Un peu plus de 2,8 M$. C’est le prix qu’a obtenu Construction Frank Catania & associés pour les terrains qui lui restaient au Faubourg Contrecœur. L’acheteur, le constructeur Devlor, vient tout juste de reprendre la construction des condos sur les lots restants, après plusieurs mois de pause pour régler les problèmes. Il doit rattraper le temps perdu… et payer les lourdes dettes de Catania liées à ce projet, selon les documents fonciers qu’a consultés LesAffaires.com
«Toute cette paperasse-là a été très longue», dit Benoît Laurin, pdg de Devlor, qui a mis sur pied une nouvelle entité pour reprendre le controversé projet de Catania, Développement Faubourg Contrecœur.
Seule la phase IV du projet reste à construire. Elle comprend 128 unités, dont 50 ont déjà trouvé preneurs.
En mars, LesAffaires.com rapportait que Devlor avait l’intention de racheter le projet, mais les parties n’avaient pas divulgué le prix de vente. Le constructeur expliquait alors qu’il y aurait environ trois mois de retard pour la livraison des condos et des maisons de ville. Deux mois plus tard, Benoît Laurin assure qu’il «part la machine pour essayer de rattraper tout ça».
Projet criblé de dettes
Projet criblé de dettes
L’acte de vente, consulté par LesAffaires.com, précise notamment que Devlor reconnaît les lourdes dettes de Catania liées au Faubourg Contrecœur.
D’abord, le nouveau propriétaire prend acte des garanties légales qu’ont déposées plusieurs sous-traitants pour se faire payer. L’un d’entre eux, l’entrepreneur en plomberie, chauffage et gaz K.F. Pelletier, avait même envoyé des hypothèques légales à 62 foyers de copropriétaires du Faubourg pour se faire rembourser pour près de 90 000 $ en travaux que Catania avait omis de lui payer.
Devlor reconnaît également des créances de la société d’ingénierie Claulac et de Gaz propane Rainville inc.
Le nouveau propriétaire s’engage aussi à honorer une hypothèque de 29,75 M$ à Romspen Invesments, à un taux de 10,35 %. Cette société non bancaire de Toronto a accordé un prêt de ce montant à Catania le 22 avril. L’acte consulté par LesAffaires.com indique que la somme servira notamment à rembourser un prêt de la Banque Nationale d’un montant de 31,8 M$, accordé en 2009 à Catania.
En outre, les terrains sont grevés par des hypothèques totalisant 14,85 M$ consenties à la Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM). Elles visent à garantir les obligations du constructeur en vertu de son programme Accès-Condo, auquel Catania participait, et que Devlor devra aussi respecter.
En vertu du programme Accès Condos, la SHDM s’engage à racheter toutes les unités du promoteur si elles ne trouvent pas preneurs une fois un projet terminé. Elle avance aussi un crédit d’achat de 10 % aux acheteurs sur leur mise de fonds, ce qui facilite la vente des habitations pour le promoteur.
Catania à bout au Faubourg
Catania à bout au Faubourg
Selon la SHDM, Catania avait accumulé un retard dans la construction de la dernière phase du Faubourg. Le constructeur controversé lui a signifié qu’il avait «de la difficulté à poursuivre le projet», expliquait à LesAffaires.com Leslie Molko, porte-parole de la société para-municipale, en mars.
Catania avait alors fait parvenir un communiqué pour expliquer son retrait. «Il est connu que des procédures judiciaires sont présentement en cours relativement au Faubourg Contrecoeur. C’est pourquoi Construction F. Catania a choisi, afin d’assurer la continuité de ce projet dans les meilleures conditions, de céder la réalisation de la phase IV du projet, la seule présentement active, à un autre promoteur constructeur, déclarait le pdg André Fortin, accusé de fraude et complot dans le scandale de corruption entourant ce projet. Construction F. Catania collabore avec l’ensemble des partenaires du projet pour faciliter cette transition.»
Selon les enquêtes journalistiques et les témoignages entendus à la Commission Charbonneau, Catania se trouve au cœur d'un réseau de collusion et de corruption dans les travaux publics à Montréal, coordonné par la mafia.
La SHDM a aussi entamé des poursuites contre Catania pour des «différends sur les coûts de décontamination du terrain» qu’elle lui a vendu pour réaliser le projet du Faubourg Contrecœur, qui totalise 1 800 unités. Le procès doit commencer en 2014.
En 2008, le Vérificateur général de la Ville de Montréal a dénoncé la vente des lots par la SHDM à Catania pour 4,4 M$, soit le cinquième de leur valeur. L’ancienne direction de la Société disait avoir accordé cet escompte à cause des coûts de décontamination des lots, «évalués» à 14,6 M$, mais le chien de garde des comptes municipaux a jugé la somme largement excessive.
À la Commission Charbonneau, l’ancien collecteur de fonds d’Union Montréal, Bernard Trépanier, a affirmé que le président de Catania, Paolo Catania, lui avait payé un voyage de luxe à Miami après la vente des terrains, en compagnie du président du comité exécutif, Frank Zampino.