Il n’y a pas mille façons d’accroître la richesse au Québec. Et ce n’est ni en sabrant dans les programmes sociaux, ni en diminuant la taille de l’État, mais bien en haussant le PIB, a dit aujourd’hui le ministre du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation du Québec, Clément Gignac, lors d’un déjeuner-causerie organisé par le CORIM (Conseil des relations internationales de Montréal).
En fait, s’il avait un titre à choisir, Clément Gignac voudrait bien être ministre du PIB.
Le PIB québécois est inférieur de 15% à la moyenne canadienne et de 25% à celui des six économies les plus performantes. Cela se traduit par des revenus moyens inférieurs à 5 000$ par rapport à l’Ontario, à 7 000$ par rapport au Canada et à 17 000$ par rapport aux Etats-Unis.
Pour arriver à accroître sa richesse le Québec a des contraintes «jamais vues», dit le ministre : un dollar robuste, un ratio d’endettement élevé et une démographie «qui va travailler contre nous».
Productivité et nouveaux marchés
L’accroissement d’un PIB ne passe pas par mille chemins et le ministre Gignac a exposé les voies les plus fréquentables pour l’économie québécoise. La première est l’augmentation du nombre d’heures travaillées ( 175 heures de moins qu’aux Etats-Unis annuellement). Mais Clément Gignac a dit en rigolant que ça n’était pas très populaire, se référant à l’accueil mitigé réservé aux propos de l’ex-premier ministre Lucien Bouchard à ce sujet.
Le taux d’emplois, cependant, peut être augmenté, notamment dans la tranche d’âge des 55 ans et plus : il est 10% plus bas qu’en Alberta. Les mesures sociales mises en place pour favoriser le travail des femmes a porté fruit : le taux d’emploi des 25-44 ans est aujourd’hui à 79%, un record. Il faut donc faire preuve d’autant d’imagination pour les 55 ans et plus et mettre en place des programmes incitatifs pour les retenir au travail.
Augmenter la productivité va aussi de soi, bien sûr. «Il n’est pas normal que les dépenses dans les technologies de l’information soit 1 000$ inférieur au Québec qu’en Ontario. Quand on n’a pas les bons logiciels…», a dit le ministre Gignac, prônant aussi un plus grand accès à un réseau Internet haute vitesse à travers le Québec.
La conquête de nouveaux marchés s’impose, en Europe et en Asie, notamment. Pour cela, Québec offre son aide. La fusion d'Investissement Québec et de la SGF devrait selon lui simplifier les démarches des entrepreneurs. Il souhaite que le nouvel organisme travaille plus étroitement avec EDC (Exportation et développement Canada).Capital humain et entrepreneuriat
Le Québec doit non seulement s’ouvrir au capital étranger, mais aussi au capital humain, notamment par l’apport d’étudiants étrangers. Le ministre a salué les mesures migratoires facilitant leur installation une fois leur diplôme obtenu. Et le fait que Montréal compte le plus d’étudiants étrangers per capita en Amérique du Nord, avec Boston.
La province a aussi la chance d’être bien pourvue en ressources naturelles, dit Clément Gignac. Il faut les valoriser, notamment le secteur minier.
Enfin pour prospérer, dit le ministre Gignac, il faut aussi valoriser l’entrepreneuriat, notamment chez les 20-35 ans, deux fois moins nombreux en affaires que dans le reste du Canada. «Il faut être aussi fier des entrepreneurs qui réussissent dans le monde que des artistes qui y rayonnent», a-t-il dit, s’attirant les applaudissements de la foule.
Un complot contre l’amiante québécois?
Interrogé sur le soutien de Québec dans la relance de la mine Jeffrey, le ministre Gignac se dit bien conscient de l’émoi que suscite l’amiante dans l’opinion publique mais il soutient que la décision a été prise après s’être assuré du soutien unanime dans la région.
Le ministre estime que l’exploitation et l’exportation de l’amiante chrysotile (en Inde, notamment, mais aussi dans d’autres marchés émergents) peuvent se faire en sécurité, même s’il est conscient que le risque zéro n’existe pas. «Au-delà des 450 emplois, dit-il, il s’agit de 100 millions de dollars de retombés en recettes et en redevances pour le Québec. Cet argent permettra notamment de favoriser la diversification de l’économie dans cette région.»
Clément Gignac dit avoir fait ses devoirs dans ce dossier. «Ça fait des mois que je l’étudie. Je suis allé en Inde deux fois, notamment avec un représentant de la CSST.» Il a pris connaissance du jugement de la Cour Suprême indienne qui s’est prononcée sur l’importation de l’amiante chrysotile. Dans ce jugement, dit le ministre Gignac, on met en lumière une proximité troublante entre certains groupes s’opposant à l’importation de l’amiante et des industries concurrentes, notamment celles de l’acier et des tuyaux de plastique.