Pour se dissocier des scandales de corruption et de fraude liés à l'homme d'affaires Tony Accurso, le Fonds de solidarité FTQ, le Mouvement Desjardins et la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDP) ont mis fin à leurs relations d'affaires avec lui. Mais la Banque Laurentienne, elle, continue de prêter de l'argent au constructeur.
En janvier, l'institution financière a accordé une hypothèque de 12,5 millions de dollars (M$) à une entreprise détenue par l'entrepreneur, a découvert Les Affaires.
Le prêt est octroyé à la société en commandite Les Condos Laurin/St-Louis. Cette entreprise construit des copropriétés dans l'arrondissement Saint-Laurent, à Montréal.
Un mois avant, en décembre 2010, Desjardins et la CDP avaient quant à eux refusé de renouveler leurs prêts à Tony Accurso. Deux de ses entreprises, Simard-Beaudry et Construction Louisbourg, venaient de plaider coupables à des accusations de fraude fiscale. Otéra, la filiale de financements immobiliers de la CDP, a évoqué le " facteur réputation " pour justifier sa décision.
À la Banque Laurentienne, la porte-parole Manon Stébenne assure que l'institution financière n'a aucune prise juridique pour refuser le prêt à Condos Laurin/ St-Louis. " Dans ce cas-ci, le projet comporte trois phases. Et on était déjà engagés dans les phases 1 et 2, dit-elle. Cela fait quelques années qu'on a négocié les termes du prêt. Dans ce type de contrat, il n'y a pas de clause de réputation. "
Depuis 2007, l'institution financière a pris des garanties totalisant 37,8 M$ pour couvrir des prêts à Condos Laurin/St-Louis, indiquent les registres immobiliers.
La Banque n'a pas voulu préciser si Tony Accurso remboursait ses prêts selon l'entente conclue et les échéanciers prévus. " Ce sont des informations confidentielles sur nos clients ", dit Manon Stébenne. Selon les registres, la Laurentienne n'a enregistré aucun recours légal contre les actifs immobiliers de Condos Laurin/St-Louis.
Les projets de l'entreprise, baptisés Cours Mitchell et Espaces Mitchell Condos, vont bon train, selon l'avocat de Tony Accurso. " C'est déjà vendu à 100 % ", précise Louis Demers, joint par Les Affaires.
Tony Accurso a fondé cette société en commandite en 2006 en partenariat avec le Fonds. L'institution financière s'est cependant retirée de l'entreprise en août 2010, à la suite des scandales dans lesquels l'homme d'affaires était impliqué.
La CDP remboursée
Si la Banque Laurentienne continue de faire affaire avec Tony Accurso, Desjardins et la CDP, eux, ont confié le recouvrement de leurs prêts à des avocats.
Le prêt de 5 M$ de la CDP a finalement été remboursé vers la mi-avril, selon la porte-parole d'Otéra. " Nous avons reçu le remboursement total ", a dit Josée-Christine Boilard aux Affaires.
Chez Desjardins, le directeur principal des relations de presse refuse de dire si l'homme d'affaires a remboursé son prêt à l'institution. " Il y a plusieurs parties en cause; le dossier suit son cours ", dit André Chapleau. M. Accurso doit 21 M$ à Desjardins. L'avocat de l'entrepreneur assure que le différend est en voie de règlement.
En outre, Tony Accurso est en ce moment en négociations avec le Fonds pour lui revendre le centre commercial des Galeries Laval. Selon La Presse, cette transaction vise à rembourser Desjardins et la CDP en versant le fruit de la vente directement à ces deux institutions financières. L'avocat Louis Demers nie cette information.
Chez Otéra, Mme Boilard n'a pas voulu dire qui, de l'entrepreneur ou du Fonds, a remboursé le prêt de la société.
Questionnée à ce sujet, la porte-parole du Fonds, Josée Lagacé, refuse de dire si une transaction a été conclue avec Tony Accurso pour les Galeries Laval.
" PROJET DE BUREAUX "
Juste au nord du centre commercial des Galeries Laval, Tony Accurso vient de mettre la main sur un lot de 33 000 pieds carrés. " Il projette d'y construire un immeuble de bureaux ", explique son avocat, Louis Demers. Ce dernier dit ne pas être autorisé à en dire davantage.
Dans l'industrie, certains pensent cependant que Tony Accurso tentera de revendre le terrain au Fonds de solidarité FTQ. L'institution financière pourrait ainsi poursuivre le développement des Galeries Laval vers le nord, sur le boulevard Saint-Martin, plus achalandé que le boulevard Le Corbusier, sur lequel donne l'entrée du centre commercial.