Face au lock-out décrété par Postes Canada mardi soir, le gouvernement fédéral veut forcer le retour au travail.
La ministre fédérale du Travail, Lisa Raitt, a annoncé pendant la période des questions qu'elle aviserait les Communes en soirée, mercredi, de son intention de déposer une loi spéciale pour un retour au travail chez Postes Canada.
Cet avis sert à prévenir les députés 48 heures à l'avance du dépôt d'une mesure législative spéciale.
Le premier ministre Stephen Harper a plaidé que, comme dans le conflit qui sévit à Air Canada et où Ottawa a aussi l'intention de forcer la reprise des opérations, le conflit "menace des dommages importants à l'économie canadienne et à la population".
"Ce gouvernement va agir pour protéger les intérêts supérieurs de l'économie canadienne et de la population canadienne", a argué le premier ministre aux Communes.
Après 12 jours de grèves tournantes et plusieurs semaines de négociations infructueuses, Postes Canada a décrété un lock-out mardi soir et annoncé la suspension de ses activités partout au pays.
Une mesure visant à "précipiter les choses", a fait valoir une porte-parole de la société d'État Anick Losier, qui a accusé la partie syndicale d'avoir des demandes qui ne sont "pas réalistes".
"Il faut essayer d'être raisonnable dans les discussions, essayer de comprendre la réalité d'aujourd'hui, essayer d'en arriver à cette entente négociée le plus rapidement possible", a-t-elle indiqué, en entrevue téléphonique.
"Il faut que le syndicat soit sérieux dans ses demandes", a défendu Mme Losier, qui estime pour sa part que les propositions de la partie patronale sont plus qu'acceptables.
Postes Canada affirme que l'accélération du déclin des volumes de courrier ainsi que l'impossibilité de le livrer à temps et de façon sécuritaire a forcé le décret d'un lock-out.
Le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes (STTP) n'a pas tardé à répliquer, mercredi matin, en affirmant que l'attitude de la société d'État était "inacceptable", puisque Postes Canada a pris "d'une certaine façon une partie du courrier en otage, une partie de la population en otage".
En conférence de presse à Ottawa, le président national et négociateur en chef du STTP, Denis Lemelin, a réitéré la volonté syndicale de reprendre les négociations, en autant que la partie patronale revoie le mandat de ses négociateurs. Car après huit mois de pourparlers, la situation n'est toujours pas réglée.
Mme Losier a indiqué que le grand patron des Postes, Deepak Chopra, était prêt à rencontrer la partie syndicale. Mais la partie patronale semble demeurer plus frileuse quant à ce qui a trait à leurs demandes.
Syndicat et direction souhaitent poursuivre les négociations librement et se sont dits défavorables à une loi spéciale du gouvernement fédéral.
M. Lemelin a rappelé que ce scénario pourrait affecter les relations de travail pour les années à venir.
"Nous ne serons pas d'accord avec une loi de retour au travail. Nous dirons non et nous continuerons de dire non", a argué le président du syndicat, en plaidant que la seule façon de procéder était par la libre négociation.
Quant à savoir si le STTP accepterait une telle mesure législative, M. Lemelin a refusé de le préciser, ajoutant qu'il s'agissait encore d'une question hypothétique.
Même son de cloche du côté de l'entreprise, Mme Losier ayant refusé de s'avancer, en entrevue quelques minutes avant que la ministre Raitt annonce que son gouvernement était prêt à forcer le retour au travail.
C'est la deuxième fois en 24 heures que le gouvernement conservateur avise qu'il a l'intention d'intervenir dans un conflit de travail. Mardi, il annonçait qu'il déposerait une loi spéciale pour imposer le retour au travail chez Air Canada.
La ministre Raitt refusait jusqu'ici d'intervenir dans les négociations entre Postes Canada et ses employés, mais elle a changé de ton mercredi à la suite de l'annonce du lock-out.
Postes Canada prétend avoir subi des pertes totalisant près de 100 millions $ jusqu'ici, en incluant les grèves de mardi à Montréal et à Toronto. De plus, l'employeur justifie sa décision d'imposer un lock-out par l'écart important qui sépare toujours les parties sur plusieurs questions fondamentales.
La direction croit qu'un lock-out était le meilleur moyen de résoudre rapidement l'impasse et croit ainsi pouvoir forcer le syndicat à examiner les propositions qui traitent de la baisse des volumes de courrier et du déficit de 3,2 milliards $ du régime de retraite.