Les problèmes du Groupe Catania au Faubourg Contrecœur ont eu des répercussions jusque chez les copropriétaires du nouveau quartier. Des sous-traitants du promoteur controversé ont réclamé des milliers de dollars aux propriétaires pour des travaux non remboursés. Trente-six foyers ont même reçu la visite de huissiers, qui leur ont remis des «préavis de vente sous contrôle de la justice».
Cette procédure constitue la première étape dans la liquidation d’une propriété pour le remboursement d’une dette. Heureusement pour les copropriétaires du Faubourg, les démarches n’iront cependant pas plus loin. Catania est arrivé à une entente avec l’entreprise ayant entrepris les procédures, Mur Sec Laroche.
«La radiation des hypothèques légales et des préavis d'exercice enregistrés par Mur sec Laroche a été déposée au registre foncier de Montréal jeudi dernier, assure Nadia Thibault, avocate de Catania, dans un courriel à LesAffaires.com. Les propriétaires visés verront ces inscriptions radiées d'ici trois semaines, soit le délai de traitement du registre foncier.»
Un autre sous-traitant, K.F. Pelletier, a de son côté envoyé des hypothèques légales à 62 foyers de copropriétaires du Faubourg. L’entrepreneur spécialisé en plomberie, chauffage et gaz leur réclame collectivement près de 90 000 $. «Nous sommes en discussions pour parvenir à un règlement», dit Nadia Thibault.
Le président de K.F. Pelletier, Francis Pelletier, n’a pas rappelé LesAffaires.com. «Nous n’avons pas de commentaires à faire à ce sujet», a répondu l’avocat de l’entreprise, Étienne Morin, par courriel.
Une autre entreprise de plomberie, M.I. Viau et fils, a aussi réclamé quelque 6 000 $ à des copropriétaires du Faubourg Contrecœur.
«Toutes les hypothèques légales de construction sont radiées, mise à part celle de KF Pelletier», assure Nadia Thibault.
Problèmes réglés
Problèmes réglés
Le pdg de Construction F. Catania, André Fortin, assure que ces procédures, «normales dans l’industrie de la construction au Québec», ne font courir aucun risque aux copropriétaires. «Dans les cas où un sous-traitant enregistre une hypothèque légale, Catania dépose, au compte en fidéicommis du notaire du Faubourg Contrecœur, le montant réclamé par le fournisseur et informe la journée même les propriétaires résidents de la situation », assure-t-il dans un courriel transmis à LesAffaires.com.
Joint par LesAffaires.com, Marc-André Lépine est propriétaire depuis près d’un an d’un condo dans la nouvelle rue Gabrièle-Frascadore, dans le Faubourg Contrecœur. Il garde un goût amer de ces problèmes légaux. Officiellement, K.F. Pelletier lui réclame toujours 1 238,58 $ et Mur sec Laroche a envoyé un huissier chez lui.
En tout, il a reçu chez lui trois hypothèques légales et un préavis de vente sous contrôle de la justice visant sa propriété.
Marc-André Lépine est administrateur de son syndicat de copropriétaires. Après la réception de ces documents, son gestionnaire, Laucandrique, a demandé à son avocat de régler le dossier.
«On n’est pas contents de toutes ces histoires, dit-il. Ce n’est pas agréable de voir un huissier débarquer chez vous pour remettre des hypothèques légales et un préavis de vente sous contrôle de la justice.»
Avocat spécialisé en copropriété, Yves Joli-Cœur assure qu’il voit fréquemment de tels cas d’hypothèques légales qui rebondissent chez les acheteurs d’unités d’un promoteur. C’est pourquoi il conseille aux copropriétaires de se doter d’une assurance-titre, qui les protège de ces recours.
Il ajoute que les hypothèques légales sont chose courante dans le domaine de la construction. «S’il est en chicane avec un promoteur, un sous-traitant peut enregistrer une hypothèque légale pour se venger», dit-il.
Catania en difficulté
Catania en difficulté
En tout, une quinzaine de sous-traitants de Catania lui ont fait parvenir des hypothèques légales. La plupart ne sont cependant pas allés jusqu’à les envoyer également aux copropriétaires.
Selon nos informations, les sous-traitants au Faubourg Contrecœur ont rapidement fait valoir leurs droits à cause des importants problèmes judiciaires et légaux qu’éprouve Catania et ses dirigeants.
Le promoteur a accumulé les retards dans la construction des unités. Il a même revendu la phase 4 du projet à Développement Faubourg Contrecœur, détenu par le constructeur Devlor.
Ces problèmes se sont répercutés sur les travaux dans les copropriétés, selon Marc-André Lépine. «On a dû courir beaucoup pour faire corriger des déficiences dans la finition des copropriétés, dit-il. Parmi mes voisins, certains attendent toujours pour avoir des escaliers dans leur condo.»
En outre, selon les enquêtes journalistiques et les témoignages entendus à la Commission Charbonneau, Catania se trouve au cœur d'un réseau de collusion et de corruption dans les travaux publics à Montréal, coordonné par la mafia.
La Société d’habitation et de développement de Montréal (SHDM) a aussi entamé des poursuites contre Catania pour des «différends sur les coûts de décontamination du terrain» du Faubourg Contrecœur. Le procès doit commencer en 2014.
En 2008, le Vérificateur général de la Ville de Montréal a dénoncé la vente des lots par la SHDM à Catania pour 4,4 M$, soit le cinquième de leur valeur. L’ancienne direction de la Société disait avoir accordé cet escompte à cause des coûts de décontamination des lots, « évalués » à 14,6 M$, mais le chien de garde des comptes municipaux a jugé la somme largement excessive.