On s'explique encore mal comment un tireur fou armé d'un fusil de chasse a pu s'introduire dans l'édifice du Centre du parlement, haut lieu canadien de la démocratie, en passant par les portes centrales situées directement sous la tour de la Paix.
La question était sur toutes les lèvres, jeudi, au lendemain des événements: les dispositifs de sécurité sont-ils suffisants sur la colline du Parlement? Les opinions diffèrent d'un élu à l'autre, mais ces derniers semblent s'entendre sur la nécessité de se pencher sur ce dossier.
Pour certains, dont Thomas Mulcair, il est entendu que le site doit demeurer celui du peuple.
Car le site de la colline du Parlement est l'illustration parfaite des valeurs canadiennes, selon le chef du Nouveau Parti démocratique.
"C'est un symbole d'ouverture et de liberté, et la personne qui est venue ici hier avec la violence dans ses pensées et dans ses gestes n'a pas gagné. Nous ne pouvons permettre un recul de cette ouverture et de cette liberté", a-t-il déclaré, citant en exemple de cette ouverture les rendez-vous hebdomadaires des adeptes de yoga sur la pelouse, à l'ombre de la tour de la Paix.
L'opinion du ministre Jason Kenney semble diamétralement opposée à celle de M. Mulcair _ et d'après lui, c'était une question de temps avant qu'un tel drame ne se joue au parlement.
"Je pense que tous ceux qui sont ici depuis longtemps pensaient que ce genre de chose ne serait pas difficile à réaliser. Pour être honnête, je pense que nous pouvons être soulagés que cela n'ait pas été plus sophistiqué ou organisé", a-t-il lâché en point de presse avant d'entrer en Chambre.
"Nous devrions probablement revoir cette question, et je suis certain que le sergent d'armes et les deux côtés de la Chambre le feront", a poursuivi M. Kenney.
La position de son collègue, le député beauceron Maxime Bernier, semble un peu moins tranchée, bien qu'il ait souligné qu'il y avait "des questions à se poser" au chapitre des mesures de sécurité.
"On peut toujours imposer des barrières et empêcher les gens de venir ici, mais ce parlement, c'est le parlement du gouvernement du Canada. C'est pour l'ensemble des citoyens et il faut avoir une juste balance entre la liberté de circuler, la sécurité des parlementaires", a-t-il plaidé en point de presse jeudi matin.
Par voie de communiqué, jeudi, le sergent d'armes Kevin Vickers a déclaré que ni lui ni son équipe n'avaient l'intention de faire de commentaires sur les événements de la veille puisqu'il s'agit, a-t-il souligné, d'une enquête en cours.
Dans la foulée de ce second tragique incident en l'espace de quelques jours _ un autre soldat, l'adjudant Patrice Vincent, a été tué à Saint-Jean-sur-Richelieu lundi _, M. Harper a indiqué qu'une initiative pour renforcer les pouvoirs de "surveillance, de détention et d'arrestation" du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) est attendue sous peu.
"Ils ont besoin d'être vraiment renforcés, et je vous assure, M. le président, que le travail _ qui est déjà commencé _ sera accéléré", a-t-il dit.
Hommage au héros au retour en Chambre
Hommage au héros au retour en Chambre
La Chambre des communes a repris ses activités comme prévu au lendemain de la fusillade au parlement d'Ottawa, et c'est sous une salve d'applaudissements que les députés ont accueilli leur sergent d'armes Kevin Vickers, celui qui a neutralisé le tireur qui a fait irruption dans l'édifice.
L'heure n'était pas à la partisanerie, jeudi, et les banquettes habituellement clairsemées des séances matinales étaient presque remplies. Les députés se sont tous levés d'un bond lorsque M. Vickers a fait son apparition en Chambre avec son emblématique masse dorée.
Le sergent d'armes est demeuré sobre, mais a semblé ému pendant la longue et bruyante ovation que lui ont réservée les élus, qui a d'ailleurs été suivie de plusieurs autres salves d'applaudissements au fur et à mesure que les chefs de parti lui rendaient hommage.
