La Politique économique qu’a déposée lundi le ministre des Finances Nicolas Marceau a reçu un accueil plutôt positif. Mais l’absence de détails quant à la mise en œuvre des nombreuses propositions contenues dans ses quelque 160 pages viennent modérer l’enthousiasme.
Le chef de la Coalition Avenir Québec (CAQ) François Legault qualifie le plan économique péquiste d’un «ramassis de bonnes idées» qui a le défaut d’être un «budget avec seulement des dépenses, et aucune colonne de revenus». «On engage des dépenses de 1,3 G$ sans donner aucune indication quant à savoir d’où viendra l’argent», déplore-t-il.
«On annonce une tonne de nouveaux programmes, qui vont coûter des centaines de millions, sans faire le ménage des crédits qui existent et qui ne fonctionnent pas. On ne fait pas de ménage et on ne nous dit pas comment on va financer ça», déplore François Legault.
Et ce, alors que la dette est déjà importante.
Chez les libéraux, on «ne veut pas d’une politique de marketing économique électoraliste», ont déclaré les critiques Pierre Paradis et Sam Hamad par voie de communiqué. Ils demandent «au gouvernement de mettre en place des mesures concrètes et ciblées qui vont stimuler l'emploi et relancer l'économie sans compromettre l'équilibre budgétaire».
«Un bel emballage»
«Un bel emballage»
Président du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval appuie l’utilisation des surplus d’électricité pour relancer la croissance et les mesures destinées aux PME. Mais pour lui, les mesures qu’a annoncées le gouvernement Marois sont insuffisantes. «Pour beaucoup d’entreprises qui sont des moteurs de l’économie, il n’y a rien, dit-il. On nous annonce des investissements de deux milliards, mais un seul projet d’aluminerie au Québec coûte plus d’un milliard!»
Il croit que la nouvelle Politique est avant tout cosmétique. «C’est un très bel emballage, mais le produit n’est pas fini encore.»
Pour les Manufacturiers et exportateurs du Québec (MEQ), la stratégie visant à promouvoir l’exportation, l’innovation et le soutien à l’entreprenariat est intéressante à plus d’un égard. «C’est une politique intégrée, qui vise toute la chaîne» de production, observe Simon Prévost, président des MEQ.
«À un bout du pipeline on a le soutien aux exportations, mais en amont de ces exportations il faut de l’innovation et augmenter la productivité. Si on n’a pas de bons produits à exporter, et qu’on n’est pas concurrentiels sur les marchés internationaux», le développement économique est un vain mot, soutient Simon Prévost.
Cela reste cependant une politique axée sur l’intervention du gouvernement. Et rien n’est proposé pour «s’attaquer au climat des affaires, qui n’est pas propice aux investissements», soutient-il. «Si on réduit les taxes sur la masse salariale par exemple, l’entrepreneur dispose rapidement d’argent pour faire des investissements. Alors que là on ajoute une autre couche de bureaucratie», qui risque d’alourdir encore un peu plus le fardeau des manufacturiers, craint Simon Prévost.
Il déplore en outre que les détails manquent et qu’on ne peut pas ainsi évaluer correctement l’importance de toutes les mesures proposées.
C’est également un enthousiasme partagé qui se fait entendre du côté de la Fédération canadienne des entreprises indépendantes (FCEI).
«C’est le fun qu’on parle d’économie au Québec», déclare Martine Hébert, vice-présidente pour le Québec. Elle se réjouit du fait que certaines des politiques proposées s’adressent directement aux petits entrepreneurs – par exemple, les mesures visant l’écorénovation, un marché largement occupé par les petites PME.
Lourdeur à craindre
Lourdeur à craindre
Elle est cependant d’avis que c’est encore un peu plus de lourdeur qui va s’ajouter au fardeau de l’entreprise.
«Il ne faut pas que ce genre de projets occulte l’importance de mettre en place des conditions fiscales et réglementaires pour favoriser l’investissement. Ça va profiter à certaines entreprises, mais pas à certaines autres. C’est bien, mais ça ne doit pas s’arrêter là», ajoute-t-elle, soulignant qu’environ 80 % des patrons d’entreprise ne reçoivent aucune subvention ni crédit d’impôt.
Du côté des municipalités, l’accueil est mi-figue, mi-raisin. Notamment à cause de l’absence de détails. «On fait des investissements qui ont déjà été sélectionnés, alors je m’inquiète un peu concernant l’équité pour les autres municipalités », relate le président de l’Union des municipalités du Québec et maire de Rimouski, Éric Forest. «J’avais compris qu’il y aurait des mises à niveaux pour les infrastructures communautaires et sportives, après des années d’investissement dans les infrastructures de services publics» comme les aqueducs, fait-il valoir.
Pourtant, le plan économique reste peu loquace quant aux projets à privilégier.
Cela étant, l’importance accordée au soutien à l’innovation est un pas dans la bonne direction, juge-t-il.
Avec Hugo Joncas