Vous projetez de vous départir de votre coin de paradis à la montagne en pensant encaisser gros rapidement ? Bonne chance ! Le marché des résidences secondaires est à l'image de notre printemps : froid et maussade.
La dynamique en oeuvre sur les marchés résidentiels de Montréal et de Québec frappe aussi les régions où se concentrent les chalets, les maisons de campagne et les copropriétés à proximité des pentes de ski. Résultat : partout, l'offre des résidences secondaires excède la demande, les prix s'affichent de plus en plus sous l'évaluation municipale et, en plusieurs endroits, les délais de vente moyens dépassent maintenant les 300 jours !
La situation est devenue telle que les courtiers immobiliers de plusieurs régions n'acceptent plus de mandat d'une durée inférieure à une année. «On ne signe plus de contrats de courtage de six mois comme auparavant, confirme Marie Dubois, courtière immobilière du Groupe Sutton à Bromont. Le marché a changé, les acheteurs sont beaucoup plus prudents. Nous n'avons pas le choix d'ajuster nos pratiques.»
La situation actuelle résulte d'une dégradation observée dans l'ensemble de la province depuis quelques années. Au cours des 12 derniers mois, le nombre de propriétés à vendre a crû de 10 %, le nombre de transactions a baissé de 8 %, tandis que les délais de vente ont progressé de près de 10 %. «Mis à part quelques exceptions, l'activité immobilière a baissé partout, parfois avec plus d'intensité encore dans les régions prisées par les villégiateurs», affirme Paul Cardinal, directeur de l'analyse de marché à la Fédération des chambres immobilières du Québec (FCIQ).
Après trois ans de détérioration ininterrompue, le marché continue depuis janvier de s'enfoncer dans la majorité des régions touristiques, avec des reculs des ventes qui dépassent allègrement les 10 %, dans les Laurentides, Lanaudière et Charlevoix.
À lire aussi :
Le bord de l'eau a moins la cote
Les temps sont durs dans les Laurentides et Lanaudière
La grande région des Laurentides est sans aucun doute celle qui montre les signes les plus évidents de la fin d'un cycle d'une décennie de croissance immobilière.
Où que l'on se trouve le long de l'autoroute des Laurentides (A-15), à Saint-Sauveur, Sainte-Adèle, Sainte-Agathe-des-Monts ou Mont-Tremblant, les statistiques de la Chambre immobilière des Laurentides montrent des reculs des ventes et des prix médians de 8 % à 11 % depuis le début de 2014 (quatre premiers mois), en ce qui concerne les propriétés classiques tant de type unifamilial (une maison isolée), que de type copropriété, le long d'une pente de ski par exemple.
Cette baisse généralisée est accompagnée de délais de vente officiels qui ont plus que doublé au cours de la dernière décennie. Dans la seule agglomération de Mont-Tremblant, le délai de vente moyen d'une copropriété (condo) est passé de 173 jours en 2000 à 363 jours aujourd'hui. Un an !
Après avoir fait le plein d'acheteurs américains, «Tremblant continue de souffrir de la crise des subprimes aux États-Unis, explique M. Cardinal. L'offre est si grande que les propriétés restent sur le marché très longtemps.»
Et la réalité est probablement pire qu'elle ne paraît, croit Daniel Vandal, directeur de la Chambre immobilière des Laurentides. Il rappelle que, dès qu'un vendeur décide de changer de courtier immobilier, le calcul du délai de vente de sa propriété revient à zéro, même après des années de démarches infructueuses.
Le segment des résidences secondaires de luxe ne se porte pas mieux. En fait, c'est pire : les vendeurs consentent d'importants rabais sur les prix initiaux. «Les acheteurs ont le choix et les vendeurs doivent être patients, et ce, même lorsque leur résidence est inscrite au juste prix», observe Marie-Claire Rémillard, courtière de l'agence Profusion immobilier, de Westmount et Saint-Sauveur, spécialisée dans la vente de propriétés de prestige. Après deux ans et demi d'efforts à tenter de vendre une maison de trois chambres à Saint-Adolphe-d'Howard, cette dernière a récemment obtenu la permission du vendeur d'abaisser son prix d'appel de 1,25 million de dollars à 988 000 $.
