Benoit Trépanier, 42 ans, est un ancien Montréalais qui a adopté la Gaspésie en 2006, au moment où la région se remettait debout, après des années d'exode de population et de chômage élevé. Il dirige Graffici à Gaspé, une coopérative de solidarité mise sur pied pour informer la population par un journal Web régional. Indigné par les mesures d'austérité imposées aux régions, il a amorcé à titre de citoyen le mouvement Solidarité Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, avec l'espoir que la mobilisation permettra de faire reculer le gouvernement.
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«Nous nous sommes mobilisés en Gaspésie ces dernières années pour rendre la région vivante. Nous avons freiné l'exode de la population, mais c'est comme si aujourd'hui on nous disait : puisque que vous vous êtes mobilisés, organisez-vous seuls», fustige M. Trépanier.
«La CRÉ [Conférence régionale des élus] n'a peut-être pas de raison d'être à Montréal, parce qu'il y a beaucoup d'autres instances décisionnelles, mais en Gaspésie, c'est notre gouvernement régional», fait-il valoir.
Des projets régionaux
C'est grâce à l'action rassembleuse de la CRÉ que 100 000 Gaspésiens peuvent chaque année utiliser le transport en commun, souligne l'homme d'affaires. C'est grâce à elle que 95 % de la région bénéficie d'Internet haute vitesse. C'est encore grâce à elle que 40 municipalités de la région se sont réunies pour investir dans l'achat de 17 éoliennes qui leur rapportent des millions de dollars.
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«Sans concertation, on n'aurait jamais pu faire tout ça !» affirme M. Trépanier, ajoutant que les municipalités ont aussi racheté un tronçon de chemin de fer abandonné par le CN et que la CRÉ gère des fonds de 11 M $ pour soutenir le développement des pêches, l'entrepreneuriat, la culture, la lutte à la pauvreté, les services aux aînés et le maintien des écoles de village.
Les six CLD du territoire, eux, ont permis la réalisation de près de 3 500 projets depuis 15 ans. Ils ont investi 36 M $ pour générer 12 fois plus d'investissements de la part des promoteurs privés.
L'abolition des CRÉ et des centres locaux de développement (CLD) signifie la perte de 50 emplois de professionnels qualifiés, dont plusieurs jeunes. Le pacte fiscal transitoire représente une perte de 20 M $ pour la Gaspésie.
«Et c'est sans compter l'effet de levier de ces 20 M $, dit M. Trépanier. C'est comme si on perdait 400 jobs à 50 000 $. C'est l'hécatombe.»
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«Ceux qui perdent leur emploi ne pourront pas tous en retrouver un ici, ce sont des emplois spécialisés. Alors on va perdre nos jeunes, encore. L'exercice de compressions est trop sévère et ne tient pas compte de la dévitalisation», martèle Allen Cormier.
Les compressions risquent aussi d'engendrer un effet domino. Par exemple, la coopérative de solidarité Graffici compte des membres d'entreprise, qui s'engagent à investir des sommes précises en publicité. Les CLD et la CRÉ en font partie. Leur disparition entraînerait un manque à gagner de 40 000 $ pour la coopérative, qui était déjà à prévoir un plan de restructuration de ses opérations pour assurer sa survie.
De plus, aux inquiétudes nées des compressions gouvernementales s'ajoutent celles causées par la réduction de services du transporteur Orléans Express et la décision récente de Gesca de congédier tous les collaborateurs régionaux de l'Est du Québec, de la Côte-Nord, de Charlevoix et de la Beauce. Et c'est sans compter la perte de pouvoir local qui viendra avec le projet de loi centralisateur du ministre Gaétan Barrette, qui vise l'abolition des agences régionales de santé.
«Tout ça contribue à éroder la capacité des régions d'agir dans leurs milieux, de s'affirmer et de s'exprimer», note Bernard Vachon.
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