La Société immobilière du Québec achète non seulement l’îlot Voyageur, mais aussi les activités de la Station centrale d’autobus Montréal. Le gouvernement devient ainsi l’exploitant de cette gare d’autocars, en plein centre-ville.
La Société immobilière du Québec (SIQ) a déboursé 25,5 millions de dollars pour reprendre les activités de Station centrale Montréal. La somme s’ajoute aux 20 millions de dollars qu’elle a déboursés dans deux transactions immobilières séparées avec Busac, propriétaire du chantier et partenaire de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) dans ce projet de près d’un demi-milliard, suspendu depuis 2007.
« C'est une filiale de la SIQ qui va se charger de l'exploitation », indique Martin Roy, porte-parole.
La société d'État a dû racheter les activités de Station centrale Montréal pour éviter que des ennuis juridiques ne viennent compromettre la relocalisation de la gare du côté nord de l'îlot, comme prévu. Station centrale poursuivait en effet Busac et l'UQAM à cause des retards dans la construction de la gare.
Les Affaires a obtenu une copie des deux actes de vente signés par la SIQ et Busac. L’un, portant sur une transaction de 15 millions de dollars, concerne les chantiers du pavillon universitaire, de la gare d’autobus et du futur édifice de bureaux, dont la construction n’est même pas entamée.
L’autre, portant sur une transaction de cinq millions, concerne le stationnement et la coquille de ce qui devait devenir des résidences étudiantes pour l’UQAM. Ces structures se trouvent toutes au nord du boulevard de Maisonneuve, entre les rues Berri et Saint-Hubert.
Busac s’est assuré de ne pas céder le chantier de l’îlot à un futur concurrent. Les actes de vente stipulent en effet que la SIQ ne pourra pas louer ses locaux à d’actuels occupants de la Place Dupuis, un immeuble appartenant également à Busac, à un coin de rue, boulevard de Maisonneuve.
Ainsi, pour les dix prochaines années, le ministère de l’Immigration et des communautés culturelles, le Centre communautaire juridique de Montréal, Hydro-Québec, la Ville de Montréal et Vidéotron ne pourront pas déménager d’employés de la Place Dupuis à l’Îlot Voyageur. La SIQ est chargée de détenir et d’exploiter des immeubles pour loger les employés de l’État.
Acheter la paix
Avec cette transaction, Québec met fin à une longue saga remontant à 2006, quand l’Université et le promoteur albertain Busac ont lancé ce projet immobilier raté, dénoncé par le Vérificateur général.
« On achète des actifs et on se sort d’une situation litigieuse avec plusieurs parties, dit Catherine Poulain, attachée de presse du ministre des Finances, Raymond Bachand. Ça nous permet d’économiser des dizaines de millions de dollars en pénalités possibles. »
En 2005, les sommes totales à verser pendant le partenariat public-privé avec Busac étaient évaluées à 90 millions. Selon le rapport du Vérificateur général de 2008, Busac a déjà touché près de 50 millions pour ce chantier, suspendu depuis 2007. Les coûts engendrés dans le projet, dont seulement 20 % était consacré à l’enseignement, ont été évalués à près de 500 millions de dollars par le Vérificateur général.
Busac a acquis l’Îlot grâce à un prêt garanti par l’Université. Le promoteur devait ensuite construire pour l’UQAM le stationnement et les résidences étudiantes en se finançant à même le budget de l’institution. Quant aux autres parties du projet – gare d’autobus, pavillon universitaire et tour de bureaux –, ils devaient faire l’objet d’un bail emphytéotique de 30 ans en faveur de l’UQAM.
En novembre 2008, le gouvernement du Québec a réservé 200 millions dans une fiducie pour permettre à l’institution du centre-ville de payer les intérêts sur un prêt controversé contracté pour financer la construction de l’immeuble. Le ministère des Finances a alors relevé l’Université de ses responsabilités dans ce fiasco et a pris les commandes des négociations avec Busac et Station centrale Montréal.
Québec a aussi racheté en entier des obligations garanties par l’UQAM d’une valeur totale de 269 millions, émises pour financer le projet. Le gouvernement voulait ainsi éviter de déstabiliser le marché financier.
Plusieurs grands investisseurs ont discuté avec Québec pour racheter le projet, dont le Mouvement Desjardins et le Fonds de solidarité FTQ. SITQ, une filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec, avait presque conclu une transaction. Mais Station centrale a bloqué la transaction, faute de garanties quant à un aménagement adéquat de la gare, révélait Les Affaires en septembre 2009.
Busac s’est engagé dans les actes de vente à ne pas commenter la transaction.
De son côté, l’Université se réjouit de pouvoir enfin tourner la page sur ce fiasco financier. « Grâce à ce règlement, l'UQAM tourne définitivement la page sur ce chapitre extrêmement regrettable de son histoire. Ainsi, les séquelles financières associées à ses derniers projets immobiliers n'hypothèqueront plus l'avenir de cette grande institution montréalaise », déclare dans un communiqué la présidente du Conseil d'administration de l'UQAM, Isabelle Hudon.