutenant que les représentant à la rencontre n’avaient pas le mandat de la prolonger aussi loin dans le temps.
Osisko estime qu’immédiatement après la rencontre, où elle a obtenu de nouvelles informations confidentielles, et malgré l’entente intervenue, Goldcorp a commencé à préparer une offre hostile pour tenter de prendre tout le monde de vitesse.
En avant-midi, le juge Louis Gouin, s'est dit préoccupé par la situation. Il a dit souhaiter que les choses se passent dans la bonne foi au Canada, tout en précisant qu'il n'avait pour l'instant qu'une seule version.
Au moment d'aller en ligne, Goldcorp demandait une remise de l'audition de l'injonction interlocutoire à la semaine prochaine. Ses procureurs, de Fasken Martineau, faisaient notamment valoir que la procédure étant en français, la traduction n'avait pas été assez rapide pour qu'ils puissent recevoir instruction de sa cliente sur certains éléments.