«Monsieur TPS» avait l'habitude de manipuler de grosses sommes d'argent. Après tout, Gilles Suprenant a reçu environ 600 000 $ en pots-de-vin des entrepreneurs. Mais en septembre dernier, l'ingénieur à la retraite de la Ville de Montréal a vendu sa maison à sa fille pour la maigre somme de… 1 $.
L'acheteuse est Julie Surprenant. Elle est domiciliée à l'adresse même qui fait l’objet de la vente dans l'arrondissement Greenfield Park à Longueuil... tout comme son père.
Selon l'acte de vente obtenu par LesAffaires.com, la transaction inclut «tous les meubles meublants, effets mobiliers et effets de ménage se trouvant actuellement» dans la maison.
La fille de l'ingénieur, rebaptisé «Monsieur TPS» par les entrepreneurs actifs dans les égouts de Montréal, s'engage à payer la balance de l'hypothèque sur la propriété. «Il a été expressément mentionné dans la lettre d'approbation du créancier que le Vendeur, Gilles Surprenant, continuera à agir à titre de garant», mentionne cependant l'acte de vente. Il reste donc l'ultime responsable du prêt.
Le document mentionne également que «le montant constituant la base d'imposition du droit de mutation s'élève à la somme de 300 496 $» pour cette maison construite en 1969.
La notaire ayant signé l'acte, Francine Denicourt, n'a pas rappelé LesAffaires.com pour expliquer les raisons de cette vente à 1 $. La transaction intéressera sans doute la Ville de Montréal, qui veut récupérer cet argent «volé» dans le cadre de ses contrats d'égout. Règle générale, le fisc tente aussi de toucher des impôts sur l'argent mal acquis.
Il n'a pas été possible de joindre Gilles Surprenant ou sa fille, Julie.
«Comme une libération»
«Comme une libération»
À la Commission Charbonneau, Gilles Suprenant a admis jeudi avoir accepté «580 000 à 600 000 $» en pots-de-vin. L'argent provenait des entrepreneurs participant au cartel des égouts dans la métropole.
Selon le témoignage de l’ingénieur retraité, c'est l'entrepreneur Frank Catania, fondateur du Groupe Catania, qui lui a fait un premier paiement de 4 000 $ en 1991, après l'avoir intimidé lors d'une rencontre.
Gilles Surprenant a remis 122 800 $ à un enquêteur. «J'ai été très content de remettre cet argent-là, pour me débarrasser de ça, a-t-il dit. C'était comme une libération.»
Il a aussi confié à la Commission qu'il avait commencé à jouer au casino avec les pots-de-vin que lui remettaient les entrepreneurs. «C'était ma façon à moi de remettre cet argent-là dans les coffres de l'État.» Il a aussi perdu 100 000 $, prêté à un entrepreneur en construction, Conex.
Selon lui, le reste a servi à payer des cours à ses enfants ou des rénovations sur sa maison.