Sommes-nous en présence d'une bulle immobilière au Québec ? Depuis quelques années, plusieurs observateurs s'inquiètent de cette possibilité. Après la crise qu'ont vécu les Américains, les Canadiens se sont rendu compte qu'ils pouvaient également être exposés à un revers de fortune. Qu'en est-il de la situation québécoise ? Le marché est-il réellement surévalué ?
Au Québec, on observe depuis 1990 une augmentation de 62,7 % des prix en dollars constants1. Souvenons-nous qu'en 1990, le marché avait atteint un sommet avant de subir par la suite une correction : cette hausse de prix est donc d'autant plus importante. Le prix réel a diminué au début des années 1990, puis la hausse est repartie de plus belle à la fin de cette décennie.
Néanmoins, on observe un ralentissement de la croissance depuis environ cinq ans. Si l'on se fie seulement à la croissance réelle du prix des résidences, le marché semble surévalué. La question est donc de savoir si cette croissance est le fruit d'une bulle immobilière ou le reflet de facteurs économiques réels.
Plusieurs éléments peuvent influencer les prix sur le marché immobilier et justifier leur hausse. Nous nous attardons ici sur un phénomène particulier pouvant l'expliquer, du moins en partie.
Les faibles taux d'intérêt
Quelle est la donnée la plus importante pour déterminer si l'on est en mesure d'acquérir une nouvelle propriété ? Le prix, bien sûr, mais plus précisément, le paiement hypothécaire. Lors de l'achat d'une maison financée, les acquéreurs calculent principalement dans leur budget le montant qu'ils veulent (et surtout peuvent) allouer au paiement hypothécaire.
Ce paiement est influencé par le prix des résidences, mais également par les taux d'intérêt. Or, ceux-ci ont grandement diminué depuis 1990. En mai 1990, le taux d'intérêt fixe sur cinq ans était de 14,2 %, tandis qu'en juin 2013, il était de seulement 4 %, selon les données de la Banque du Canada. Malgré la hausse des prix, en 2013, une résidence au prix médian2 coûtait 22 % moins cher en matière de paiements hypothécaires qu'en 1990. Néanmoins, le paiement hypothécaire de 2013 était d'un huitième plus élevé qu'en 1990.
Bref, la baisse des taux d'intérêt a permis aux gens d'acquérir des résidences plus chères pour un même paiement hypothécaire, ce qui a poussé le prix des résidences à la hausse.
Le marché est-il surévalué ?
Si l'on se fie au prix des résidences, le marché semble avoir atteint un sommet inquiétant. Toutefois, en considérant les taux d'intérêt, la situation semble beaucoup moins dramatique.
Le marché demeure néanmoins très vulnérable à une possible hausse de taux, car les prix sont élevés : une augmentation des taux d'intérêt pourrait faire monter les paiements hypothécaires à des niveaux difficilement soutenables pour les ménages.
Pour l'instant, le marché est possiblement surévalué, mais il ne semble pas indiqué de parler de bulle, puisqu'une bonne partie de la hausse des prix s'explique par la baisse des taux d'intérêt.
L'année 2014 semble montrer des signes de ralentissement. Une légère baisse des prix en termes réels est probable pour plusieurs secteurs. Ainsi, une tendance à la baisse semble se dessiner. Il ne faudrait toutefois pas être alarmiste et conclure qu'il s'agit du début d'une forte correction suivant une bulle.
62,7: Au Québec, les prix ont dans l’immobilier ont augmenté de 62,7 % en dollars constants depuis 1990. Source : JLR Solutions foncières
Joanie Fontaine est économiste chez JLR Solutions foncières. Elle y analyse le marché immobilier et ses différentes composantes.