La révision du Code du travail pourrait avoir des conséquences graves pour l'économie québécoise, selon le président de Quebecor, Pierre Karl Péladeau.
En commission parlementaire mardi à Québec, le grand patron de l'empire médiatique s'est opposé à la révision des dispositions antibriseurs de grève, tel que le suggère un projet de loi du Parti québécois.
"Nous avons pris connaissance du projet de loi et, honnêtement, je pense que ça va pénaliser le Québec, ça va faire en sorte d'effrayer les entreprises qui vont avoir de plus en plus de difficultés à pouvoir s'installer ici. Ça va probablement précipiter la fermeture de nombreuses d'entre elles. Je ne veux pas être pessimiste, mais je suis inquiet, je suis très inquiet effectivement", a dit M. Péladeau.
Selon lui, le gouvernement s'engage sur une pente dangereuse en envisageant une réforme du Code du travail "à cause d'un conflit qui concerne moins de 200 personnes" au Journal de Montréal.
À ses yeux, il faudrait, au contraire, revoir "l'économie générale" de la loi antibriseurs de grève, pour s'assurer que les employeurs puissent "créer de la richesse", a-t-il fait valoir durant son témoignage devant les parlementaires qui se penchent sur la modernisation des dispositions antibriseurs de grève.
La commission parlementaire de deux jours a pour but d'examiner la nécessité de moderniser le Code du travail, quant aux dispositions relatives aux travailleurs de remplacement lors d'un conflit de travail, qu'on surnomme scabs ou briseurs de grève. Elle a été instituée à la suite du lock-out au Journal de Montréal, qui dure depuis deux ans.
À propos du conflit au journal, M. Péladeau a dénoncé la position syndicale.
N'eut été de la "mauvaise foi" des syndiqués, le conflit serait réglé depuis longtemps, a-t-il allégué.
"Il faut savoir que, pendant 18 mois, tout en nous accusant de refuser de négocier, le syndicat était d'avis qu'aucune réduction d'effectifs n'était nécessaire. Alors, qu'est-ce que vous voulez faire lorsqu'une position aussi dogmatique est utilisée par une des parties dans une négociation?", a lancé M. Péladeau.
Pour changer les façons de faire et assurer la prospérité de l'ensemble de l'entreprise, le lock-out était devenu la seule avenue possible, a poursuivi le patron de Quebecor.
"Nous en sommes venus à cette extrémité, et j'en conviens, il s'agit d'un geste violent, mais qui nous apparaissait incontournable", a-t-il dit.
La loi antibriseurs de grève a été adoptée en 1977, donc bien avant les bouleversements engendrés par les nouvelles technologies. À l'heure actuelle, selon la loi, pour être considéré comme un briseur de grève une personne doit effectuer son travail sur les lieux mêmes de l'entreprise en conflit.
Or, des voix de plus en plus nombreuses se font entendre pour dire que la loi est obsolète et devrait élargir la définition d'établissement, compte tenu qu'un journal, grâce à l'informatique, peut désormais être en grande partie produit n'importe où à l'extérieur des murs de l'entreprise.
Les principaux acteurs du monde patronal et des milieux syndicaux défilent mardi et mercredi pour faire valoir leur point de vue.
Le président du Syndicat des travailleurs de l'information du Journal de Montréal, Raynald Leblanc, a lancé le débat en disant que si le lock-out servait à provoquer la mise à jour de la loi anti-briseurs de grève, il "aura été utile".
Dans son état actuel, en raison des progrès technologiques, "la loi ne fonctionne pas", a estimé M. Leblanc.
"Il y a un déséquilibre complet entre l'employeur et le syndicat. L'employeur continue de produire, continue à avoir son lectorat, continue à avoir sa publicité au même niveau ou à peu près. Pendant ce temps-là, il y a 253 familles qui sont sur le trottoir, qui sont hypothéquées de leur salaire, qui n'ont plus d'assurance collective, qui ne participent plus à leur fonds de retraite", a-t-il déploré.
Selon M. Leblanc, la direction de Quebecor a "planifié de longue date" le projet de décréter un lock-out, et ce, uniquement pour mener à bien "un plan d'affaires".
Avant les témoignages des intervenants, le député de Mercier, Amir Khadir, de Québec solidaire, a tenté d'obtenir un passe-droit de la commission (dont il n'est pas membre) pour émettre des commentaires sur le sujet, mais sa demande a été refusée à l'unanimité. Il a justifié sa demande par le fait que Le Journal de Montréal est situé dans sa circonscription.
Les représentants du monde patronal, dont le Conseil du Patronat, ont pour leur part exhorté le gouvernement à maintenir "l'équilibre des forces" en présence, en assouplissant certaines dispositions, dont celles ayant trait à l'obligation des employés de cotiser à leur syndicat.
Au terme des travaux, les députés de la Commission de l'économie et du travail, issus des différentes formations politiques, décideront s'ils veulent formuler des recommandations au gouvernement.
La ministre du Travail, Lise Thériault, ne participe pas aux travaux de la commission.