Warner Brothers Games occupera dès les prochains jours près de 65 000 pi2 à la Place Dupuis. Hydro-Québec renouvelle un bail pour 300 000 pi2 dans le même immeuble. Pendant ce temps, Rio Tinto Alcan cherche 200 000 pi2 pour déménager son siège social... mais les locaux disponibles se font de plus en plus rares.
Le géant de l'aluminium pourrait être ce fameux grand locataire principal qu'attendent les promoteurs de six projets de tours de bureaux du centre-ville pour lancer leurs constructions.
Selon Devencore NKF, le taux d'inoccupation est passé de 8 à 6,8 % entre la fin de l'année 2010 et le mois d'avril dernier. S'il reste encore 1,6 million de pieds carrés (pi2) disponibles dans les 49 immeubles de catégorie A du centre-ville, les locaux de plus de 25 000 pi2 contigus se font rares.
Jean Laurin, pdg de NKF Devencore, s'attend à ce qu'on annonce la construction d'un gratte-ciel d'ici six mois. " Les locataires à la recherche d'un espace de plus de 150 000 pi2 contigus n'ont plus vraiment d'options ", dit-il.
D'ailleurs, Alcan se montre exigeante quant à son futur siège social. Si elle déménage, ce sera dans des " locaux ultramodernes, situés au centre-ville et durables, dont Rio Tinto serait le locataire principal ", dit Bryan Tucker, porte-parole de l'entreprise. Bref, l'entreprise veut des locaux flambant neufs.
Selon nos informations, Alcan chercherait même à s'installer dans un immeuble certifié LEED Platine (pour Leadership in Energy and Environmental Design), le niveau le plus élevé de cette certification environnementale pour les bâtiments.
Si cette exigence se confirme, le projet de SITQ, au 900, boulevard de Maisonneuve Ouest, a de grandes chances de gagner la faveur d'Alcan. La filiale de la Caisse de dépôt et placement du Québec compte justement construire ce gratte-ciel en visant une certification LEED.
Selon nos sources, Alcan discute avec SITQ, mais aussi avec Magil Laurentienne, Westcliff et Cadillac-Fairview, qui ont tous des projets de tours de bureaux dans le coeur de la métropole.
Trop bas, les loyers
" Le marché est un peu plus favorable qu'il ne l'était ", admet Brett Miller, vice-président et directeur régional de CB Richard Ellis. Il est toutefois moins optimiste que Devencore et il pense qu'il faudra attendre jusqu'à 18 mois pour voir une tour de bureaux sortir de terre. " Aux alentours de 23 ou 24 $ le pi2, les loyers demeurent encore faibles. Pour démarrer ce type de projet, il faudrait des loyers d'environ 27 $ le pi2 ", dit-il.
Le grand défi pour les promoteurs sera de convaincre Alcan ou d'autres locataires qu'ils ont le meilleur projet. " Les locataires ont plusieurs choix d'emplacement ", dit Daniel Peritz, vice-président principal pour Montréal et Ottawa chez Canderel, qui a un projet de gratte-ciel au square Philips, côte du Beaver Hall.
Malgré les espoirs, les conditions demeurent difficiles dans le marché. Par exemple, dans le projet Place University St-Jacques de Magil Laurentienne, l'espace pour bureaux de 700 000 pi² sera réparti entre les deux tours plutôt que de se retrouver dans le même immeuble, explique Richard Poirier, premier vice-président, location, de Magil Laurentienne. Cette décision permet d'abaisser la superficie minimale à louer avant de commencer la construction d'au moins une des deux tours.
Actuellement, les locataires et les promoteurs n'auraient pas le même désir d'engagement. " Nous sommes dans un contexte où les locataires cherchent davantage de flexibilité et préfèrent signer des baux de cinq ans, explique Andrew Bissett, vice-président principal chez Jones Lang Lasalle, à Montréal. Mais pour entamer la construction d'une tour, il faut signer des baux d'une quinzaine d'années. "
Projets de tours mixtes
Le marché est plus favorable aux projets mixtes dotés d'une surface pour bureaux plus réduite, selon Brett Miller. Il cite en exemple la tour Altoria, du square Victoria. Le projet compte 24 étages de copropriétés et 10 étages d'espaces pour bureaux. La vente de condos permet de ne pas dépendre de la location des bureaux pour commencer le chantier. D'ailleurs, aucun n'avait encore été loué quand Les Affaires a vérifié.
Kevric devrait commencer la construction du gratte-ciel de 35 étages en mai, dit son président Richard Hylands.
Le modèle séduit. Canderel va peut-être même miser sur le même concept pour son projet du square Philips.
" On pourrait ériger une tour mixte avec du commerce de détail à la base, de 12 à 18 étages de bureaux au-dessus, puis de 10 à 12 étages de résidentiel en haut ", dit Peter Picciola, vice- président, location, chez Canderel.
Si le marché du bureau ne décolle pas assez vite, le promoteur songe même à transformer son projet en une tour résidentielle.
Mais M. Picciola garde espoir. " D'ici deux à trois ans, il y aura peut-être même une deuxième tour de bureaux en construction, qui s'ajouterait à celle d'Alcan. "
Un autre gros nom de l'économie québécoise, le Mouvement Desjardins, est en ce moment à la recherche d'espace à Montréal et à Québec, confirme sa porte-parole, Nathalie Genest. " Nous évaluons nos besoins, mais nous avons le temps : certains de nos baux expirent en 2014 ", dit-elle.
Cette échéance concorde avec les prévisions d'une construction d'ici 12 à 18 mois, pour une livraison en 2014 et 2015.
46 Superficie locative totale, en millions de pieds carrés, des locaux pour bureaux de catégories A et B à Montréal. | Source : Devencore NKF