Le refus du gouvernement canadien d'autoriser l'acquisition du groupe énergétique Progress Energy par le Malaisien Petronas suscitait lundi la circonspection des milieux financiers, au moment où Ottawa doit se prononcer sur le rachat du pétrolier Nexen par le géant chinois CNOOC.
Le ministre canadien de l'Industrie, Christian Paradis, a annoncé ce week-end qu'il s'opposait au rachat de Progress par Petronas pour quelque 5,5 milliards de dollars. Le cabinet conservateur n'est "pas d'avis que l'investissement proposé sera vraisemblablement à l'avantage net du Canada", a-t-il expliqué.
Progress Energy, spécialisé dans l'exploitation de gaz naturel non conventionnel, a répondu qu'il "allait travailler au cours des 30 prochains jours pour déterminer la nature des problèmes et les solutions éventuelles", se disant "déçu" par la décision d'Ottawa.
Investisseurs, opposition et observateurs s'interrogeaient sur la définition retenue par Ottawa pour "avantage net".
Car le gouvernement conservateur a prolongé la semaine dernière son examen du projet de rachat du groupe pétrolier Nexen par le géant chinois CNOOC. Là encore, il s'agit de déterminer si cette offre de 15,1 milliards de dollars américains serait profitable à l'économie canadienne.
Interrogé à ce sujet lors d'une conférence de presse lundi avec son homologue de Jamaïque, Portia Simpson-Miller, le Premier ministre Stephen Harper est resté vague, répétant que son cabinet "accueillait positivement les investissements favorables aux Canadiens".
Il a indiqué qu'un cadre clair posant les conditions d'acceptation d'un investissement étranger serait bientôt présenté, sans fixer de date.
Mais en attendant, alors que l'horloge tourne pour Nexen, l'opposition hausse le ton. "On ne sait pas ce qui fait la différence entre une approbation et un refus, personne ne le sait!", a tonné lundi Peter Julian, responsable des questions énergétiques au Nouveau parti démocratique (NPD, gauche).
"Nous voulons un processus clair qui profite aux Canadiens ainsi qu'aux investisseurs potentiels", a-t-il réclamé.
Le refus d'Ottawa de laisser Petronas mettre la main sur Progress Energy ne représente que le troisième cas du genre.
Mais pour Charles St-Arnaud, qui suit l'économie canadienne depuis Wall Street pour la banque Nomura, le gouvernement conservateur "risque d'envoyer un mauvais signal" aux investisseurs étrangers.
"Il n'y a eu aucun détail sur les raisons qui ont fait que cette transaction a été rejetée", indique-t-il à l'AFP. Prendre le temps d'étudier les projets d'acquisition au nom de l'intérêt national constitue "une bonne politique, mais le problème c'est que c'est opaque", et cela ne permet pas de comprendre les motivations des responsables à Ottawa.
Il y a près de deux ans jour pour jour, le gouvernement conservateur s'opposait au rachat du leader mondial de la potasse, PotashCorp, par le géant anglo-australien BHP Billiton. Ottawa avait alors invoqué le même "avantage net" pour le pays et le ministre de l'Industrie d'alors, Tony Clement, avait promis un rapport détaillé expliquant le rejet. "On l'attend toujours", ironise M. St-Arnaud.
"Il semble qu'il y ait des +conditions+ spéciales qui s'appliquent" à la transaction entre Petronas et Progress, estime Steve Toth, analyste de la banque d'affaire Canaccord Genuity, selon qui au contraire elle présentait un bénéfice net.
Pour le cabinet Raymond James, qui déplore le manque de transparence du ministère de l'Industrie, il semble qu'un "agenda politique plus large ait quelque peu éclipsé les considérations rationnelles de l'acquisition".
Un récent sondage soulignait à ce propos que presque quatre Canadiens sur cinq (78%) estiment qu'Ottawa ne devrait pas permettre à des gouvernements étrangers de contrôler ses richesses naturelles.
Les analystes de Crédit Suisse restent toutefois optimistes pour l'avenir de l'acquisition de Nexen par le chinois CNOOC. Cela "va avoir lieu" car le groupe public chinois a donné des garanties précises aux Canadiens, avancent-ils.