Après que les députés eurent entonné en choeur le "O Canada" et observé une minute de silence en hommage au caporal Nathan Cirillo, ce soldat qui est tombé sous les balles du tireur fou au Monument commémoratif de guerre du Canada, le premier ministre Stephen Harper a pris la parole.
Il a exprimé la gratitude du gouvernement envers les policiers et les services de sécurité et pour rappeler que le Canada ne serait pas intimidé par l'attentat.
"Nous ne serons pas intimidés. Nous serons vigilants, mais nous ne nous sauverons pas sous la peur. Nous serons prudents, mais nous ne céderons pas à la panique. Nous voici, dans nos sièges, dans notre Chambre en plein coeur de la démocratie canadienne et le travail continue", a-t-il ajouté.
Le chef du Nouveau Parti démocratique (NPD), Thomas Mulcair, s'est levé à plusieurs reprises pour applaudir les déclarations de M. Harper, qui a improvisé son discours par moments, et il a essentiellement abondé dans le même sens que lui sur cette question.
"Le geste lâche d'hier (mercredi) visait à ébranler cette formidable ville d'Ottawa et le pays entier, mais il a seulement renforcé notre détermination", a-t-il lancé.
De son côté, le chef libéral Justin Trudeau a fait valoir qu'il était "approprié que nous soyons immédiatement venus ensemble ici, dans cet endroit, pour faire savoir au monde que les valeurs canadiennes sont solides, que nos institutions sont résilientes et que notre population est unie".
Les discours des trois principaux chefs de parti se sont conclus avec le même spectacle inusité. Tour à tour, après leur allocution, ils ont traversé la Chambre des communes pour se faire l'accolade et se serrer la main avant de se diriger vers Kevin Vickers pour le remercier chaleureusement.
Car tout semble indiquer que le sergent d'armes, un ancien haut gradé de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), a sauvé de nombreuses vies, mercredi, en abattant le tireur dans le hall d'honneur de l'édifice du Centre.
Le tireur, Michael Zehaf Bibeau, né en 1982, a été tué à quelques mètres de l'endroit où des centaines de députés étaient réunis pour leurs réunions hebdomadaires du caucus.
Le premier ministre Harper et son épouse Laureen sont allés déposer une gerbe de fleurs au Monument commémoratif de guerre du Canada, là où le caporal Nathan Cirillo, un réserviste de Hamilton, a été tué, mercredi matin.
Les deux autres chefs ont également fait un arrêt à cet endroit, qui est situé à un jet de pierre de l'édifice du Centre.
Lorsque M. Harper est arrivé sur les lieux, les policiers sont intervenus pour arrêter un homme. Plus tard, les policiers ont précisé qu'il avait tenté de pénétrer sur une scène de crime, en référence à l'endroit où le militaire a été tué.
Le chef conservateur a rencontré jeudi matin son cabinet au grand complet pour discuter de l'attaque de la veille, a indiqué Jason MacDonald, son directeur des communications.
Ils ont été mis au fait des développements par le conseiller en sécurité nationale, le commissaire de la GRC et le directeur du SCRS au sujet de la fusillade et de la situation de la sécurité au Canada.
Les édifices du Parlement étaient toujours fermés aux visiteurs, jeudi, et l'accès à la colline était toujours contrôlé.
Hommages au caporal Cirillo
Hommages au caporal Cirillo
Un livre du souvenir a été mis à la disposition des résidants d'Ottawa qui souhaitent rendre hommage au caporal Nathan Cirillo.
Il sera possible de signer le livre dès 11 h, jeudi, à la Place-Jean-Pigott de l'hôtel de ville, et ce, jusqu'à nouvel ordre, a annoncé la municipalité d'Ottawa.
De plus, l'Orchestre du Centre national des Arts du Canada dédiera son concert de jeudi soir au Usher Hall d'Édimbourg à la mémoire du caporal Cirillo. Au début du concert, les membres de l'auditoire seront invités à observer une minute de silence en guise de respect pour le jeune soldat et père de famille tué.