Mais en général, les vendeurs ne sont pas prêts à brader leur propriété. «Ils sont certes plus réalistes, consentent plus facilement des baisses de prix, explique Daniel Lambert, courtier immobilier de Proprio Direct à Saint-Sauveur. Mais généralement ils ne sont pas pressés pour autant et attendent leur prix. J'en connais un qui a mandaté cinq agents différents en cinq ans et qui commence tout juste à penser à réduire son prix !»
Après une année 2013 plutôt tiède, la région voisine de Lanaudière (en excluant Joliette et Saint-Lin) affiche depuis le début de 2014 un recul du nombre de transactions de 8 % par rapport à la même période l'année dernière. Les prix, par contre, tiennent bon, avec une hausse de 1 % (médiane).
Le recul des ventes est plus marqué dans certaines zones prisées par les villégiateurs. Sur le territoire de Saint-Donat, par exemple, le nombre de transactions a chuté de 29 % en début d'année par rapport aux quatre premiers mois de 2013.
La MRC de Matawinie, qui regroupe entre autres les municipalités de Sainte-Émélie-de-l'Énergie, Saint-Côme, Saint-Michel-des-Saints et Saint-Jean-de-Matha, affiche pour sa part une baisse des ventes de 14 % pour la même période. Là comme ailleurs, on observe un marché d'acheteurs qui réussit à se maintenir, pour l'instant, sans effondrement des prix.
À lire aussi :
Le bord de l'eau a moins la cote
Des acheteurs inquiets en Estrie et en Montérégie
Dans les Cantons-de-l'Est, un grand territoire de villégiature apprécié pour ses paysages bucoliques, ses routes gourmandes et la rareté des mouches noires, on assiste là aussi à un rééquilibrage qui n'a rien de comparable à ce que l'on voit dans les Laurentides et Lanaudière.
«On sent que les gens achètent moins avec le coeur qu'avec la raison. Ils sont mieux informés, plus prudents. C'est plus difficile que les années passées, mais le marché n'est pas mort pour autant», observe Guy Madore, courtier immobilier chez Remax D'abord, à Magog.
Au début de mai, parmi les sept propriétés vendues depuis janvier sur les rives du lac Memphrémagog, soit autant que l'année dernière à pareille date, deux propriétés riveraines ont été vendues sous l'évaluation municipale et une a été vendue pour la moitié du prix demandé... deux ans plus tôt. Il faut dire que le prix initial de cette dernière propriété frisait les 7 M$ !
La MRC Memphrémagog qui, en plus de Magog, comprend des villes comme Eastman, North Hatley, Orford et Saint-Benoît-du-Lac, affiche pour les quatre premiers mois de 2014 une baisse des ventes de 4 % comparativement à l'an dernier. Les ventes de copropriétés situées au bord de l'eau ou à proximité de la montagne a baissé de 17 % en 2013. Résultat : Magog-Orford compterait actuellement plus de 200 condos sur le marché. «Il vient un moment où ça devient trop, juge Guy Madore. Plus il y en a, moins le vendeur a de marge de manoeuvre.»
Plus près de Montréal, la Montérégie commence aussi à connaître les conséquences d'un repli des acheteurs. L'an dernier, le territoire de la MRC Brome-Missisquoi, qui regroupe les municipalités de Sutton, Lac-Brome et Dunham, entre autres, a subi une baisse importante de son activité immobilière. Après des années de croissance ininterrompue, le volume des ventes de propriétés unifamiliales a chuté de 12 % et celles des copropriétés, de 18 %.
L'année 2014 se passe mieux malgré des ventes qui continuent de décliner. Mais là aussi, on commence à souffrir de l'offre excédentaire de propriétés invendues des dernières années, laquelle se heurte en plus, maintenant, à la multiplication de nouveaux projets de maisons neuves, analyse Marie Dubois, courtière du Groupe Sutton à Bromont.
À lire aussi :
Le bord de l'eau a moins la cote
Charlevoix pas pour l'argent
La région touristique de Charlevoix, dont la croissance dépend du développement du Massif de Petite-Rivière-Saint-François, traverse un passage à vide.
Après une baisse de 13 % du nombre de transactions en 2013, la région a connu jusqu'à la fin d'avril 2014 un plongeon vertigineux de 31 % des ventes. C'est le pire recul recensé dans les régions de villégiature au cours de cette même période.
