Le président du Conseil du trésor Stéphane Bédard ne ferme pas la porte à la tenue d’une enquête publique sur les contrats informatiques gouvernementaux, dont les coûts et les délais dépassent régulièrement les prévisions. Cette enquête lui a été formellement demandée par le Syndicat de la fonction publique et parapublique du Québec, qui voit dans le secteur des TI des éléments aussi préoccupants que ceux qui ont amené la Commission Charbonneau à enquêter dans le secteur de la construction.
«On est face à une situation où, dans plusieurs cas, le gouvernement libéral n’a pas contrôlé ses coûts, où il y a eu un problème de suivi évident et cela a donné la sensation bien ancrée et justifiée qu’on n’en a pas eu pour notre argent. Mais s’il y avait des évènements qui nous portaient à croire qu’on est face à quelque chose qui s’apparente au secteur de la construction, je n’hésiterais pas une seconde pour recommander à Mme Marois de procéder avec un mandat particulier à la Commission Charbonneau», a réagi M. Bédard en point de presse à Québec.
Tout en remerciant le SFPQ pour sa dénonciation d’une «situation qui a duré des années», Stéphane Bédard a toutefois considéré que les problèmes soulevés jusqu’ici par le Vérificateur général comme par le syndicat, relèvent davantage d’une mauvaise administration que de malversations.
La présidente du SFPQ, Lucie Martineau, croit pour sa part que seule une enquête publique permettra de faire la lumière sur les pratiques et de procéder au ménage qui s’impose.
«Les ingrédients sont les mêmes qu’au ministère des Transports : la concurrence est limitée à quelques firmes, la dépendance envers les firmes privées est importante et les coûts ont explosé», a affirmé Mme Martineau pour appuyer sa demande.
Elle a indiqué que ce constat, que le syndicat a commencé à faire à l’occasion d’une entrevue avec Les affaires en octobre dernier, a été renforcé par le dépôt du rapport du vérificateur général en novembre. Ce dernier faisait ressortir plusieurs lacunes dans la gestion des contrats en TI : estimation de coûts et définition de besoins sans documentation, contrats attribués selon des taux journaliers, donc faisant porter tout le risque sur l’acheteur de services, et rémunération supérieure à celle prévue dans les contrats.
Concernant la rémunération, les comparaisons répertoriées par le SFPQ montrent qu’il en coûte presque deux fois plus cher en moyenne pour faire exécuter des tâches récurrentes (et non des projets particuliers nécessitant une expertise de pointe) par les firmes privées plutôt que par les employés du gouvernement. Le recours à la sous-traitance a d’ailleurs explosé, passant de 26% en 1996-1997 à 55% aujourd’hui selon le vérificateur général. Ailleurs au Canada et dans le monde, ce taux varie de 8% à 24%.
Le président du Conseil du trésor a annoncé ce mardi qu’il allait agir sur quatre fronts pour améliorer la gestion des contrats informatiques gouvernementaux : mieux définir les besoins, assurer un meilleur suivi des gestionnaires et du pouvoir politique, s’assurer d’un meilleur contrôle des coûts et favoriser une concurrence plus vive. Aussi, il entend déposer prochainement un plan d’action pour introduire l’utilisation élargie du logiciel libre, une voie que des pays comme la France et le Brésil ont empruntée pour diminuer leurs coûts informatiques.