C’est en invoquant une situation urgente que le gouvernement de Pauline Marois justifie l’achat de logiciels Microsoft sans appel d’offres pour le ministère du Conseil exécutif. Jeudi, Les Affaires révélait que le Secrétaire général Jean Saint-Gelais avait autorisé en octobre 2012 un contrat de gré à gré avec le géant Microsoft, estimant qu’un appel d’offres «ne servirait pas l’intérêt public».
«Il y avait urgence d’aller de l’avant pour faire la mise à jour des logiciels afin de pouvoir assurer la compatibilité avec la technologie iPhone», a expliqué par courriel vendredi matin le Secrétaire aux communications gouvernementales, Hubert Bolduc.
M. Bolduc a précisé que ce contrat pour la mise à jour des logiciels Microsoft et Exchange au ministère du Conseil exécutif, la tête du gouvernement, a une valeur de 500 000 $.
Un porte-parole du Conseil du trésor a par la suite expliqué que la compatibilité des environnements technologiques n’aurait pas été atteinte avec un autre fournisseur que Microsoft, sauf en déboursant des coûts supplémentaires, «ce qui aurait été contraire à l’intérêt public».
Les liens étroits de Microsoft avec le pouvoir politique sont questionnés par diverses sources dans le milieu des TI. Même la députée péquiste Marie Malavoy avait dénoncé l’été dernier à l’Assemblée nationale le penchant de Québec pour les produits Microsoft, demandant en chambre si le gouvernement Charest «cédait aux pressions de Martin Daraîche, ancien collaborateur du premier ministre devenu lobbyiste pour Microsoft Canada». Considérant qu’Éric Leduc, le directeur des Solutions d’affaires chez Microsoft Canada, siège actuellement au conseil exécutif du Parti Québécois, certains se demandent aujourd’hui si le PQ est à l’abri des pressions.
«Cela n’a aucun lien avec la décision de M. Saint-Gelais, a affirmé Shirley Bishop, la directrice des communications du cabinet de Pauline Marois. Le contrat est une décision administrative du gouvernement et ça n’a rien à voir avec les personnes qui siègent au conseil du parti.»
Dans la lettre de M. Saint-Gelais dont Les Affaires a obtenue copie jeudi, le Secrétaire général appuie sa décision de procéder sans appel d’offres sur une disposition de la Loi sur les contrats des organismes publics adoptée par décret par le gouvernement Charest en 2011 et décrié par le PQ.
«Nous sommes en train de nous faire rouler avec ce décret», avait réagi la députée péquiste Marie Malavoy en novembre 2011, dans une entrevue au quotidien Le Devoir. Elle et son ancien collègue Sylvain Simard ont ouvertement milité pour la cause du logiciel libre ces deux dernières années, y voyant une source d’économies pour l’État québécois, qui doit renouveler les logiciels sur 500 000 postes dans la fonction publique.
Le décret numéro 1111-2011 donne au Centre des services partagés, le fournisseur des biens et services de l’appareil étatique, le droit de conclure, sous certaines conditions, des contrats de gré à gré pour l’acquisition de logiciels. Le décret favorise précisément Microsoft, Oracle Canada, McAfee, IBM Canada, Adobe et Symantec.
La dépendance de gouvernement à l’égard des multinationales de l’informatique est décriée par l’industrie du logiciel libre. Cyrille Béraud, président de l’entreprise Savoir-Faire Linux et de la Fédération québécoise des industries et communautés du libre a récemment été consulté par le président du Conseil du trésor Stéphane Bédard, qui annonçait en janvier son intention d’établir un plan d’action pour l’élargissement de l’utilisation du logiciel libre. Toutefois, l’entourage de M. Bédard est apparu à M. Béraud beaucoup plus favorable à Microsoft qu’au logiciel libre.
«Il y a tout ici pour faire du Québec un leader mondial du logiciel libre, estime M. Béraud, qui avait posé sa candidature à l’investiture péquiste dans Vimont l’an passé. Dans le privé, ça marche bien. Bombardier a pris le virage. Mais l’État, qui est le plus gros employeur au Québec, crée un univers hostile qui ne nous permet pas de créer plus de richesse.»
Le gouvernement de France, qui a pris le virage du logiciel libre, a réduit par dix les coûts de fonctionnement de ses applicatifs.