Le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, a nié en bloc les accusations de corruption faites par les députés Serge Ménard et Vincent Auclair, les sommant de se rétracter en déposant une mise en demeure.
"Je vais être très clair, je n'ai pas offert d'argent. Ni à M. Ménard, ni à M. Auclair, ni à aucun autre candidat prenant part à une élection provinciale ou fédérale", a déclaré le maire lors d'un bref point de presse qui s'est déroulé à l'hôtel de ville de Laval, mardi après-midi.
Gilles Vaillancourt a réagi vivement aux déclarations de l'ex-ministre de la Justice Serge Ménard, qui avait affirmé à Radio-Canada s'être fait offrir 10 000 $ en argent comptant dans une enveloppe alors qu'il était candidat péquiste en 1993.
Et il s'est dit "renversé" par les allégations du député libéral Vincent Auclair, qui a soutenu à deux reprises, mardi _ lors d'une conférence de presse en matinée et plus tard par voie de communiqué _, que le maire de Laval lui avait offert une enveloppe en juin 2002 lors d'une élection complémentaire.
"C'est lui-même qui est venu me voir, samedi soir (le 13 novembre, lors d'un bal Viennois), pour m'informer qu'il avait été appelé, ou qu'il avait eu une conversation avec un journaliste, et qu'on lui avait demandé s'il avait reçu une somme d'argent", a dit le maire Vaillancourt à propos de M. Auclair.
"Il a dit: "Monsieur le maire, vous ne m'avez jamais offert d'argent, je n'en ai jamais accepté ni de vous, ni de votre entourage". Ça, c'est ce qu'il m'a dit à moi et j'ai signé un affidavit là-dessus", a précisé M. Vaillancourt.
Il a demandé aux deux députés de se rétracter, faute de quoi il les poursuivrait en cour.
Serge Ménard a refusé de répondre à toute question, tout au long de la journée de mardi, même après que M. Vaillancourt eut fait part de son intention de le mettre en demeure.
"Je serai prêt à collaborer avec des autorités compétentes si elles me demandent, si on m'appelle à témoigner, mais j'ai décidé d'agir comme ça et je pense que c'était la meilleure façon", a-t-il indiqué dans une déclaration écrite.
Tentative d'intimidation
La réaction de Gilles Vaillancourt n'a pas renversé la chef du principal parti d'opposition de Laval, Lydia Aboulian.
"C'est la tactique qu'il utilise pour tout. On a déjà eu des mises en demeure parce qu'on était trop agressifs dans nos questions (...) alors ça ne me surprend pas. C'est une façon d'intimider l'adversaire. Le maire Vaillancourt a beaucoup de pouvoir et ne s'empêchera pas de l'utiliser", a fait valoir Mme Aboulian, croisée dans les couloirs de l'hôtel de ville à l'issue du point de presse du maire.
Mme Aboulian a invité son adversaire à se retirer "dès maintenant" sans nécessairement parler de démission.
Interrogée à savoir si la version des faits du maire lui semblait crédible, elle a précisé qu'elle devait attendre les preuves avant de se prononcer.
"Mais j'en doute", a-t-elle conclu.
Malaise chez les libéraux
En huit ans, M. Auclair n'a jamais jugé bon de dénoncer le geste du maire aux autorités policières, ni d'en informer le premier ministre Jean Charest.
Ce dernier a paru contrarié, mardi en point de presse, et a soutenu que son député aurait dû divulguer cette information. Il a pris soin de prendre ses distances de son député, disant qu'il revenait à M. Auclair d'expliquer sa position.
"Je pense que oui, ils auraient dû en parler avant, M. Ménard aussi", a laissé tomber M. Charest, en marge d'une réunion de son caucus.
M. Charest a déclaré que la Sûreté du Québec a contacté M. Auclair et que les enquêteurs feront leur travail.
"Tout cela est très sérieux et très troublant, a-t-il dit, et dans les circonstances la SQ a publié un communiqué où ils disent que lorsqu'une information comme ça arrive à leurs oreilles, avec raison, ils font les enquêtes appropriées."
Les aveux de M. Auclair surviennent alors que le premier ministre invite tous ceux qui détiennent des informations sur ce genre de malversations à parler à la police.
M. Charest a dit que les autres députés lavallois du caucus avaient confirmé qu'ils n'ont été l'objet d'aucune approche du maire Vaillancourt.
De son côté, la chef péquiste Pauline Marois s'est dite profondément choquée, et a dit considérer que le maire Vaillancourt "devrait se retirer de ses fonctions", le temps qu'une enquête fasse la lumière sur toute cette histoire.
"Il serait préférable que les élus dénoncent sur-le-champ" ce genre de gestes lorsqu'ils en sont témoins, a-t-elle ajouté, réclamant à nouveau une commission d'enquête sur le monde de la construction et le financement des partis politiques.
D'ailleurs, mercredi, l'opposition péquiste reviendra à la charge avec une motion en ce sens qui sera débattue à l'Assemblée nationale.
Quant au fait de savoir si M. Auclair était toujours digne de siéger à l'Assemblée nationale, Mme Marois n'a pas voulu se prononcer.
La ministre Michelle Courchesne, députée de Fabre et responsable de Laval, a dit, la voix chevrotante, qu'elle était "tellement choquée" par les faits, qu'elle a qualifiés d'"extrêmement troublants".
Alain Paquet, député de Laval-des-Rapides, a dit que jamais on ne lui avait "offert quoi que ce soit". Si on lui avait offert de l'argent, il l'aurait refusé, car l'intégrité est une valeur "non négociable".
Quant à lui, Guy Ouellette, député de Chomedey et ancien enquêteur à la Sûreté du Québec, a dit n'avoir jamais eu d'offre de ce genre, mais que "si j'avais été placé dans une situation particulière, c'est sûr que je l'aurais dénoncée sur-le-champ".
Le Bloc québécois a indiqué avoir questionné ses députés de la région de Laval afin de s'assurer qu'ils n'avaient pas eux aussi été approchés par M. Vaillancourt, et le parti s'est dit satisfait des réponses obtenues puisque tous ont affirmé que ce n'était pas le cas.
Le parti a par ailleurs martelé qu'il avait entièrement confiance en Serge Ménard.