Les vendeurs de maison disposent d'un léger avantage, encore aidés par de bas taux d'intérêt et par des premiers acheteurs qui se précipitent sur le marché avant le resserrement des conditions de crédit. Mais l'équilibre se rétablira bientôt. Comment négocier dans ce marché ?
Ah, la belle époque où les visiteurs faisaient leur offre d'achat sur le coin d'une table pendant que d'autres acheteurs faisaient la file sur le trottoir ! Il y a trois ans, c'était vous, dans la queue. Vous n'aviez mis la main sur votre propriété qu'à la suite d'une enchère épique. Aujourd'hui, c'est vous qui vendez. Et vous espérez bien profiter à votre tour de la frénésie des acheteurs qui se bousculeront à votre visite libre.
Ne comptez pas trop là-dessus. À Montréal, et dans une moindre mesure à Québec, le marché immobilier se dirige vers l'équilibre. " Sans être favorable aux acheteurs, le marché sera moins à l'avantage des vendeurs dans la région métropolitaine, estime Bertrand Recher, analyste principal de marché à la SCHL, à Montréal. Il pourrait même atteindre l'équilibre dans le secteur de la copropriété. " À Québec, le marché sera à un peu plus à l'avantage des vendeurs en 2011 et 2012, selon Élisabeth Koulouris, analyste principale de marché à la SCHL, à Québec. " Nous attendons toutefois une légère détente pour les acheteurs ", précise l'analyste.
Dans ce contexte, comment les vendeurs doivent-ils manoeuvrer ? Quelles doivent être les attentes des acheteurs ? Comment faire une bonne affaire ?
Ne cherchez pas les aubaines
Le marché immobilier a beau se rapprocher de l'équilibre, nous sommes encore loin des prix de liquidation. Exception faite des erreurs commises par quelques vendeurs qui ne connaissent pas le marché immobilier.
" Il faut considérer la notion d'aubaine dans une perspective de moyen et long terme ", croit Robert Charron, courtier montréalais affilié au Groupe Sutton-Immobilier. Le courtier montréalais cite l'exemple du secteur de Pointe Saint-Charles, à Montréal. " C'est un quartier en pleine mutation, explique-t-il. Les prix ont déjà commencé à monter. Certaines propriétés peuvent sembler chères, mais si la tendance se maintient, dans 10 ou 15 ans, un acheteur aura probablement fait une bonne affaire. " À Québec, le quartier Saint-Sauveur et le secteur de Vanier offrent encore ce genre d'aubaine, selon Gina Gaudreault, directrice générale de la Chambre immobilière de Québec. " En banlieue, ajoute-t-elle, le Lac Saint-Charles semble intéressant de ce point de vue. " Québec compte également ses quartiers en mutation, comme le secteur D'Estimauville, situé à l'est de Limoilou, dans la Basse-Ville. Une des lignes du projet de tramway de Québec pourrait y passer éventuellement et quelques projets immobiliers sont déjà en marche. C'est un pari à prendre. Tout dépend bien sûr de la qualité de vie que vous recherchez.
Pour vivre dans les autres quartiers, tant à Montréal qu'à Québec, il faut encore être prêt à payer le prix. Le courtier Robert Charron cite l'exemple d'un de ses acheteurs. Ce dernier, un professionnel dans la trentaine, a déniché une petite copropriété de 900 pieds carrés sur le Plateau Mont-Royal. Le prix demandé est de 232 000 dollars. " Il y a des travaux à faire, mais pour le secteur, il serait difficile de trouver une copropriété à un prix inférieur ", dit Robert Charron.
Son client a fait une offre de 217 000 dollars. Audacieux ? " Même dans le marché actuel, je ne présume jamais d'une réponse négative à une première offre, surtout si je sens qu'il n'y a pas beaucoup d'acheteurs en vue. "
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Le balancier du marché immobilier
Les jours passent. Le vendeur tient son bout et rejette l'offre. " Souvent, note Robert Charron, les vendeurs sont offusqués par un prix trop bas. Je leur réponds que nous faisons du commerce, que la négociation commence. "
Le courtier et son client n'ont pas gagné grand-chose dans cette négociation. Mais tout de même, ils ont payé un peu plus de 230 000 dollars. " Le vendeur était conscient de sa position de force, même si les acheteurs ne se bousculaient pas aux portes. " Il y a deux ans à peine, qui aurait offert moins que le prix demandé pour une copropriété sur le Plateau ?
