Dans le cadre de l'exercice en cours de réduction des dépenses publiques, jusqu'aux trois quarts des Québécois seraient favorables à ce qu'une plus grande place soit accordée au privé à l'intérieur du système de santé actuel.
Cette donnée est tirée des résultats d'un sondage de la firme CROP, commandé par un regroupement naissant d'une trentaine d'entreprises privées du domaine de la santé au Québec, déterminées à convaincre le gouvernement de Philippe Couillard de recourir davantage au secteur privé pour atteindre ses objectifs d'assainissement budgétaire.
Le Conseil des entreprises privées en santé et mieux-être (CEPSEM) regroupe des entreprises privées oeuvrant dans le secteur de la santé. Parmi elles figurent les laboratoires Biron Groupe Santé, les cliniques privées Créa-MeD et Westmount Square, et le Groupe Santé Sedna, une société détenue par l'ex-ministre péquiste Michel Clair.
«Le gouvernement du Québec doit cesser d'avoir peur, soutient l'ex-parlementaire devenu homme d'affaires, qui a présidé la Commission sur le financement des services de santé au début des années 2000. La population apprécie le privé et est prête à voir de plus en plus de privé dans le réseau de la santé du Québec.»
Attaché au public, mais réceptif au privé
Selon le sondage Web réalisé par CROP auprès d'un millier d'adultes québécois, du 11 au 18 septembre dernier, les Québécois continuent de faire confiance au système de santé actuel (76 %). S'ils apprécient sa gratuité et son accessibilité, ils déplorent aussi nombre d'irritants, dont de longs délais d'attente et une certaine désorganisation.
À l'opposé, ils continuent d'associer les services de santé privés au qualificatif «dispendieux». Mais le privé rime aussi pour eux avec «rapidité des services» et «accessibilité à des services spécialisés».
Pour 54 % des Québécois, selon CROP, l'accessibilité aux soins et services de santé s'est détériorée au Québec au cours des dernières années. Cette opinion paraît particulièrement forte chez les femmes et répondants au revenu annuel par ménage supérieur à 80 000 $.
Selon Sylvain Gauthier, vice-président de CROP, les jeunes (18-34 ans) et les répondants non francophones se montrent plus critiques à l'égard du système public et de la qualité des soins qui y sont prodigués. Et les répondants non francophones, les mieux nantis et résidents de la région métropolitaine de Montréal tendent à avoir une opinion plus favorable à l'égard des soins et services de santé privés que la moyenne provinciale.
Mais au-delà des extrêmes, l'opinion dominante (44 % des répondants) est la confiance dans l'actuel système de santé public, doublée d'une opinion positive à l'égard du privé en santé. Aussi, pour 80 % des répondants, un système parvenant à combiner le meilleur des deux «systèmes» pourrait contribuer à désengorger le secteur public.
Quatre revendications
Fort de ces données, le président du CEPSEM, François Théorêt, vice-président du Groupe Pro Jacques, s'apprête à présenter un mémoire devant la Commission de révision permanente des programmes, instituée en juin dernier. L'objectif du gouvernement est de réduire de 3,2 milliards de dollars les dépenses pour l'exercice 2015-2016. Les dernières recommandations de la Commission sont attendues au printemps 2015.
Le CEPSEM souhaite que Québec s'engage dans l'établissement d'une politique de partenariat structuré avec le secteur privé, et dans la mise sur pied d'un financement en fonction des actes ou des soins prodigués plutôt que sur une base historique. Ses membres souhaitent aussi que le gouvernement offre aux patients le libre-choix du fournisseur de service, au public ou au privé, tout en maintenant un financement par l'État, et qu'il entreprenne une révision en profondeur de l'ensemble des services de santé offerts par le public.
Par exemple, Michel Clair suggère que le gouvernement pourrait cesser d'offrir certains services, souvent coûteux comme la procréation assistée, pour se concentrer sur une variété plus restreinte de soins, jugés plus importants compte tenu de ses moyens.
L'ex-ministre péquiste, sous René Lévesque et Pierre Marc Johnson, de 1976 à 1985, admet ne pas avoir évalué les coûts de transformation du système, comme celle qu'espère le CEPSEM. «Il faudrait parler davantage d'économies que de coûts», soutient-il. Si coûts il y a, de son point de vue, ils résident dans l'indécision et le report aux prochaines élections. Pendant ce temps, les années passent et les dépenses s'accumulent, déplore-t-il, avançant que certains services aux personnes âgées, par exemple, pouvaient être offerts au privé pour 15 % de moins que dans le réseau public. «C'est sûr qu'on ne peut pas tout faire du même coup, dit-il. Mais l'important est de commencer.»
80 %: Huit Québécois sur dix affirment avoir une opinion positive du privé, tandis que seulement 65 % d'entre eux en disent autant à propos du réseau de santé public. Source : CROP