Les firmes de courtage immobilier au Québec se livrent actuellement une véritable guerre de tranchées. Face au faible taux de croissance du marché immobilier québécois et à l'absence de nouveaux capitaux hors Québec, les firmes qui améliorent leurs parts de marché le font au détriment de leurs concurrents.
«La corruption, la détérioration des infrastructures, la commission Charbonneau, y compris la charte des valeurs... ces sujets, repris partout dans les médias à la grandeur du pays, ne sont pas les éléments les plus vendeurs afin d'attirer des fonds d'investissement hors Québec», précise Andrew Maravita, directeur général de la firme de courtage immobilier Colliers International, à Montréal.
La division québécoise de Colliers International a pourtant vu ses revenus augmenter de 60 % en trois ans. Le courtier dit devoir multiplier les efforts pour informer, rassurer et sécuriser les investisseurs d'ailleurs qui recherchent des marchés stables.
Afin d'illustrer son propos, Andrew Maravita cite le nombre de courtiers que comptent les autres succursales Colliers au pays. À elle seule, l'Ontario comprend 180 courtiers, soit six fois plus que le bureau du Québec. Même les bureaux de Vancouver et de Calgary disposent davantage de personnel.
À cette situation s'ajoute la nouvelle culture de collaboration que doivent adopter les firmes de courtage immobilier. L'ère individualiste de la profession tire à sa fin. «Contrairement aux entreprises privées qui aimaient bien travailler avec un seul courtier, les entreprises institutionnelles, qui disposent aujourd'hui de gros portefeuilles immobiliers, veulent, pour leur part, négocier avec une équipe de courtiers et non plus avec un seul individu», explique M. Maravita.
Le courtier maintient que des clients comme Dundee Reit et Standard Life Investment ont récemment conclu des ententes avec le bureau montréalais de Colliers, justement en raison de la nouvelle attitude collaborative de la firme. Les courtiers et les firmes qui ne suivront pas risquent de disparaître, croit ce spécialiste.
Nouveau modèle d'entreprise
Cette évolution de la profession modifie, du coup, le modèle d'entreprise. Depuis cinq ans, les firmes de courtage immobilier prennent un virage services-conseils qui va au-delà des produits transactionnels. Mais attention, avertit M. Maravita. «Les clients veulent tout sous un même toit. Toutefois, ils ne veulent pas travailler avec des généralistes. Ils veulent des experts dans chaque domaine.»
Pour tirer leur épingle du jeu, les cabinets de courtage immobilier doivent donc maîtriser l'évaluation immobilière, la gestion d'immeubles, y compris la gestion de projet. «Nous devons aussi être en mesure d'aider nos clients à trouver un terrain et à dénicher le financement pour en faire l'acquisition, s'ils le demandent. En d'autres mots, nous sommes devenus la "division immobilière" de ces entreprises», soulève M. Maravita.
Cette nouvelle façon de faire n'est pas sans causer un autre casse-tête à l'industrie du courtage immobilier : la relève. «Depuis la crise économique de 1990, notre industrie a énormément souffert. Il s'est d'ailleurs créé un important écart générationnel au sein des firmes. Il est rare de trouver actuellement de jeunes trentenaires qui comptent 10 ans d'expérience dans ce domaine. Ce sont soit des boomers, en général majoritaires, qui doivent s'ajuster aux nouvelles réalités du courtage en équipe, soit des jeunes dans la vingtaine qui veulent tous ou presque devenir directeur en moins de trois ans d'expérience», rapporte Andrew Maravita.
Une université pour les courtiers
Afin de faciliter le recrutement et la formation, Colliers a créé sa propre «université». Il s'agit d'un suivi de trois ans qui comprend une combinaison de cours et de mentorat sur le terrain. L'objectif est de développer rapidement chez les jeunes une capacité analytique, une habileté à maîtriser les affaires et à acquérir un talent de communicateur.
Remarquez, ce vent de jeunesse favorise le mouvement collaboratif qui s'installe dans l'industrie du courtage. «Certes, les employés doivent séparer leur commission en trois, voire quatre parts avec leurs coéquipiers. Mais ce travail d'équipe aide aussi les courtiers à réaliser trois à quatre fois plus de profits», conclut le directeur général de Colliers.