Courtier pour le compte des Immeubles Charlevoix, à Baie-Saint-Paul, Jean Dubuc demeure optimiste, malgré une offre abondante de chalets, de résidences de luxe et de terrains encore en friche qui offrent une vue à couper le souffle. Les terrains avec vue continuent d'avoir la cote, tandis que les terrains moins spectaculaires mais plus abordables tendent à intéresser de moins en moins les acheteurs. «Pour chaque terrain à 30 000 $, on en vend quatre à 100 000 $.»
Dans un tel contexte de suroffre, l'établissement d'un juste prix ne suffirait pas. «Même à bas prix, certaines propriétés peuvent mettre du temps avant de trouver preneur», dit M. Dubuc, insistant sur l'importance pour les vendeurs de rester réalistes. Surtout alors que le Massif développe son propre complexe de chalets sur la montagne et qu'un nouveau projet de propriétés partagées, mené cette fois par le Domaine Charlevoix, vient d'être lancé à Baie-Saint-Paul.
«Tu t'offres une résidence ici pour profiter du ski l'hiver et de la région l'été, estime le professionnel de l'immobilier. Si c'est d'abord dans l'espoir de faire beaucoup d'argent à la revente, mieux vaut y penser à deux fois.»
MRC : Un guide pour mieux comprendre
La MRC des Pays-d'en-Haut regroupe les territoires de Morin-Heights, Saint-Sauveur, Sainte-Anne-des-Lacs, Piedmont, Sainte-Adèle, etc.
La MRC de Matawinie comporte les territoires de Saint-Donat, Sainte-Émélie-de-l'Énergie, Saint-Côme, Saint-Jean-de-Matha, Saint-Michel-des-Saints, Saint-Alphonse- de-Rodriguez, Chertsey, etc.
La MRC Brome-Missisquoi comprend les territoires de Sutton, Bromont, Brome, Lac-Brome, Bedford (ville et canton), Abercorn, Brigham, Dunham, Frelighsburg, Saint-Armand, etc.
La MRC de Memphrémagog englobe les territoires de Magog, Austin, Eastman, Canton d'Orford, North Hatley, Saint-Benoît-du-Lac, Ayer's Cliff, Canton de Potton, etc.
La MRC de Charlevoix regroupe les municipalités de Baie-Saint-Paul, Petite-Rivière-Saint-François, des Éboulements, Saint-Hilarion, Saint-Urbain et L'Isle-aux-Coudres.
À lire aussi :
Le bord de l'eau a moins la cote
Évolution du marché des résidences secondaires depuis un an, par région1
Laurentides
MRC des Pays-d'en-Haut
Nombre de ventes :- 8 %
Prix médian - unifamiliale : + 6 % (215 000 $)
Prix médian - copropriété : - 9 % (167 500 $)
Agglomération de Mont-Tremblant
Nombre de ventes :- 10 %
Prix médian - unifamiliale : + 13 % (233 000 $)
Prix médian - copropriété : - 11 % (196 250 $)
Agglomération de Sainte-Agathe-des-Monts
Nombre de ventes :- 11 %
Prix médian - unifamiliale : - 10 % (155 000 $)
Agglomération de Sainte-Adèle
Nombre de ventes :-11 %
Prix médian - unifamiliale : 0 % (182 000 $)
Lanaudière
MRC de Matawinie
Nombre de ventes :- 14 %
Prix médian - unifamiliale : + 12 % (145 000 $)
Ville de Saint-Donat
Nombre de ventes :- 29 %3
Prix médian - unifamiliale : n.d.
Cantons-de-l'Est
MRC Memphrémagog
Nombre de ventes :- 4 %
Prix médian - unifamiliale : + 3 % (216 219 $)
Montérégie
MRC Brome-Missisquoi
Nombre de ventes : - 1 %
Prix médian - unifamiliale : + 3 % (216 219 $)
Prix médian - copropriété : + 16 % (198 000 $)2
Québec
MRC de Charlevoix3
Nombre de ventes : - 31 %3
Prix médian : + 6 % (185 000 $)2
1 Variation (en %) du nombre de ventes et du prix de vente médian en vigueur au cours des quatre premiers mois de l'année 2014 par rapport à la même période en 2013.
2 Ensemble de l'année 2013.
3 Extrapolation à partir des données fournies par la FCIQ.
Source : Fédération des chambres immobilières du Québec
À lire aussi :
Le bord de l'eau a moins la cote