L'an dernier, Christiane et Jean-Yves Germain soufflaient les 25 bougies de leur groupe hôtelier, un succès couronné d'une multitude de prix. Pourtant, lorsqu'ils ont rencontré Les Affaires dans la suite appartement du Germain Montréal, ils trépignaient d'impatience.
«J'aimerais que ça aille plus vite !» dit Christiane Germain, reconnaissant en riant que ça n'ira probablement jamais assez vite à son goût. Ni elle ni son frère ne rêvent de retraite, se voyant plutôt «actifs très longtemps» dans l'entreprise, mais ils savent toutes les années d'efforts nécessaires pour ouvrir des hôtels - trois ou quatre ans, parfois même cinq. «Ça installe un sentiment que je n'irais pas jusqu'à qualifier d'urgence, mais... Clairement, il va falloir accélérer, parce que personne n'est éternel.» Même si la gestion quotidienne repose moins sur les épaules des cofondateurs depuis deux ans, ils restent des pierres angulaires de la croissance. Et on sent qu'ils tiennent à y participer !
En 2009-2010, ils se sont fixé comme objectif de compter 15 à 17 hôtels Alt un peu partout au Canada d'ici 2020. Quatre établissements de cette marque sont déjà ouverts et trois le seront d'ici 18 mois. L'un d'eux, de 154 chambres, devrait ouvrir à la fin mars dans le quartier montréalais Griffintown. Les deux dirigeants espèrent annoncer au moins deux ou trois autres projets d'ici l'été. Ils visent l'Ouest canadien, mais aussi les Maritimes. «Faut déguédiner !» dit Christiane Germain, d'un ton décidé.
Assis à ses côtés, Jean-Yves Germain renchérit. Visiblement, ces deux-là sont sur la même longueur d'onde. Complémentaires, elle s'occupant de la marque et de l'exploitation et lui, du développement et de l'administration, ils finissent la phrase de l'autre dans une complicité palpable. «Le défi maintenant est d'accélérer les ouvertures afin que la marque Alt soit connue partout au Canada», dit l'entrepreneur de 57 ans.
Un concept plus facile à déployer
Les hôtels-boutiques Le Germain font toujours partie de leur stratégie, mais le concept Alt offre plus de potentiel de croissance à leurs yeux. Il y a de la place pour «encore quelques hôtels Le Germain au Canada», mais comme ils ont «toujours la même saveur, tout en étant différents l'un de l'autre», ils prennent plus de temps à développer, explique Mme Germain.
Les Alt, au contraire, sont plus standard. «Une fois que nous avons un emplacement, c'est moins long que pour un Germain, puisque nous faisons à peu près la même chose qu'au dernier.»
Pour les deux marques, toutefois, trouver des emplacements représente un casse-tête. «C'est sûr qu'on pourrait facilement trouver des emplacements dans des marchés de troisième ou quatrième ordre, mais être au centre-ville de Toronto ou de Vancouver, ça ne tombe pas du ciel», dit M. Germain. À preuve, il a commencé ses recherches à Vancouver en même temps qu'à Calgary, où l'hôtel est ouvert depuis... trois ans ! La ville côtière est «extrêmement attirante», mais chère. Et Jean-Yves Germain refuse d'avoir l'air de «trop vouloir», de crainte de miner son pouvoir de négociation.
Un objectif de 100 M$
Pour réaliser ce plan de développement, il faudra du financement supplémentaire. L'objectif ? Récolter 100 M$, si possible dès ce printemps. Les 80 M$ amassés en décembre 2011 auprès de la Caisse de dépôt et placement du Québec, Investissement Québec et des sociétés d'assurance permettront de terminer les trois constructions en cours et un autre projet ; les 100 M$ supplémentaires, selon le coprésident, amèneront l'entreprise à son objectif de 15 à 17 Alt au Canada.
Les investisseurs actuels seront «sûrement présents», mais l'entreprise en profitera aussi pour «agrandir le cercle». Elle cherche des dollars, mais aussi une expertise et un réseau de contacts. Des discussions sont ainsi en cours avec des fortunes familiales en Europe, dont un groupe qui «a déjà eu de 200 à 300 hôtels», ainsi qu'avec des investisseurs du Canada anglais.
Les fonds de pension et autres gros investisseurs institutionnels sont plutôt froids à l'égard de l'industrie hôtelière, marquée par «quelques histoires d'horreur», mais les Germain sont confiants : ils sont de «réels hôteliers, et non des traders d'hôtels», ce qui joue en leur faveur. «Bâtir une marque de confiance auprès des investisseurs n'a pas été facile, mais ça rend la recherche de financement un peu moins difficile», explique Jean-Yves Germain.
Quand la quinzaine d'Alt seront installés au Canada, l'entreprise de Québec considérera plus sérieusement l'international. «C'est sûr que nous nous voyons dans le Nord-Est américain», dit M. Germain. De plus, une réussite au pays attirera l'attention de développeurs étrangers. «Et là, il faudra être disciplinés afin de sélectionner les bonnes occasions.»
Lui et sa soeur sont loin d'être fermés à l'idée de vendre des franchises Alt. «Pourquoi pas ?» dit Mme Germain, persuadée que son concept est assez avant-gardiste pour être «à sa place» dans les grands aéroports d'Europe et d'ailleurs. «Mais les gens vont payer une franchise si la marque est suffisamment forte. Alors, il nous reste encore un peu de croûtes à manger.» Ça tombe bien, les Germain ont très faim.