Le gouvernement Couillard s'est donné un programme d'austérité depuis son entrée au pouvoir. Il ne se traduit pas seulement par des coupes dans les services à la population, mais également par une révision à la baisse du soutien gouvernemental aux entreprises.
Ainsi, le gouvernement libéral annonce des réductions de 20 % dans les crédits d'impôt aux entreprises, abandonne les programmes de soutien aux «gazelles» et remet clairement en question le soutien aux secteurs industriels «champions» (les grappes industrielles clés ou stratégiques). Selon le ministre de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations, Jacques Daoust, «le gouvernement n'a pas à soutenir des secteurs en particulier, il n'a qu'à favoriser le développement d'un climat et d'un contexte accueillant pour les affaires et le reste suivra, selon les forces du marché qui s'exerceront...»
Commençons par affirmer qu'il était grand temps qu'un gouvernement fasse le ménage dans les multiples programmes de subventions et de crédits d'impôt. L'abolition de plusieurs crédits d'impôt désuets qui n'offraient pas un rendement de l'investissement raisonnable est sans aucun doute la bonne chose à faire dans la perspective d'équilibrer nos finances publiques. La gauche québécoise se réjouit de voir que l'entreprise privée ne tablera plus sur les fonds publics pour engraisser ses bénéfices, et la droite se félicite de la non-ingérence de l'État dans l'économie.
Priorité aux secteurs névralgiques
La réduction de tous les crédits d'impôt et l'abandon des secteurs industriels qui sont nos moteurs sur le plan économique soulèvent cependant des questions complexes.
Contrairement à l'Union européenne qui, dans le but d'éviter la surenchère entre ses États membres, leur a fixé des limites en matière de subventions pouvant être accordées à une entreprise, l'Amérique du Nord n'a pas établi de limites quant aux deniers publics pouvant être offerts aux entreprises pour les attirer. Cela donne lieu à des surenchères très inquiétantes. Quand on pense aux gigantesques crédits d'impôt offerts par le Tennessee qui ont entraîné le déménagement d'Electrolux ou aux crédits d'impôt très généreux accordés par l'Ontario à Ubisoft, on s'aperçoit que Montréal se trouve clairement en concurrence avec des villes nord-américaines qui n'hésiteront pas à vider les coffres de l'État pour convaincre une entreprise de déménager.
Il ne fait aucun doute que cette pratique est condamnable et qu'un plafond de subventions, à l'image des politiques de l'Union européenne, devra être instauré ici en Amérique. Mais d'ici là, Montréal a-t-elle les moyens de voir ses pôles industriels champions déménager ?
Dans un tel contexte, le Québec doit déterminer les secteurs névralgiques dans lesquels il détient des sources d'avantages concurrentiels et doit ensuite les soutenir. En d'autres termes, nous devons agir de façon stratégique et éviter les mesures uniformes qui s'appliqueraient aveuglément à tous les secteurs d'activité, sans égard à nos sources d'avantages concurrentiels.
Une ville comme Montréal doit miser sur des secteurs d'excellence spécifiques et difficiles à imiter et doit les développer, parce qu'elle n'est pas d'emblée sur l'écran radar des grandes entreprises et des investisseurs. Montréal est une métropole qui s'apparente davantage à Boston, Seattle, Philadelphie et Melbourne, comme le rappelait d'ailleurs le rapport de la BMO l'hiver dernier sur la relance de Montréal. Ce rapport démontre bien que les villes comparables à Montréal, qui ont été considérées aux fins de l'étude, sont parvenues à se sortir d'une période de marasme ou de morosité en misant sur des secteurs d'activité spécifiques, en se donnant une personnalité économique unique et forte.
En ce sens, un retrait aveugle et complet de l'État dans tous les domaines, même dans les grappes industrielles qui donnent à Montréal un positionnement unique et une vigueur économique, pourrait être catastrophique.
À surveiller...
Dans chaque chronique, je vous fais découvrir une entreprise à surveiller qui est issue de la génération Y et qui réinvente son secteur d’activité. Cette semaine, j’ai choisi BiogeniQ. Pourquoi : L’entreprise pratique une médecine préventive personnalisée fondée sur les avancées scientifiques dans le domaine génétique. Chaque année, 100 000 personnes meurent et 2,4 millions sont hospitalisés en raison d’effets secondaires de médicaments. La génétique permet de répondre en grande partie au problème « one size does not fit all », selon lequel tous n’ont pas les mêmes besoins.
Principal défi : Pour convaincre la médecine traditionnelle d’adopter une nouvelle technologie grâce à laquelle les bénéfices dépassent les risques, cette technologie doit être infaillible.
Paul St-Pierre Plamondon est vice-président de Delegatus services juridiques, une firme de 25 avocats issus des grands cabinets, dont la mission est de servir le Québec inc. Il est chroniqueur politique, entre autres à l’émission Bazzo.tv à Télé-Québec. En 2007, il a cofondé l’organisme Génération d’idées, qui se donne pour mission d’intéresser les 20 à 35 ans au débat public.