Après son accession au pouvoir en avril, le gouvernement Couillard s'est engagé dans un vaste programme d'assainissement des finances publiques. Mais il travaille aussi sur un plan de relance économique qu'il veut vendre aux investisseurs internationaux. Un plan qui ne sera pas exécuté du jour au lendemain, mais qui prend forme.
À l'occasion d'une table éditoriale avec Les Affaires, à la veille de notre conférence «Objectif Nord», le premier ministre Philippe Couillard nous a livré les grandes lignes de ce plan qui repose sur trois piliers : la relance du Plan Nord, le développement de l'industrie du gaz et du pétrole, et l'augmentation du transport maritime sur le fleuve Saint-Laurent. Et le tout sera réalisé, promet-il, avec une approche de lutte aux changements climatiques qui distinguera le Québec des autres terres d'investissement.
«Nous sommes de nouveau ouverts aux affaires et aux investissements étrangers», a scandé M. Couillard en entrevue, faisant écho au message qu'il vient de livrer aux investisseurs américains à New York et qu'il entend répéter lors d'une prochaine mission en Chine et en Europe, à la fin d'octobre.
Au sujet du Plan Nord, le premier ministre n'a rien de vraiment nouveau à annoncer. Il se sait impuissant devant la baisse du prix des métaux. Mais en attendant un cycle haussier, sa stratégie consistera à faire le tour des investisseurs pour leur dire que le Plan Nord a été «remis sur les rails» avec un plan précis et prioritaire d'infrastructures : la réfection de routes terrestres (la route de la Baie-James, ainsi que les routes 138 et 389 sur la Côte-Nord) et un troisième lien ferroviaire permettant d'acheminer du minerai au port de Sept-Îles. Ce projet, mort puis relancé, sera réalisé, promet-il, car il est «capital pour les investisseurs».
M. Couillard ne dit toutefois pas comment il ira chercher le financement nécessaire. «Ça, c'est une autre discussion», se borne-t-il à dire.
Mais avant d'en arriver là, Philippe Couillard promet de régler une dispute qui dure depuis près de deux ans avec la minière Cliffs Natural Resources et qui a pour effet de bloquer aux autres minières l'accès au port de Sept-Îles. À ce sujet, le premier ministre se dit prêt à prendre tous les moyens pour libérer le passage. «Nous ne laisserons pas une compagnie paralyser le développement économique du Québec», a-t-il dit plusieurs fois en entrevue, laissant entendre que même l'expropriation était envisagée. Quand on lui a signalé qu'aucun gouvernement n'était allé aussi loin, il a rétorqué : «C'est notre marque de commerce de faire des choses qui n'ont jamais été faites».
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Mais pour l'instant, la relance du Plan Nord consiste à dire que... le Plan Nord sera relancé. Philippe Couillard parie que le fait d'envoyer «des signaux clairs» aux investisseurs étrangers sur ce projet présenté en 2011 par son prédécesseur libéral leur redonnera confiance. Lorsque le Parti québécois a pris le pouvoir, «les investisseurs ont décodé qu'il n'y avait plus d'intérêt à développer le Nord-du-Québec», explique-t-il.
M. Couillard se dit optimiste face à l'industrie québécoise du fer, parce que le minerai «est de bonne qualité et le monde en aura toujours besoin». Il croit aussi à l'avenir des terres rares et du phosphate québécois.
Il entend aussi faire valoir auprès des investisseurs trois éléments : les bonnes relations que le Québec entretient avec les autochtones et son soutien financier à leur formation ; un climat politique et économique stable ; et la possibilité de réduire l'empreinte écologique des projets industriels.
M. Couillard promet d'aller de l'avant cet automne avec la création de la Société du Plan Nord. Un de ses mandats sera d'aider les sous-traitants québécois à obtenir des contrats auprès de donneurs d'ordres.
Gaz naturel liquéfié
L'autre pilier de la relance économique de M. Couillard - et il est lié au Plan Nord - est le développement d'une industrie du gaz naturel liquéfié (GNL). M. Couillard veut que ce combustible moins polluant et plus économique que le mazout lourd soit utilisé sur la Côte-Nord et dans le Nord-du-Québec par les industries. Il a d'ailleurs profité de la conférence «Objectif Nord» pour annoncer une participation d'Investissement Québec à hauteur de 50 millions dans Gaz Métro GNL, une filiale de Gaz Métro, qui expédiera par camion du GNL à la minière Stornoway, à la Société des traversiers du Québec (dont les bateaux seront équipés de moteurs au GNL) et aux camions de Transport Robert.
Cette annonce n'est que le début : ce qu'on vise, ce sont d'autres usines de liquéfaction du gaz naturel et son transport par bateau. Au moins trois projets privés sont actuellement en gestation et une coalition d'industriels travaille à élaborer des ententes. En entrevue, le premier ministre nous a dit que non seulement Québec veut être un partenaire d'affaires dans ces projets, mais qu'il s'active aussi à mettre en place un programme de crédits d'impôt pour les utilisateurs.
Du côté de l'industrie pétrolière, le gouvernement Couillard manifestera une attitude «d'ouverture et d'intérêt, mais pas à n'importe quel prix». Il y sera favorable du moment que seront prises «les précautions élémentaires et que les lois, règlements et principes environnementaux reconnus seront respectés». Bref, le feu est passé au vert.
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La stratégie maritime
Le troisième pilier de la relance économique du gouvernement Couillard touche aux deux autres : il s'agit de l'accroissement du trafic sur le fleuve Saint-Laurent. Philippe Couillard voit plus de navires et des navires de plus grande taille naviguer sur le fleuve.
«Le libre-échange avec l'Europe, l'élargissement des écluses du canal de Panama et, à plus long terme, l'ouverture du passage du Nord-Ouest vont accroître le trafic transatlantique et [celui qui prend place] le long du littoral atlantique, affirme-t-il. Le Québec est au milieu du tout cela. Car le Saint-Laurent est la façon la plus sécuritaire et écologique d'acheminer les marchandises. Nous voulons donc profiter de l'occasion pour moderniser nos infrastructures portuaires et bâtir de l'intermodalité.»
Québec entend interpeller le fédéral dans ce dossier. De son côté, il soutiendra les chantiers navals et les infrastructures d'intermodalité. M. Couillard voit aussi d'autres filières se développer par cette stratégie maritime, dont le tourisme et la protection des aires marines. Si bien qu'il prévoit la création d'au moins 20 000 emplois - peut-être 30 000 - d'ici 20 ans.
Le premier ministre du Québec regarde loin et à long terme. Il parie que les investisseurs étrangers ont eux aussi cette vision, notamment dans le secteur minier. C'est pourquoi, même si pour l'instant le Plan Nord, le GNL et la stratégie maritime n'ont rien de bien concret, Philippe Couillard prend son cap.
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