Dans le contexte actuel, la négociation reprend tout son sens. L'acheteur recherchera des indices qui révèlent qu'un vendeur est prêt à diminuer ses exigences. Nous entrons toutefois dans le cas par cas. " Les prix révisés à la baisse et le long délai de mise en vente ne sont pas de mauvais indices ", croit Sylvie Champagne, courtier immobilier chez Groupe Champagne Lamontagne. Le prix révisé peut simplement signifier que le vendeur avait affiché un prix nettement au-dessus du marché. " Cela ne m'influencera pas quant à la valeur réelle de la propriété ", ajoute Sylvie Champagne. Quant au long délai, c'est parfois une question de mauvais synchronisme, comme mettre en vente une copropriété en septembre. " Ce type d'habitation se vend beaucoup mieux au printemps ", note-t-elle.
" Quand vous êtes acheteur, vous partez en guerre ", lance Robert Charron. Quelles sont les armes indispensables ? Du temps pour manoeuvrer et visiter plusieurs propriétés, une vision claire de ce que l'on cherche et une idée tout aussi limpide de ses moyens financiers. " Une vraie pré-qualification de crédit d'une institution financière pose la limite à ne pas dépasser, tout en montrant votre sérieux à un éventuel vendeur ", dit Sylvie Champagne. D'autant plus que vous serez alors en mesure de dégainer rapidement et de faire une offre crédible pour la perle rare.
Pas de panique
Un marché à l'avantage des acheteurs, si telle devait être la situation au cours des prochaines années, ne signifie pas qu'il faut vendre sa propriété à rabais. Il faudra sans doute oublier les enchères, et les prix reviendront probablement à un taux de croissance plus proche de l'inflation, ce qui est le rythme naturel et historique d'augmentation de la valeur des propriétés. Pour ce qui est de l'éclatement d'une bulle immobilière, les avis sont très partagés entre optimistes et pessimistes.
" Une propriété vaut ce que l'acheteur est prêt à payer ", rappelle Sylvie Champagne. Bien connaître le marché pour les propriétés du même type est essentiel. " Une de mes premières tâches est d'évaluer si la propriété vaut le prix demandé, que je sois avec un acheteur ou avec un vendeur, explique Sylvie Champagne. La négociation qui suivra dépend de bien des facteurs, mais il est certain que le prix obtenu pour des maisons comparables servira de principal point de repère. " Le vendeur a donc intérêt à afficher un prix juste, ce qui laisse tout de même un peu de place à la négociation.
Même si le marché immobilier est encore légèrement en faveur du vendeur, ce dernier devrait éviter de se placer en position de vulnérabilité. Le temps est votre allié. Autant que possible, planifiez le moment de la vente et prévoyez un délai suffisant, d'autant plus que ce délai pourrait s'allonger dans un marché moins favorable. " Le meilleur moment de l'année pour vendre est généralement de janvier à mai, rappelle Sylvie Champagne. C'est le moment où il y a plus d'acheteurs. " Ne parlez surtout pas de votre divorce, ni de la belle copropriété dont vous allez prendre possession dans deux mois. L'acheteur comprendrait vite que vous êtes pressé de vendre.
Soignez votre propriété. L'odeur des biscuits qui sortent du four ne cachera pas la couleur délavée de la vieille peinture ou les poignées de porte qui restent dans les mains. Autant que possible, effectuez les réparations nécessaires et surtout, qu'elles soient bien faites. " Un vendeur devrait aussi pouvoir fournir des pièces justificatives des travaux effectués, comme une nouvelle toiture. Autrement, ce n'est pas toujours crédible ", prévient Sylvie Champagne.
La marge de manoeuvre du vendeur varie en fonction du secteur et du type d'habitation. " Les copropriétés situées près du centre-ville se vendent généralement au prix demandé, dit Robert Charron. En banlieue, il faut plus souvent donner du lest. " Dans tous les cas, il faudra faire un peu plus d'efforts.
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